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Dossier de presse

Cette page contient notre dossier de presse pour l'année 2016.
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Le Cabinet du Diable - Céline Maltère Sueurs Froides, 29 décembre 2016.

Le Cabinet du Diable, roman de Céline Maltère.

Troisième volume de la collection LoKhale, à la Clef d'Argent, LE CABINET DU DIABLE nous entraîne à la découverte de l'étonnante Maison Mantin, une demeure fermée un siècle durant et donc conservée à l'identique, en dépit des inévitables outrages du temps, depuis la mort de son propriétaire, Louis Mantin. Un curieux personnage, célibataire prétendument endurci, collectionneur fasciné par les objets les plus étranges qui figurent au sein d'un véritable Cabinet des Curiosités.
Céline Maltère, professeur de lettres et écrivain, déjà auteure d'un ouvrage sur le fameux nécrophile Bertrand, semble s'être prise d'amour pour son joli sujet. De sa main, la Clef d'Argent vient de publier aussi, en mai de la même année, LES CORPS GLORIEUX, premier roman d'une trilogie de fantasy qui s'annonce pour le moins digne d'intérêt. Apparemment férue d'histoire, Maltère témoigne d'une solide et belle plume et elle happe le lecteur curieux dans son récit, sans qu'il ait d'effort particulier à fournir.
Après la description de 4 chercheurs des plus originaux, inexplicablement fascinés par la Maison Mantin (songez un peu : une nonne manchot, un Japonais aux membres de fer, un poète et un pirate excentrique !), Maltère laisse la parole au fantôme de Louis Mantin en personne. Une parole attachante qui nous fait pénétrer dans le versant proprement fantastique du récit, avec même la venue du... ou, en tout cas, d'un diable ! C'est justement cette seconde partie, témoignage direct de l'au-delà, qui est la plus puissante et la plus évocatrice du CABINET DU DIABLE.
Céline Maltère oublie alors le côté relativement sage (encore que ce quatuor !...) et documentaire du CABINET DU DIABLE pour décrire un bal proprement fantastique où les objets démontrent, de façon indéniable, qu'ils possèdent une âme !
Tout collectionneur fou, mais aussi tout amoureux du passé, épousera le ressenti du spectre Louis Mantin, évocateur du fantastique de Guy de Maupassant, qui traita lui aussi du thème des objets, et avec quel talent.
L'ouvrage, outre cette jolie novella, se conclut par une érudite partie documentaire, écrite cette fois par Maud Leyoudec, la conservatrice du patrimoine qui a participé à la restauration de cette maison située à Moulins, dans l'Allier.
La couverture photo est la plus réussie de la collection jusqu'à présent, avec ce crâne et cette ombre diabolique présente à l'avant-plan. Nous ne pouvons qu'en féliciter les maîtres d'Ïuvre, Philippe et Léo Gontier.
La collection LokHale se révèle une fois de plus attachante par sa volonté même de lier la réalité, inscrite en temps et en lieu, avec le mystère, l'étrange ou même le fantastique, comme ici avec cette histoire de maison hantée vraiment pas comme les autres. Un fantastique suranné, sans doute, mais qui peut surprendre encore aujourd'hui les amoureux d'ambiances rétro et de phrases élégantes et bien construites.
L'envie nous prendrait presque d'aller visiter la Maison Mantin pour... frémir, peut-être, en resongeant au CABINET DU DIABLE.

Patryck Ficini

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Les prédateurs de l'ombre - Romain Billot Sueurs Froides, 28 décembre 2016.

Les prédateurs de l'ombre, recueil de Romain Billot.

La Clef d'Argent sort avec LES PREDATEURS DE L'OMBRE ce qui est sans doute son recueil de nouvelles le plus directement horrifique, voire gore. Dommage que la couverture, aussi joliment exécutée soit-elle, ne reflète en rien le contenu de l'oeuvre en question...
Pour tout dire, le recueil de Romain Billot, riche de 19 textes (dont 5 inédits) et de 340 pages, n'aurait pas dépareillé dans les collections spécialisées de J'ai Lu ou Pocket à la grande époque (entendre : les années 80 et 90). Profondément moderne, l'horreur selon Romain Billot rime avec violence et mouvement. Les nouvelles rentrent très rapidement dans le vif du sujet pour s'achever bien souvent dans un rafraichissant bain de sang (comme l'eût confirmé la Comtesse Bathory). Les personnages principaux sont immédiatement bien campés et le décor clairement posé dès les premiers paragraphes. Le massacre peut commencer...
LES PREDATEURS s'ouvre ainsi sur une exemplaire nouvelle de monstre (on ne vous dit pas lequel pour ne pas déflorer... la bête !). L'auteur s'est visiblement bien renseigné sur les violences conjugales avant d'écrire son texte, puisqu'il présente une situation initiale forte et crédible avec, aussi, un monstre bien humain sous les traits rageurs d'un mari bourreau. Prix Merlin 2012, LE VISAGE DE LA BETE impressionne par sa maîtrise, digne des plus grands auteurs de terreur moderne : action, tension ne faiblissent jamais !
Développée sur 150 pages FAIT COMME UN RAT aurait fait un excellent roman Gore avec son ambiance délétère d'égouts et de catacombes. Son final est digne d'un grand cru Lucio Fulci ! Tout est dit.
SUR LE SEUIL narre la terrible fin d'un artiste maudit. Moins « réservée aux seuls estomacs solides », elle n'en inquiètera pas moins le lecteur par son atmosphère vraiment sombre.
SAMAH est une histoire d'amour nécrophile avec une momie aussi belle qu'une Barbara Steele d'outre-tombe.
BLOODY SABBATH : sex, drugs, gore, metal (pas forcément dans cet ordre) : que peut-on demander de plus au Diable ?
ENTRE CHIEN ET LOUP est un peu le CALL OF THE WILD de Romain Billot. Sans rire, cela commence presque comme une nouvelle du Grand Nord du génial Jack London pour aboutir à une lutte titanesque où le sauvage n'est pas forcément celui que l'on croit...
NOUS SOMMES LE CREPUSCULE est une histoire de zombies gore et émouvante. Un pied de nez à ceux qui pensent que les deux ne vont pas ensemble. Une gifle à ceux qui ne conçoivent ce genre que par le biais de l'auto-parodie.
QUESTION DE CONFIANCE, avec sa prison spatiale, est un petit bijou d'horreur/S.F qui évoque les grandes heures de la saga ALIEN. Des monstres, des champignons, des salopards, un tueur en série... Du tout bon.
Il en va de même pour le polar violent L'ESPRIT DE CAMARADERIE. Billot y excelle aussi, jusqu'à la chute aussi gory qu'ironique. Tout commence par un braquage qui tourne au vinaigre...
On enchaîne avec LE SANG DES AIEUX, fantasy très howardienne, donc très violente, même si les monstres ne sont pas forcément inhumains...
L'EXPROPRIATION est une émouvante nouvelle qui évoque Alzheimer, et au-delà, la vieillesse et la mort.
LE PHARE AU COEUR DES BRUMES se place sous le signe de l'immense William Hodgson tout en faisant aussi songer, avec ses morts-vivants, à l'épisode maritime de la saga espagnole des templiers aveugles de Amando de Ossorio. Sacrée ambiance, donc, pour un récit qui fait agréablement frémir et qui ne devrait pas déplaire non plus aux fans de l'ILE AUX TRENTE CERCUEILS.
DELIVRE NOUS DU MALE : passons sur le jeu de mots un peu facile du titre pour découvrir un récit une fois de plus palpitant, sur fond de fanatisme religieux et de lycanthropie.
IMPASSE DES CHRYSANTHEMES traite à nouveau de la vieillesse et même de la fin de vie. Billot excelle sur ce sujet, comme il l'a prouvé avec L'EXPROPRIATION. S'y ajoutent ici une bonne dose d'occultisme nazi et d'effroi pur. Avec beaucoup de malice, l'auteur distrait l'héroïne par une saine lecture : LE DESTIN DES MORTS, du bon Jean-Pierre Favard !
CAS DE CONSCIENCE, première nouvelle inédite du recueil, narre les aventures d'un tueur à gages sociopathe (pléonasme ?) dans le décor apocalyptique d'une ville après le passage d'un ouragan. Billot joue ici à un jeu qu'il semble affectionner autant que maîtriser : opposer violemment un prédateur à d'autres, aussi dangereux - voire davantage !
DE PROFUNDIS CLAMAVI est un court texte d'horreur maritime, puissant, entre Hodgson et Lovecraft.
PARTIE DE PECHE : un vieux pêcheur au bord d'un lac qui se lie d'amitié avec un gosse de la ville, c'est franchement attendrissant. Oui, mais l'Ecorcheur rôde dans le coin, se croyant sans doute à... Crystal Lake !
VOISINAGE décrit des extra-terrestres peu ragoûtants tandis que LE SOMMEIL DES MONSTRES, qui conclut le recueil, justifie par une belle tirade le titre même des PREDATEURS DE L'OMBRE. Folie meurtrière, cannibalisme et expériences nazies sont au menu de ce qui commence cette fois encore par un braquage (très) brutal.
« Nous sommes le choses innommables qui hantent vos esprits ! » (p.337)

Patryck Ficini

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L'Ombre Noire - Jean-Pierre Favard Yozone, 19 décembre 2016.

L'Ombre Noire, roman de Jean-Pierre Favard.

Suite à une bagarre, Yoann Bachelet est renvoyé du lycée et son père se débarrasse de lui en l'amenant chez sa grand-mère maternelle qu'il connaît à peine. De la capitale, il se retrouve dans le petit village de Châteauneuf-en-Auxois peuplé d'une centaine d'habitants. En période estivale, il en est tout autre, car des milliers de touristes viennent pour visiter le château du Grand Sénéchal de Bourgogne, Philippe Pot.
Son séjour prend des allures de cauchemar, jusqu'à ce qu'il rencontre Garance, une adolescente comme lui. Ils prennent l'habitude de passer leurs soirées ensemble et Yoann change, découvre qu'il se plaît finalement bien ici. Il accepte un boulot d'homme à tout faire dans le château où il assiste à une étrange scène dans la chapelle.
Après « Le fantôme du mur », premier tome de la collection LoKhaLe qu'il dirige, Jean-Pierre Favard signe le quatrième, « L'ombre noire ». Comme une histoire se déroule forcément quelque part, ce coup-ci c'est à Châteauneuf-en-Auxois, un des plus beaux villages de France, connu pour son château, propriété en son temps de Philippe Pot.
Ce court roman d'un peu moins d'une centaine de pages se lit d'une traite, il s'avère aussi instructif que distrayant. Le Grand Sénéchal de Bourgogne, Philippe Pot, est célèbre pour le discours qu'il a prononcé lors des États généraux de 1484 à Tours. Un article d'Hélène Bouchard étaye le récit et rétablit certaines vérités à propos de cette allocution retranscrite par Jehan Masselin. Pour les lecteurs ignorant ce fait historique, la découverte est d'importance, car il prône un peuple souverain qui élirait ceux qui le dirigent. Rien de moins ! Et trois siècles avant la Révolution française.
Ce discours sert de moteur à « L'ombre noire ». Les deux adolescents se retrouvent en toute innocence au milieu d'une lutte perdurant depuis des siècles. Le doute existe toujours sur les mots prononcés par le Grand Sénéchal. Pour certains ce n'est que pur mensonge.
Le roman débute doucement, mais ne se révèle pas moins accrocheur pour autant. Chacun se reconnaît dans la perte de repères de Yoann. Garance lui ouvre de nouvelles portes, ainsi que les yeux sur une vie plus simple, loin de l'agitation des grandes villes. L'ensemble se densifie au fil des pages et un événement surprenant et inquiétant devient le déclencheur d'une agitation inattendue à Châteauneuf-en-Auxois. Chacun est obligé de se dévoiler et les deux ados vont de surprise en surprise.
À ce niveau, l'auteur en fait peut-être beaucoup et il termine aussi abruptement, mais ne boudons pas notre plaisir, « L'ombre noire » est un court roman passionnant et construit sur un fait important qui mérite d'être mis en avant.
Jean-Pierre Favard concilie parfaitement la distraction avec l'information. Le lecteur en sortira avec matière à réflexion et gardera à l'esprit ce petit village parmi les plus beaux de France. Visiter son château et sa chapelle abritant la reproduction du tombeau de Philippe Pot au milieu des pleurants le titillera sûrement s'il passe dans le coin.
Après « L'Ash Mezareph », Jean-Pierre Favard renoue avec les société secrètes, un thème qui a le vent en poupe. Les lecteurs apprécient d'être initiés à ce qui leur est caché, la vie prend ainsi un tour plus mystérieux...
Des 4 parutions de LoKhaLe, «L'ombre noire» est ma préférée.
À noter l'introduction pleine d'humour du directeur de collection pour cet ouvrage dont il est également l'auteur.

François Schnebelen

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L'Ombre Noire - Jean-Pierre Favard

Les lectures de l'oncle Paul, 22 septembre 2016.

L'Ombre Noire, roman de Jean-Pierre Favard.

Un esclandre dans la cour de récréation du lycée qu'il fréquente à cause d'une fille qui l'a plaqué et ne le fréquente plus, et Yoann est viré de l'école. Exclusion définitive. Faut croire que le proviseur n'a jamais eu de chagrin d'amour.
Les parents de Yoann n'ont pas trouvé mieux que de le conduire chez sa grand-mère, une vieille dame qui vit seule avec son chien dans un village perdu de Bourgogne. Châteauneuf en Auxois. Quatre-vingts âmes environ. Et son château. Et une pancarte à l'entrée du village annonçant aux touristes qu'ils arrivent dans un village classé parmi les plus beaux de France. Et à par ça ? Rien ou pas grand chose.
Yoann reste la plupart du temps enfermé dans sa chambre. Aussi Mamie lui confie des petits travaux, comme des missions délicates et indispensables pour la bonne tenue de la maison. Ainsi il doit aller chercher du bois pour alimenter le poêle, et des légumes dans le jardin pour les alimenter tous deux.
Mais pour se rendre au jardin, il faut traverser le bois. Et en chemin, Yoann remarque une masure, puis entend un bruit. Il s'agit d'une jeune fille qui sort une boîte puis se roule une cigarette. Ils font connaissance et échangent quelques confidences. Garance va au lycée, vit avec sa mère et de temps à autre travaille comme serveuse dans une crêperie mais également au château comme guide ou libraire. D'ailleurs elle lui promet de faire visiter l'édifice qui date du Moyen-âge, sachant où se trouve les clefs pour accéder à la cour intérieure du château.
Ils se retrouvent souvent, pour se promener et converser en toute liberté. Il la trouve très belle, Garance, avec ses longs cheveux rouges, surtout lorsqu'ils sont dénoués et flottent sur ses épaules. La mère de Garance est une jeune femme un peu baba-cool, qui a beaucoup voyagé et a ramené du Népal, d'Inde ou du Maroc, de nombreux objets disposés au hasard dans sa maison. Le seul problème qui empêche Yoann de rester à manger, c'est le côté végétarien des repas. Hélène, la mère, lui apprend qu'au château ils ont besoin de monde. Ce serait pas mal pour l'occuper durant les journées puisqu'il ne va plus à l'école.
Et c'est ainsi que Yoann débroussaille les buissons, désherbe, nettoie les lieux et il peut même visiter ce fameux château qui fut la propriété de Philippe Pot, Grand Sénéchal de Bourgogne au XVe siècle. Et dans la crypte repose justement le gisant de ce personnage célèbre pour avoir déclaré que la légitimité des rois était une invention, énonçant les premières théories démocratiques de l'histoire. Théories reprises quelques siècles plus tard.
Ce gisant est entouré de huit statues, des pleurants, et Yoann aime les contempler, avant de se mettre au travail, ou après. Or un jour, il n'a pas bu et d'ailleurs il ne boit jamais, il croit entrapercevoir un mouvement. Une statue a bougé les tête et ses yeux sont devenus jaunes, brillants. Il n'en faut pas plus pour impressionner Yoann qui en parle à Garance, et à sa mère, ainsi qu'à sa grand-mère. Il rencontre également d'autres personnes, dont un auteur local et une dame qui ne sort quasiment jamais de chez elle, qui vont radicalement changer sa vie pour des raisons diverses.
Débute alors une histoire semi-fantastique entrecoupée par la relation historique de la vie de Catherine de Châteauneuf, condamnée à la question pour avoir empoisonné son mari. En ce temps-là, on condamnait et on torturait les gens pour leur faire avouer une faute qu'ils n'avaient pas forcément commise. Et bien entendu, ces aveux arrachés sous la torture conduisaient tout droit au bûcher.
Ce court roman est suivi d'un article extrait très intéressant et très instructif des Annales de Bourgogne, signé Hélène Bouchard, qui explique un épisode de la vie de Philippe Pot et remet ses déclarations dans leur contexte.
Cette collection mérite largement le détour par son approche romanesque empruntant à des histoires locales, d'où son titre, méconnues et qui mettent en valeur une petite ville et ses personnalités. Et je verrais bien ce roman très visuel adapté en bande dessinée ligne claire façon années 50/60.

Paul Maugendre

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Les Corps glorieux - Céline Maltère Yozone, 3 août 2016.

Les Corps glorieux, roman de Céline Maltère.

Sur son petit royaume, en digne héritière de son père Goth, Kationa règne en despote. Aller contre sa volonté signifie subir son courroux. Depuis la mort de Balzane, il est interdit à quiconque de prononcer son nom et malheur à celui qui contreviendrait à cet ordre, comme l'apprend celui qui déroge à cette règle en obéissant à Kationa.
Ce qu'elle désire, elle l'obtient par n'importe quel moyen. Elle est prête à tout et ce n'est pas un mâle, aussi puissant ou menaçant soit-il, qui lui dictera sa conduite. Dans son matriarcat, elle fait sa loi, impose ses lubies.
Avec «Les corps Glorieux» débute le «Cycle de Goth». Céline Maltère signe là le premier tome d'une trilogie où chaque tome sera consacré à une des trois sÏurs, les filles du roi Goth qui a réparti son royaume entre elles. Sachant la faiblesse de l'homme envers la femme, objet de désir, il a voulu d'un matriarcat pour chacune d'elles. Kationa est justement celle qui répond le mieux à ses désirs. Dès son plus jeune âge, elle a montré sa force, une confiance inébranlable en sa volonté et ses capacités.
Le roman commence après la disparition de Balzane, sa favorite appelée à régner à ses côtés mais victime d'une maladie au long cours. Dévastée, Kationa cherche l'oubli et perd le fil de la réalité, sombrant dans un semblant de folie.
Comment la remplacer? En enlevant quantité de jeunes filles aux alentours pour les rassembler dans un harem sous le château? Ou en se lançant à corps perdu dans des aventures incertaines? Attraper le chant d'une sirène, vivre dans la peau d'une autre pour savoir si elle pourrait aussi séduire une femme...?
Dans sa vie, l'homme n'a pas sa place. Et pourtant, elle a des prétendants, certains prêts à gagner ses faveurs par le combat, mais dépositaire du grimoire de magie de son père, elle peut invoquer des puissances cachées. Toutefois, chaque chose a un prix à payer.
Céline Maltère construit son personnage au fil des chapitres. Kationa s'avère complexe et débuter par l'adulte affligée de la perte d'un être cher donne un côté intéressant, car elle apparait d'emblée désabusée, déjà usée par le pouvoir, car elle a compris qu'elle ne peut pas tout avoir malgré sa position. Prendre des risques pour tout perdre ne l'inquiète aucunement. Puis vers le milieu, revenir sur sa jeunesse pour comprendre la situation présente est vraiment bien vu, car cette partie du livre en constitue peut-être le point culminant avec sa quête aux nombreuses images fortes comme le village des estropiés. Dès son plus jeune âge, Kationa a tracé sa voie, elle a toujours vu son avenir aux côtés d'une femme et non d'un homme.
Mélange habile entre roman de chevalerie et fantastique, «Les corps glorieux» se révèle à cent lieues d'une fantasy stéréotypée avec les hommes occupant le devant de la scène. Ce premier tome du «Cycle de Goth» se déguste au fil des chapitres, il faut rentrer dans l'histoire, accepter cet état de fait pour en goûter la richesse. Le style peut semble lourd, mais il est adapté au contexte et Céline Maltère fait preuve d'une belle imagination pour instiller l'envie de plonger les lecteurs dans ce petit royaume, un matriarcat administré par une souveraine implacable appelée à vivre de multiples aventures souvent en marge.
Un roman à découvrir!
À noter la magnifique couverture signée Fernando Goncalvès-Félix avec une Kationa en armure au milieu de ceux que j'imagine bien ses nombreuses victimes.

François Schnebelen



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Le Voyage des enfants perdus - Patrick DupuisLe Cabinet du Diable - Céline Maltère L'Écran Fantastique n°377, juillet 2016.

Les Corps glorieux, roman de Céline Maltère.
Le Cabinet du Diable, roman de Céline Maltère
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L'hiver 1572 fut un des plus rude qui soit. On y vit «...les oiseaux tomber du ciel comme des pierres, foudroyés en plein vol part le gel qui roidissait leurs ailes». Ce délicieux faux parler à la Villon est extrait d'un conte de Noël facétieux dû à Patrice Dupuis, et qu'on trouve dans le très court recueil Le Voyage des enfants perdus, qui ne compte qu'une soixantaine de pages. Un livret dont la valeur ne tient pas à l'épaisseur, et compte parmi les nombreuses et hautement recommandables parutions de la Clef D'Argent, qui publie aussi, dans sa nouvelle collection LoKlale, dédiée aux variations sur de véritables trésors d'architectures hexagonaux mais ignorés de beaucoup, Le Cabinet du diable de Céline Maltère, brodant sur la maison que se fit construite à la fin du XIXe siècle un certain Louis Mantin, à Moulins dans l'Allier, et n'a été que très récemment ouverte au public après cent ans de silence.
À ce récit fantaisiste et délicatement ciselé, Maud Leyoudec, chargée des collections des Beaux-Arts du département, ajoute son érudition quant à cette bâtisse magique, qu'on peut aujourd'hui effectivement visiter. Deux jolis bibelots hors du temps pour votre bibliothèque.

Jean-Pierre Andrevon



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Les Corps glorieux - Céline Maltère L'Écran Fantastique n°377, juillet 2016.

Les Corps glorieux, roman de Céline Maltère.

Le roi Goth a eu trois filles. Chacune a reçu une part de ses terres. C'est l'histoire de l'une d'elle, Kationa, qui nous est contée ici dans un roman singulier qui a tout du conte d'autrefois dans sa forme à l'écriture ciselée et ses emprunts aux mythes antiques comme aux codes du merveilleux féerique. Mais là s'arrête la comparaison car, de conte, il n'y a point tant la reine se révèle sans scrupule, sans pitié et pour tout dire sanguinaire. D'emblée, nous sommes plongés dans un récit de pure horreur à la façon des oeuvres du Divin Marquis, horreur entremêlée de scènes d'un érotisme assumé avec une élégance rare car l'auteure, il faut le dire, est une ciseleuse de phrases. Ajoutez à cela des aventures ou des mésaventures que l'on pourrait croire issues des romans de Chrétien de Troyes et vous aurez une certaine idée de cet ouvrage dont ce n'est, certes pas, la seule singularité. Car la reine Kationa a fait de son royaume une matriarchie dont les hommes, à l'exception de douze chevaliers, sont exclus. Pour satisfaire à ses désirs, elle dispose même d'un sérail, régulièrement alimenté par la capture des plus belles créatures, sérail dans lequel elle puise pour satisfaire son insatiable appétit saphique et que garde comme il se doit un bel éphèbe qu'elle a auparavant émasculé. Mais son royaume suscite la convoitise des pays voisins dont les souverains voudraient bien épouser celle dont on célèbre la beauté autant que la cruauté dont elle fait preuve depuis la mort par la lèpre de Balzane, son inconsolable amour. S'enchaînent ainsi maints épisodes de sa descente aux confins de la folie, depuis la victoire sur le roi Aquilain, les sortilèges d'Angusta, la capture du chant des sirènes ou son incarnation en fille du peuple contrainte à la prostitution après la traversée de son miroir. Amours saphiques, amours barbares, amours délétères servent de fil d'Ariane aux quelques vingt-sept récits qui puisent aux sources du fantastique. Autant de petites veillées à se procurer des cauchemars avant que d'éteindre la lumière.

Jean-Pierre Fontana



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Le Cabinet du Diable - Céline Maltère Phénix-Web, juin 2016.

Le Cabinet du Diable, roman de Céline Maltère.

J'aimerais tout autant parler du concept que de l'histoire. Le roman est segmenté en deux parties. La première, 80 pages environ, raconte une histoire fantastique à propos de cette villa mystérieuse. La quatrième de couverture plante le décor plutôt judicieusement. C'est un peu court, ça se rapproche plus d'une nouvelle que d'un roman, mais c'est efficace. Le récit ne s'encombre pas d'intrigues secondaires, on est dans le vif du sujet. C'est fluide, agréable à lire, et divertissant.
Pour la seconde partie, une vingtaine de pages, il s'agit d'explications historiques et des actualités sur l'endroit en question. On se rend compte rapidement que le texte romancé a bénéficié d'un travail de recherches minutieux afin de proposer une histoire au plus proche de la réalité. L'épilogue de celle-ci rejoint l'objectif réel du propriétaire dans son désir de rendre son oeuvre immortelle.
Au-delà du divertissement, j'aimerais tout de même souligner la démarche de cette collection. Dans chaque pays, dans chaque région, certains lieux-dits ou familles, traînent une légende, des rumeurs, des ragots, etc. Tout ce folklore rural et urbain contribue à la richesse culturelle, à un patrimoine destiné à disparaitre s'il n'est pas perpétué. L'initiative est ludique car elle est non seulement divertissante mais donne un petit cours d'histoire en même temps. Je suis très heureux d'avoir pu lire ce roman de taille modeste. J'y ai non seulement pris du plaisir avec une histoire bien écrite, mais j'ai également appris qu'à Moulins, la villa Mantin est un lieu incontournable que je ne manquerai pas visiter si un jour je venais à passer par là.

Daniel Garot



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Le Cabinet du Diable - Céline Maltère Obsküre Magazine n°28, mai 2016.

Le Cabinet du Diable, roman de Céline Maltère.

Céline Maltère sort Le Cabinet du Diable dans la collection LoKhale de La Clef d'Argent. Cette série de petits volumes atypique et intéressante met en valeur le contexte local de la fiction, et conte des faits susceptibles de parler à ceux qui connaissent « le coin ». Ce livre, se déroulant dans l'Allier, conte l'histoire de présences étranges dans une villa : un pirate, une carmélite, un poète et un japonais ferreux. L'histoire les relie pour d'obscures raisons, et est complétée d'un exposé passionné de Maud Leyoudec (conservatrice du patrimoine) sur la restauration de la Maison Mantin, demeure de la fin du XIXe siècle reconvertie en musée et rouverte au public depuis fin 2010.

mai 2016

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Le Voyage des enfants perdus - Patrick Dupuis

Yozone, avril 2016.

Le Voyage des enfants perdus, recueil de Patrick Dupuis.

Patrice Dupuis nous revient avec quatre nouvelles encore une fois bien particulières.
«Le Voyage des enfants perdus», qui sert de prologue, conte l'étrange rencontre du narrateur (l'auteur?) avec un groupe d'enfants, dans les Andes, lors d'un non moins étrange rituel, voyage initiatique comme on lui expliquera plus tard, en lui détaillant sa chance. Troublant, comme à l'habitude de l'auteur.
«Le Jugement de Dieu (un conte de Noël)» nous plonge en plein Moyen-Âge pour suivre l'inique procès d'une fillette qui a volé une bûche lors d'un hiver particulièrement froid. S'ensuit la lie de l'humanité et des hommes, la torture que la gamine, déjà à demi morte subit sans moufter tant être gardée au chaud l'emplit d'aise, et les extrémités détruites par les engelures ne ressentent pas les brûlures. La fin semble, à défaut d'une grâce, avoir le bon ton de punir les affreux. Mais c'est plus terrible que du Dickens.
«La vie très exacte et très édifiante d'Alibert de Thuringe ou Victor le bienheureux» voit le récit du narrateur à sa compagne, à l'occasion d'une balade au Père-Lachaise et l'arrêt devant une tombe au gisant gâté par le fondeur, de la vie de Victor de Thuringe, jeune noble devenu brigand, qui rentra dans le droit chemin après avoir été frappé par la foudre. Prenant l'habit de l'Église, il attise la foi des fidèles, et notamment les femmes, puisque le coup de jus l'a laissé priapique... et qu'il s'est bien gardé de faire voeu de chasteté!
On reste dans le domaine avec «La fée électricité», conte macabre autour de la chaise électrique, où l'on croise capitalisme, racisme et humanité. Là aussi, tel est pris qui croyait prendre. Rien n'est laissé au hasard d'un bout à l'autre, comme si la vie avait un goût prononcé pour l'ironie.
Je serai tenté de dire que c'est moins glauque que ce à quoi Patrice Dupuis nous avait habitués dans «Dans le désert et sous la lune», «Le guetteur de sémaphore» et «Murmure de soupirail». On aimerait peut-être en avoir un peu plus sous la dent à chaque livraison (sans forcément aller jusqu'aux 330 pages du recueil de Romain Billot, numéro suivant de la collection KholekTh).

Nicolas Soffray


Chemins de fer et de mort - Philippe Gontier L'Écran Fantastique n°374, avril 2016.

Chemins de fer et de mort, anthologie de Philippe Gontier.

Les voyages en train sont bien souvent créateurs de fantasmes. Qui n'a pas, un jour, connu une de ces inoubliables rencontres que les années embellissent ensuite, déforment et incrustent dans nos mémoires chancelantes? C'est ce que les onze écrivains réunis ici, tous des familiers de l'éditeur, nous exposent à leur façon lors de cauchemars ferroviaires transposés, soit dans le passé des machines à vapeur et des compartiments à banquettes, soit dans un présent aléatoire de train bondé et de passagers insolites ou encore dans l'anticipation de délirantes mécaniques. L'éclectisme des genres réunit ainsi l'exotisme à l'insolite, fait se côtoyer l'épouvante et l'au-delà, visite le futur ou transgresse les codes de l'écoulement du temps. À ce jeu de miroirs déformants, l'écriture exaltée des uns, le style chahuté des autres, l'approche sournoise vers d'inattendus épilogues font de cet ouvrage une succession d'haletants récits qui nous promènent de la quête improbable d'une gare à une vision d'épouvante dans la traversée d'un désert, d'une attaque monstrueuse à la Stephen King au zèle délirant d'un contrôleur de contrôleurs. Buffet de gare façon Brigadoon, convoi d'outre temps façon Flying Dutchman, traversée de wagons à remonter le temps, téléportation au coeur d'une catastrophe programmée ou encore poursuite d'un tueur au hachoir, toutes ces nouvelles proposent d'extraordinaires invitations à voyager... avec ou sans ticket.

Jean-Pierre Fontana

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Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer - Laurent Mantese Les lectures de l'Oncle Paul, mars 2016.

Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer, roman de Laurent Mantese.

Un boulanger roulé dans la farine, du grain à moudre pour les médias.

En ce milieu du mois d'août 1951, Jacques, le narrateur, est de retour dans son village natal après une absence de trois ans, absence due à la poursuite de ses études à Lille.
Il réintègre sa chambre sous les toits, retrouvant avec plaisir les lieux et sa mère qui vit seule depuis le décès de son mari. Rien n'a changé ou presque.
À vingt-quatre ans, Jacques est encore célibataire, mais il a aperçu une ancienne condisciple, Julie, qu'il a connue sur les bancs de l'école et qui s'est muée en adorable jeune fille. Mais l'heure n'est guère au marivaudage car en ce 17 août la vie et la mort vont bousculer les habitudes des Spiripontains.
Des phénomènes étranges envahissent le corps et l'esprit de certains des habitants de la petite cité. Ils ressentent des troubles du comportement, sont atteints d'hallucinations, d'hystérie.
Se rendant dans un café, afin de boire un verre de lait et tenter de voir Julie, il peut constater certaines de ces manifestations sur des clients. L'un d'eux se plaint de dérangements intestinaux, l'autre regarde tout à coup le plafond et se conduit comme s'il venait de découvrir une bête monstrueuse, et son visage devient exsangue. Un gamin dans la rue est plié en deux et grimace affreusement. Ce sont les premiers symptômes qui vont bientôt prendre pour victimes quelques trois cents personnes. Certaines en décèderont dans de terribles souffrances. Et les animaux ne sont pas épargnés.
Le narrateur lui-même ressent certains troubles, mais sa jeunesse alliée au fait qu'il n'est à Pont-Saint-Esprit que depuis peu, font qu'il se remet assez vite, non sans en garder des séquelles. Tout comme la plupart des autres malades atteints de cette épidémie d'origine inconnue. Mais il sera dénombré toutefois environ une dizaine de morts.
Jacques assiste nuitamment de la fenêtre de sa chambre à de mystérieuses allées et venues, des hommes en noir décharnés, qui s'activent dans le cimetière voisin. Il croit les revoir les jours suivants, mais ne sont-ce que des visions provoquées par la maladie ?
Si le boulanger ne fut pas accusé de vive voix, il fut toutefois soupçonné d'être à l'origine de cette étrange épidémie. Tous ceux qui ont été atteints de cette forme d'intoxication s'approvisionnaient chez lui.
Inspiré par une affaire véridique, mais mettant en scène quelques protagonistes fictifs, Laurent Mantese a écrit un roman relevant du fantastique et de l'angoisse dans un contexte historique. Son personnage principal narre cet épisode, soixante ans après son déroulement, mais il se contente de relater ce qu'il a vu, entendu, constaté, ressentit, sans jeter l'opprobre sur qui que ce soit. Et avec le recul, les questions n'ont toujours pas eu de réponses. Un texte fort et émouvant complété par Jean-Pierre Favard dans son article : Pont-Saint-Esprit, autour de l'affaire du pain maudit.
En effet si Laurent Mantese traite ce sujet avec l'âme d'un poète torturé, Jean-Pierre Favard reconstitue cette affaire d'un point de vue historique. De nombreuses supputations ont été lancées, présence de mercure, rappel d'épidémies dans les siècles passés dont la fameuse Grande Peste, mais rien n'est définitif.
Et de temps à autre, Pont-Saint-Esprit est évoqué dans les médias au travers d'articles, recensés en fin de l'ouvrage, s'appuyant sur des recherches et des hypothèses. De nombreuses pistes furent explorées, mais certaines rapidement enterrées. Et comme le précise Jean-Pierre Favard, mais si cette piste fut rapidement abandonnée, c'est peut-être aussi, on peut l'imaginer, parce qu'elle constituait un risque majeur pour des intérêts économiques de tout premier plan.
Et l'on peut se poser moult questions notamment sur les agissements de certains ensemenciers, de laboratoires phytosanitaires et de décisions prises à Bruxelles. Mais chut, c'est top secret, et il y a trop d'argent en jeu pour vouloir remuer la vase.

Paul Maugendre


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Chemins de fer et de mort - Philippe Gontier Yozone, mars 2016.

Chemins de fer et de mort, anthologie de Philippe Gontier.

Après une première anthologie de terreur ferroviaire composée de textes classiques, Philippe Gontier fait cette fois appel aux plumes gravitant autour de la Clef d'argent pour aborder les mystères et frayeurs liés au train. Résultat : un recueil hétérogène captivant.
Trains de cauchemar faisait la part belle au auteurs des siècles passés. Il était temps que les auteurs d'aujourd'hui s'emparent du thème. Revue de détail, en suivant le sommaire :
«Un train à prendre» de Jean-Pierre Andrevon. Un texte d'angoisse pure, où nous suivons un VRP affolé d'avoir peut-être manqué son train. Puis d'avoir laissé ses affaires à l'hôtel. Puis que le monde ne semble pas tourner rond. Andrevon distille goutte à goutte des éléments de réponse à cette folie, mais c'est dans le rythme, le souffle même de son narrateur, qui se transmet l'angoisse, initialement naturelle et compréhensible (qui n'a jamais craint de rater son train ?) puis de plus en plus étrange...
«Quand le train s'arrête», de Patrice Dupuis. Au sommaire de son premier recueil, « Dans le désert et sous la lune », cette histoire de femme enceinte abandonnée, maudite ? dérange. La poésie de la plume n'y change rien, on en ressort brassé...
«Le train des ouvriers», de Jean-Pierre Favard. C'est, l'auteur aurait du mal à s'en défendre, un vibrant hommage à Stephen King. Passé un début très « humain » où le narrateur décrit les rituels du train du matin, avec ses habitués, ses gens calmes et ses pénibles, arrive la rupture : un arrêt prolongé dans un tunnel. Plus de lumière. Début de panique. Et la sensation que quelque chose rôde dehors... Et puis l'horreur. La mort, le sang. Comme le maître de Bangor, Favard sait retourner ses personnages, dépasser les a priori initiaux du narrateur, nous redonner foi en certains, désespérer pour d'autres. L'un de mes textes préférés.
«Le contrôleur ferroviaire», de François Fierobe. Ah, il est court, mais truculent, celui-là. Bourré d'humour noir, avec un fonctionnaire droit dans ses bottes qui n'hésite pas jeter les fraudeurs par la fenêtre. Cruel, grinçant, jusqu'à la pirouette finale. J'adore.
«Les voyageurs», de Philippe Gindre. Le patron de la Clef d'Argent nous plonge dans le smog avant un intérieur chaleureux avec son couple Coulter et Quincampoix, spécialistes des situations sidérantes mais, à leurs yeux, parfaitement explicables.
«La gare», de Philippe Gontier. Un texte bref, qui nous plonge dans le mystère nocturne d'une gare abandonnée. Et puis passe un train. Le temps d'un frisson.
«La friche», de Stéphane Mouret. C'est au récit d'une vie que nous invite Stéphane Mouret. Son personnage va trouver, au coeur de la friche où les pré-ados du village vont s'amuser, des rails. Et à la façon d'Alice qui passe de l'autre côté du miroir, il va croiser les passagers d'un train qui fait une brève pause, le temps de trancher les ronces qui encombre le chemin. Veut-il monter à bord ? Non, ce n'est pas son heure... Et l'auteur de dérouler son existence, sa routine, ses espoirs et ses regrets, qui toujours le ramène à la friche et sa voie, qu'on parle de réhabiliter, voire la Grande Vitesse qui désenclaverait la région. Il faut y retourner, une dernière fois avant que cela ne soit plus possible, prendre le dernier train... Du fantastique léger, un texte d'une grande sensibilité, débordant d'une douce poésie. C'est tout simplement beau.
«Surclassement», de Bruno Pochesci. Nouvelle assez brève, et véritable éloge du passé, d'un «c'était mieux avant» indéniable pour le train, tandis qu'un passager, qui fait tache dans le compartiment, remonte les wagons, et le temps, laissant derrière lui climatisation et connexion pour le confort et le calme d'un siècle révolu.
«Le coup du lézard», de Timothée Rey. Le 3e long texte de cette anthologie, et la première à nous emporter ailleurs, dans un monde de dark-fantasy futuriste, avec un train aérien de marchandises dont le capitaine appréhende que la fin du trajet ne sera pas de tout repos. Épique, très immersif malgré une bardée de vocabulaire spécifique.
«Stations», de Jérôme Sorre. Plongée en pleine SF avec un train futuriste qui va dérailler. L'accident est programmé, et le narrateur est à bord pour collecter et analyser les données. Enfin, son avatar virtuel est présent, pour étudier cette aberration de notre société qui nécessite un accident de temps en temps pour prouver la fiabilité du moyen de transport. Mais avant la fin du compte à rebours, l'ingénieur se rend compte qu'autre chose a déraillé...
«L'escarbille», de Brice Tarvel. Un policier fait du zèle pour arrêter un tueur en série et impressionner ses supérieurs. Il a remonté la piste jusque dans ce train. Il a dans son compartiment une charmante jeune femme qui ferait un appât idéal. Il attend le bon moment. Puis s'inquiète, ses rêves de triomphe en péril. Et tout s'emballe lorsque ouvrant une fenêtre, il prend une escarbille dans l'oeil... Une nouvelle à pirouette finale facile, un rien décevante après la montée en tension très bien maîtrisée.
La mort fait partie de la vie, ainsi pourrait-on résumer pour différencier clairement ce volume de Trains de cauchemar. La vie est un voyage, le train un moyen de la traverser, plus vite ou à rebours. La très grande hétérogénéité de cette anthologie fait que chacun y trouvera son compte. A mon goût, «La friche» de Jérôme Mouret et «le train des ouvriers» de Jean-Pierre Favard, dans deux genres totalement différents, tirent largement leur épingle du jeu, mais des textes plus surprenants comme «Le coup du lézard» et «Stations» marquent durablement le lecteur, par leur forme (je n'avais jamais lu de Timothée Rey, il est temps que je m'y mette) ou leur fond (Jérôme Sorre (« Cellules ») manie très bien la SF).

Nicolas Soffray

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Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer - Laurent Mantese L'Agrégation n°478, mars 2016.

Les licornes de Thulé, roman de Sylvie Huguet.

Quittant les bords du monde connu où l'homme, redoutable prédateur, a exterminé ce peuple des Elfes dont l'intelligence et l'indépendance sont pour lui un défi -- ce que décrivait le roman précédent -- Ilgaël leur souverain, qui a échappé au massacre, part vers les terres mythiques de Thulé où survivrait une colonie des siens. Un grand loup l'accompagne, que le lecteur se prend à considérer comme un être humain tant il est pour le héros un soutien et un conseiller précieux. C'est que dans le monde merveilleux et étrange de Sylvie Huguet, elfes et animaux sont en sympathie et partagent leurs pensées sans avoir à les exprimer. Â Thulé, Ilgaël, reconnu comme roi par la communauté elÞque, devra se défaire des attaches du passé pour accepter ce que lui offre cette nouvelle vie et affronter les dangers qui la menacent. Les belles licornes sont ses alliées, mais saura-t-il les protéger de la rapacité des hommes? L'écriture de la romancière excelle à peindre ce monde enchanté d'avant l'intrusion de l'homme, mais elle sait aussi disséquer les sentiments qui tourmentent un héros dont le coeur ne diffère pas de celui d'un humain, et montrer le déchaînement du mal quand il déferle sur un monde jusque là protégé.

Anne-Marie Lucas

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Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer - Laurent Mantese ActuSF, février 2016.

Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer, roman de Laurent Mantese.

Ergotisme ou CIA ?
Inspiré par Maupassant, Edgar Poe, Jean Ray et bien d'autres pères du fantastique, Laurent Mantese se fait remarquer en 2011 avec son premier recueil fantastique : Contes des nuits de sang, qui sera nominé pour le prix Bob Morane.
En 2015, il sort son premier roman policier fantastique L'Or des Princes (éditions Malpertuis) ; Pont-Saint-Esprit est son deuxième roman s'inspirant de faits réels.

L'affaire du pain maudit
Été 1951, la commune de Pont-Saint-Esprit dans le Gard connaît un sort effroyable : en quelques nuits, 305 personnes sont atteintes de folie dégénérative.


Cold Case
Petit roman sans prétention, c'est sans difficulté que l'auteur nous emmène dans cet enfer du 17 août 1951 mené par un personnage fictif réaliste, qui se pose là comme témoin oculaire de ce qui fut l'enfer à ciel ouvert.
Relatant cette affaire sans avis, l'auteur pose là un diagnostic indéterminé tiraillé entre la réalité et un fantastique hallucinatoire.
Fort et humain, ce roman est une vraie découverte qui nous transpose dans une affaire française mal connue de nos jours.

Elodie

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Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer - Laurent Mantese L'Écran Fantastique, janvier 2016.

Pont-Saint-Esprit, les cercles de l'enfer, roman de Laurent Mantese.

Laurent Mantese, l'auteur français qui monte (cf. ses récentes livraisons fantastiques), nous livre, avec Pont-Saint-Esprit - les cercles de l'Enfer, une approche romancée du drame ayant bouleversé ladite commune du Gard en août 1951, alors que trois-cents personnes furent prises de convulsions ou sujettes à des hallucinations terribles qui se soldèrent par sept morts. Même si l'ergot de seigle fut reconnu coupable, le mystère demeure, donnant lieu à maintes interprétations plus ou moins fantaisistes. Mantese s'est approprié le fait-divers en se mettant dans la peau d'un témoin de l'époque, qui se raconte soixante ans après, prétendant avoir vu les traditionnels hommes en noir. On eût aimé une plongée plus directe dans la fiction fantastique mais ce petit livre, accompagné de documents journalistiques, est aussi intriguant qu'agréable à lire.

Jean-Pierre Andrevon
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