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Nostalgie de l'Inconnu,
recueil de Clark Ashton Smith.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Gindre. 12 Euros. La Clef d'Argent présente l'intégrale des poèmes en prose de Clark Ashton Smith (1893-1961): Mille et une Nuits désabusées du poète californien, traducteur de Baudelaire, correspondant et ami de Lovecraft, auteur de L'Empire des Nécromants, de Zothique et du Mangeur de hachisch. Les poèmes en prose de Clark Ashton Smith constituent un exemple unique dans la littérature contemporaine de perpétuation et d'enrichissement d'un genre littéraire initié au XIXe siècle par Aloysius Bertrand dans Gaspard de la Nuit, Charles Baudelaire dans les Petits poèmes en prose ou Arthur Rimbaud dans Les Illuminations.
ISBN-10 2-908254-31-X.
Publié avec le concours du Centre Régional du Livre de Franche-Comté et de la Région Franche-Comté. |
Sur Clark
Ashton Smith, La Clef d'Argent a publié: Les
Mondes perdus de Clark Ashton Smith de Jean Marigny, Clark
Ashton
Smith, poète en prose de Donald Sidney-Fryer, et Les Jardins de Klarkash-Ton de Philippe Gindre. De Clark Ashton Smith, La Clef d'Argent a publié: Nostalgie de l'Inconnu, intégrale des poèmes en prose, et Le Mangeur de Hashish (épuisé). |
Extraits de Nostalgie de l'Inconnu:
La nostalgie des choses inconnues, des contrées oubliées ou jamais découvertes... tel est le sentiment qui souvent me submerge. Souvent, je suis pris du désir ardent de voir l'or de soleils étincelants se refléter sur le marbre diaphane de terrasses azurées; parodies minérales de grands lacs étals aux eaux calmes, insondablement calmes... Souvent, je brûle de contempler de légendaires palais de serpentine, de fabuleux castels d'argent et d'ébène dont les colonnes seraient de vertes stalactites. Souvent, j'aspire à admirer les ruines de temples affaissés dont les piliers se dressent encore dans le vaste crépuscule purpurin d'une contrée de légende telle qu'on en peut trouver dans les romances oubliées. Je soupire après des forêts de cèdres, profondes et vertes, où l'enchevêtrement fantastique des ramures pénombreuses laisse entrevoir des éclats de diamant bleu dans lesquels on devine un océan tropical inconnu. Je soupire aussi après les palmiers et les coraux de ces îles qu'un matin d'ambre cisèle, là-bas, par-delà Cathay, par-delà Taprobane... Je soupire enfin après les étranges cités du désert, ces cités secrètes dont les dômes d'airain brûlant et les audacieux pinacles d'or et de cuivre transpercent cruellement un ciel de lazuli torride. («Nostalgie de l'Inconnu»)
Narcisse, blême et splénétique, dans les eaux mortes d'une mare putride tu vois ton image qui tantôt se noie, tantôt resurgit des vertes profondeurs, au gré des iridescents caprices de l'écume corrompue, de l'écume flamboyante qui damasse l'eau fétide de fantasques arabesques. Dans les miroirs de bronze tiquetés de vert-de-gris qui jadis reflétèrent la beauté fatale d'anciennes souveraines, insatiables d'amour, avides de souffrance, et dont les royaumes ont été depuis longtemps déjà oblitérés des cartes par les sables du désert, il t'est parfois donné de contempler l'implacable et perverse nympholepsie que trahit ton maintien... (Narcisse»)
Alors que je parcourais le cloître des morts, le soleil couchant vint percer le couvert sépulcral des ifs et des cyprès, rehaussant d'une érubescence fantomale la pâleur des tombes et des cénotaphes. Rêvant parmi les stèles, je vis les ombres troublées commencer à s'agiter. Déjà, les mornes ramures abandonnaient comme à regret l'or éteint dont la lumière faiblissante les avait un instant parées. Le sanglant embrasement n'irriguait plus désormais que le coeur distendu du soleil, laissant les cieux exsangues... («L'Enclos funèbre»)
Sur son balcon de nacre, la princesse Almina, vêtue d'une robe de soie irisée, ses longues boucles sable dénouées, a le regard tourné vers l'océan inondé de soleil couchant qui s'étend au-delà de la terrasse de marbre vert où des paons montent la garde. En contrebas, dans la lumière colorée, des arbres fantastiques aux troncs ophidiens laissent traîner la fine chevelure d'un délicat feuillage qui va se mêler aux feuilles lunulées de lys énormes. Des bouquets de roseaux aux nuances arc-en-ciel poussent près des fontaines et des bassins d'eau noire aux bordures de malachite finement sculptées. De tout cela, pourtant, la princesse n'a cure et parcourt du regard les lointaines vastitudes océanes où les ichors dorés du soleil se sont rassemblés et forment un vaste lac qui submerge l'horizon... («La Princesse Almina»)
En son alcôve aux tentures lamées d'or, dont les piliers sont de saphir cannelé, l'empereur Chan est étendu sur les somptueuses fourrures de bêtes inconnues qui garnissent sa couche d'ébène incrustée d'opales et sertie de rubis. Ses paupières inertes que l'on croirait ciselées dans un onyx aux veines purpurines laissent filtrer un regard implacable et las. Chan fixe les fenêtres de cristal qui donnent sur les azurs infinis d'un horizon tropical embrasé où ciel et mer se confondent. Un ennui sans nom, sans véritable forme, ô combien plus pesant que le fardeau de l'esclave au fond de la mine, oppresse son coeur tel un cauchemar sans fin... («Ennui»)
Nous vivions à peine,
aimions
comme dans un rêve -- l'un de ces rêves obscurs et
allégoriques
qui défendent le seuil du sommeil, cette insoluble
énigme.
Nous ressentions envers nos femmes au teint pâle, à la
beauté
spectrale, ce même désir que doivent éprouver les
morts
pour les lys fantomatiques des prairies de l'Hadès. Nous
passions
nos journées à marcher au hasard à travers les
ruines
abandonnées de cités immémoriales. Là
où
la lumière morte échouait à jeter sur eux sa lueur
cadavéreuse, leurs palais de cuivre dentelé et leurs rues
bordées de rangées d'obélisques d'or ciselé
disparaissaient, engloutis à jamais sous un océan
d'ombres
stagnantes... («Dans les cryptes du souvenir»)
À propos de
la poésie
de Clark Ashton Smith:
«M. Smith a échappé à l'obsession de la vie et du monde, et a entrevu la beauté perverse, titanesque de la mort et de l'univers; prenant l'infini pour toile de fond et décrivant avec respect les terrifiants caprices des soleils et des planètes, des dieux et des démons, et des horreurs aveugles et amorphes qui hantent des jardins de champignons polychromes plus lointains qu'Algol ou Achernar. C'est un cosmos de flamme vivante et d'abysses glacials qu'il célèbre, et la luxuriance colorée avec laquelle il le peuple ne pourrait se trouver ailleurs que chez un pur génie.» H.P.
Lovecraft
H.P.
Lovecraft (Lettre
à C.A. Smith)
Christian
Hibon (Extrait
de la préface)
Marc
Duveau (Presses
Pocket)
Lauric
Guillaud (Phénix)
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