![]() |
![]() |
![]() |
|
![]() |
Cette page contient notre dossier de presse pour l'année 2009. Dossier de presse de l'année: 1987, 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, 2022, 2023, 2024. |
Chantier Imaginaire, décembre 2009.
Le passage, recueil de Sylvie Huguet:
L'auteur(e) nous égraine un sublime chapelet qui
décline sur onze récits cet instant fatidique du Passage,
que la mort sanctionne bien souvent, vers cet autre monde derrière
cette porte qu'il n'est pas aisée de franchir. Avec une prose descriptive
et ciselée avec la dextérité merveilleuse d'un orfèvre;
des explorateurs solitaires s'y risquent dans la plus stricte intimité.
Or, pour déverrouiller la serrure qui clos cette porte et découvrir
le mystère qu'elle recèle, il faut d'abord en trouver la
Clef (d'Argent peut-être) qui ne s'offre pas sans effort. Une clé
très souvent immatérielle qui s'incarne dans ce médiateur
universel et absolu qu'est l'art et qui s'y décline sous bien des
aspects pour chacun de ces seuils insolites. L'art, et un Nature omniprésente
dont les Esprits sont les gardiens des Clés et les guides discrets
du voyageur dans sa quête.
Une lecture très agréable, une écriture
appréciable, très spirituelle qui pourrait décevoir,
à tort, le lecteur plus porté sur l'action.
En résumé, j'ai beaucoup apprécié,
même cette stylistique qui flirte avec l'intimisme, que j'abhorre
en général, peut-être parce Sylvie maîtrise son
expression et ne s'égare jamais en description psychologisante déplacée
et parvient à donner à ces récits et à ses
personnages une véritable profondeur humaine.
|
^ |
Atemporel.com, 21 décembre 2009.
Chroniques de la Terre figée, roman SF jeunesse de Pierre Gemme.
Ce roman post-apocalyptique de Pierre Gemme ravira les
jeunes, et les moins jeunes mais ce qui est sûr, les réconciliera
avec d'autres oeuvres clichés du genre comme Mad Max, le Jour d'après
ou le récent 2012.
La Clef d'Argent se lance à l'assaut des lecteurs
en herbe avec une collection Jeunesse. Les Chroniques de la Terre figée
ouvrent le bal. Curieuse coïncidence, les Chroniques de la Terre figée
sont une version réécrite des Chroniques de la Terre figée,
parues aux Editions Nestiveqnen il y a quelques années dans une
collection du même... genre.
La curisosité commence et s'arrête du même
coup puisque les Chroniques de la Terre figée gagne une nouvelle
illustration de couverture (signée Kara) et un chapitre entier.
Nous vous proposons d'ailleurs de télécharger un chapitre
par un lien ci-dessous.
Les Chroniques de la Terre figée rentrent du même
coup au bercail puisque l'auteur, comme nos amis de la Clef d'Argent, est
jurassien ! Ca n'est pas le seul bénéfice tiré de
ce déménagement, puisque le premier avantage réside
dans le fait que cela soit une réédition sans l'être.
Et ca aurait été dommage car les Chroniques
de la Terre figée, qui s'annonce être le premier tome d'une
(longue ?) série, ou d'une prometteuse collection, est plsu que
réussi.
Le récit et dense, sans trop l'être, bien
découpé avec des chapitres de bonne longueur. Le rythme est
soutenu et l'intrigue tiendra la route, même avec un lecteur adulte.
On ne s'ennuie pas et le jeune lecteur saura se dépatouiller du
nouveau vocabulaire rencontré avec un Larousse Junior.
Cependant on ne s'y trompera pas, il s'agit bien d'un
livre pour enfants. L'histoire, concentrée autour des jumeaux, permettra
aux plus jeunes de s'identifier aux personnages principaux et de vivre
cette histoire fantastique (qu'ils soient fille ou garçon). D'autres
détails, comme la mascotte des enfants, qui n'est autre qu'une chauve-souris,
ne trompent pas...
Car on aurait vite fait de se tromper et de se dire que
ce livre est vraiment bien,sauf que, oui, c'est bien un livre pour les
jeuns' et qu'à l'image de certains autres livres (comme ceux racontant
les aventures d'un certain Harry Potter) les moins jeunes devont admettre...
qu'ils sont plus agés que le public visé.
Mais qu'à cela ne tienne, les Chroniques de la
Terre figée sont pleines de fantastique et de science-fiction, d'aventures
et d'amitié, et la lecture est recommandée à chacun
! Elle fut pour moins très plaisante parce qu'il y a de nombreux
éléments intéressants qui font honneur à Mad
Max ou au Club des Cinq et que cela a eu le mérite de raviver mon
intérêt pour les récits post-apocalyptique tout en
apportant un autre éclairage sur d'autres problèmes (en matière
d'écologie notamment). C'est parfois sombre, parfois très
vivant (à l'image de la couverture) mais toujours hors du temps,
ce qui plaira à bon nombre ;-) A lire sans hésitation !
|
^ |
Yozone, novembre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Recueil de textes écrits entre les années
1960 et les premiers jours de ce millénaire, certains publiés
dans Fiction, Charlie Hebdo ou Fluide Glacial, d'autres tirés à
peu d'exemplaires et donc tous quasi introuvables, «C'est un peu
la paix, C'est un peu la guerre» est un bel ouvrage signé
Jean-Pierre Andrevon.
De ceux que l'on glisse près de sa table de chevet,
histoire d'y prendre quelques phrases, la nuit. Un de ces livres qui font
le bonheur des lecteurs insatiables.
Dire que tout Andrevon serait à l'intérieur
de ce «C'est un peu la paix, C'est un peu la guerre» (La Clef
d'Argent) serait sans doute présomptueux. D'une part, l'oeuvre de
cet écrivain français est de fort tonnage, aborde quasi tous
les genres, ce que ne pourrait fort logiquement contenir un poche de 160
pages. D'autre part, le principe même du recueil n'a nulle intention
anthologique ou analytique. Il s'agit avant tout d'un florilège
de textes courts (de moins d'une page à quatre ou cinq), aujourd'hui
introuvables, parus durant plus de quarante ans de carrière littéraire
et dont l'intérêt est aussi de les remettre à la disposition
des lecteurs.
Par contre, si tout Andrevon n'est pas dans cet ouvrage,
tout ce qui s'y trouve est entièrement de Andrevon! Même que,
pur jus, on dira! Amour de la terre, de la faune, de la flore, besoin de
se révolter, colères véritables, amours partagés
ou à partager, épisodes mélancoliques sous-jacents
et beaucoup d'humour aussi, voilà bien les principaux ingrédients
travaillés. On est parfois très proche d'une forme de poésie
en prose dont l'imaginaire fantastique ou SF (versant anticipation) serait
les racines, inspiratrices à s'enfoncer le plus loin dans les pensées
de l'écrivain. Osera-t-on parler ici d'une poétique de Jean-Pierre
Andrevon? On le pourrait.
Si les vrais lecteurs se délectent souvent de
grands romans où leur esprit finit par se perdre, nous avons tous
près de nos mains et de nos yeux quelques textes concis dont la
lecture et la relecture sont des moments d'éveils et de concentration
à nuls autres comparables. Ainsi en est-il du "Mariage" qui s'ouvre
sur une très belle phrase d'introduction (Il s'était marié
par hasard.), de "Dragons" (Autrefois, nous étions une race nombreuse
et puissante), de "Manger!" (La vie est dure. Le plus souvent je crève
la dalle, si vous voyez ce que je veux dire.) et de bien d'autres. L'amour
de la nature, s'il n'est pas automatiquement clamé à tout
bout de champ, transpire néanmoins dans quasi tous les textes. Évocations
de paysages, d'instants, séquences d'observations, tout est souvent
prétexte à rappeler à chacun d'où il vient
et où il se trouve. Évidemment, il y a des coups de gueule
ou des énervements, dont la conclusion de "L'Histoire de Kropp"
fait figure de séquence emblématique. Le texte consacré
à "La Télévision" est aussi très réjouissant.
Et puis, il y a cet humour permanent, plus souvent acide
que joyeux, qui est une fondation solide et permanente du travail créatif
d'un écrivain qui préférera sans doute toujours rire
-au finish- de la connerie assez conséquente de l'homme. Mais rire
ou pleurer, la frontière est parfois difficile à trouver.
Notons également que Jean-Pierre Andrevon a l'honnêteté
de nous avouer le pourquoi de ces textes. Non qu'ils soient le résultat
d'une démarche littéraire ou mercantile quelconque, mais
tout simplement le fait (simple et limpide) qu'ils sont les enfants d'époques
où l'écrivain disposait d'un temps réduit à
consacrer à l'écriture.
Et voilà donc, succinctement évoqués,
les quarante-quatre textes dont on pourra se délecter. L'ensemble
étant augmenté d'une postface de l'auteur, l'illustration
de la couverture étant également de son fait.
Un petit regret cependant, on aurait aimé savoir
pour chaque texte ou et quand il fut publié et s'il a été
revu (ou pas) pour la présente édition. Un constat, 12 euros,
c'est forcément trop cher pour un poche de 160 pages et on le regrette.
Mais on sait pourquoi. La Clef d'Argent est une petite structure d'édition,
totalement indépendante, qui subit les aléas de la diffusion
et de la distribution de ses ouvrages. Qu'ils soient le résultat
d'un beau boulot d'amoureux du livre et d'une démarche éditoriale
intelligente a malheureusement peu d'importance dans l'affaire. Donc on
comprend et on pardonne.
De temps en temps, quand on le souhaite vraiment, il
faut savoir être généreux avec les écrivains
et leurs éditeurs. La non-prolifération d'une littérature
standardisée, dont "les professionnels de la profession" nous abreuveraient
sans aucun complexe ni remord, est aussi à ce prix.
|
^ |
Psychovision.net, 25 novembre 2009.
Chroniques de la Terre figée, roman SF jeunesse de Pierre Gemme.
Après s'être fait remarquer en publiant des
ouvrages comme Malbosque de Gilles
Bailly ou C'est un peu la paix, c'est un peu la
guerre de Jean-Pierre Andrevon, la maison
d'édition La Clef d'Argent se lance aujourd'hui dans la littérature
jeunesse avec un ouvrage signé par Pierre Gemme,
un ouvrage qui donne dans la science-fiction post-apocalyptique, sous-genre
qui a tendance à être plutôt sombre et pessimiste.
La Terre s'est arrêtée de tourner sur elle-même
suite à une collision avec une comète, et comme on s'en doute,
cela a entrainé de graves répercussions et réduit
considérablement le nombre d'humains sur terre. De plus, la Terre
ayant maintenant une partie tout le temps exposée au soleil et l'autre
à l'espace, elle est devenue inhabitable, trop chaude d'un coté
et trop froide de l'autre.
Grâce à leur père, un inestimable
scientifique, Axel et sa sÏoeur jumelle Nova ont eu le temps de se
réfugier dans des grottes. Seule leur mère, hôtesse
de l'air, a disparue durant la catastrophe. Mais voilà, les ressources
emmenées sous terre par les survivant s'amenuisent de plus en plus.
Il n'y a plus qu'une seule solution: allez voir à la surface de
la terre si il y a encore des moyens de survivre et des survivants. C'est
dans cette mission périlleuse que vont se lancer Axel et Nova.
Avec ce roman qui leur est destiné, nos chers
têtes blondes vont donc découvrir les aventures d'héros
de leur âge qui communiquent par télépathie dans un
futur peu reluisant. Avec eux, ils vont s'embarquer dans un dirigeable,
accompagnés de Black leur fidèle chauve-souris, pour découvrir
une terre complètement dévastée où survivent
uniquement quelques humains, et pas toujours bien intentionnés.
Heureusement, il feront également beaucoup d'autres rencontres plus
joyeuses.
Mais entre les rencontres inamicales et la natures hostile,
les jumeaux vont rencontrer milles problèmes et se sortir de tout
autant de péripéties grâce à leur intelligence.
Les dangers seront nombreux et les rebondissements aussi. Autant dire que
les jeunes lecteurs en quête de sensations fortes en auront pour
leur argent et que les trois histoires que contient ce roman tiendront
en haleine les jeunes lecteurs! Et tant mieux car c'est visiblement pour
eux que ce roman a été écrit.
Même si paradoxalement on peut quand même
noter quelques description et passages un peu osés pour des lecteurs
aussi jeunes (dont l'un où il est question de cannibalisme). Mais
ils sont courts et plutôt rares et donnent ainsi un peu de piment
et de saveur à un roman par ailleurs un peu trop aseptisé.
Bref, les aventures de ces deux jeunes enfants ne donnent pas uniquement
dans la joie.
C'est donc de la SF post-apocalyptique et comme beaucoup
de romans de ce genre, Chronique de la Terre figée traite de survie,
de manière certes un peu superficielle ici, mais c'est normal puisque
s'adressant à un jeune lectorat. Les personnages cherchent donc
principalement à chercher de l'eau et de la nourriture, quoi de
plus logique ?
Certes, tout n'est pas aussi logique d'un niveau scientifique
mais un roman peut bien s'autoriser quelques invraisemblances si c'est
pour la bonne cause: divertir... Les lecteurs de l'ouvrage auront bien
le temps plus tard de découvrir tous cela durant leur cours de biologie
et de physique!
Ces Chroniques de la terre figée est donc un divertissement
plutôt réussi pour le jeune public, avec des personnages attachants
et dans lesquels les jeunes lecteurs pourront se reconnaître sans
problème. L'aventure ne s'arrête quasiment jamais. On peut
donc dire que pour leur première ouvrage du genre, les éditions
de La Clef d'Argent ont bien réussi leur pari!
|
^ |
La Voix du Jura n°3391,
19 novembre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Des nouvelles qui vous hanteront longtemps.
La bêtise humaine est le point commun des nouvelles
regroupées sous le titre: "C'est un peu la paix, c'est un peu la
guerre".
Au dernier salon du Livre en Région organisé
a Salins-les-Bains en octobre dernier, j'ai trouvé aux éditions
La clef d'Argent, basées à Aiglepierre, un petit recueil
de nouvelles de Jean-Pierre Andrevon. Né à Bourgoin-Jallieu
en 1937, cet homme semble avoir reçu tous les talents: romancier,
nouvelliste, peintre, dessinateur, chanteur.
Père de plus de cent trente romans ou nouvelles,
il est considéré par les amateurs de la littérature
fantastique comme un auteur incontournable. J'avoue ne pas être un
grand amateur de ce style littéraire qu'est la science-fiction.
Pourtant je me suis laissé convaincre et me suis décidé
à le lire.
Ce recueil reprend une quarantaine de nouvelles, publiées
entre 1960 et 2000 dans les journaux Charlie Hebdo, Fluide glacial et jamais
rééditées depuis. Le fil directeur de ces écrits,
c'est la guerre et ses horreurs. Donner envie de lire des nouvelles est
l'une des choses les plus difficiles, les plus compliquées à
faire. Il faut savoir en dire mais pas trop, ne rien dévoiler des
chutes surprenantes, tout en suscitant l'intérêt. Alors que
faire? Plus que de parler des histoires, souvent courtes, parfois juste
deux pages, il convient de parler des émotions ressenties. Elles
furent nombreuses et parfois contradictoires.
Je suis passé de l'étonnement à
l'horreur, de la révolte au plaisir. Toute la bêtise humaine
se dévoile au cours de ces 45 nouvelles. «On trouve dans mes
textes beaucoup de pessimisme, d'indignations, de provocations, on y trouve
ma préoccupation première pour la nature, l'écologie,
la sauvegarde de la planète, l'amour des animaux, la haine du fascisme,
du racisme, des intégrismes, de toutes les intolérances.
Je ne cherche pas, ou peu, à faire passer artificiellement un message,
le message se trouve dans l'acte d'écrire, dès la première
ligne».
Comment qualifier le style de l'auteur? C'est un très
subtil mélange de beauté poétique et d'efficacité
romanesque. Mais ne croyez pas que l'humour, dit noir, soit absent de ces
lignes, la preuve en est les deux nouvelles, tout à fait étonnantes:
"Manger!" et "Goûter, savourer, en reprendre".
Intelligente, fluide, surréaliste, parfois désabusée,
aux thèmes très actuels, l'écriture de Jean-Pierre
Andrevon nous hante longtemps après avoir refermé le livre.
|
^ |
L'Écran Fantastique,
novembre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Quarante-cinq textes brefs composent ce recueil à nul autre pareil, d'abord parce qu'il rassemble des écrits dispersés sur quarante ans, ensuite parce que son éclectisme va du fantastique à l'humour noir, de la poésie au pamphlet, de la tranche de vie à la science-fiction et qu'ils sont reliés entre eux au hasard d'une remarque ou d'un détail, comme des éclats de miroirs disposés en mosaïque. En toile de fond la guerre, plus souvent évoquée que montrée (ce facteur éternel porteur de mauvaises nouvelles), quand bien même des soldats sont zombifiés pour continuer à servir de chair à canon. En toile de fond, la femme, les femmes, les amours rêvées et déçues, tout ce qui fait le sel des relations duelles ici racontées avec un fantastique poétique; ainsi, cette compagne partie mystérieusement remplacée par une autre aussitôt installée dans la routine, dont la présence rassurante efface les traces de l'absente mais ajoute les fantômes de leurs premiers émois. Tout ce qui fait Andrevon se trouve ici, comme il l'explique lui-même en postface en tentant de définir comment viennent les idées, ce qui est aussi difficile à expliquer que la façon dont on devient ce qu'on est. On sourit, on frémit ou on médite, passant d'un texte à l'autre avec l'assurance d'entendre la même voix parler de la vie et du temps qui passe.
|
^ |
Les Affiches de Grenoble,
6 novembre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Couper court pour frapper fort.
Par quoi se définit l'art de la nouvelle? Par
sa brièveté, assurément. Mais que faire de cette brièveté?
Les meilleurs nouvellistes sont ceux qui ont su ériger la concision
en arme narrative. Il se pourrait bien que Jean-Pierre
Andrevon soit de ceux-là. Écrites entre les années
1960 et le début des années 2000 -- et pour certaines, déjà
publiées dans Charlie Hebdo ou Fluide glacial --, ces quarante-quatre
nouvelles (dont la longueur varie entre deux tiers de page et onze pages)
démontrent tout ce que le laconisme peut avoir de tranchant. L'imaginaire
foisonnant du romancier grenoblois s'en donne ici à coeur joie,
multipliant les pistes d'intrigues, mais les issues inattendues. Andrevon
ne tire jamais à la ligne. Il va au plus court, au plus sec, au
cinglant. Il cultive le sens de la chute, qui tombe, inéluctable,
comme un couperet. L'humour cruel, propre à notre bonhomme, et son
ricanement amer font merveille.
Penchant tantôt pour le cynisme et tantôt
pour la poésie, l'auteur souffle alternativement le chaud et le
froid. À chaque fin d'histoire, il saisit son lecteur avec une vivacité
empoignante. Il est vrai qu'il ne fait pas dans le détail et que
ses récits (encore que simples «rognures d'ongles d'existence»)
ne lésinent pas sur la brutalité et le cynisme. C'est l'histoire,
terrible et terriblement banale, d'un amour éperdu qui conduit l'amante
au don de soi et à l'abandon radical d'une vie propre -- et d'une
vie tout court: «Il lui ordonna de cesser de respirer. Elle obéit.»
On songe aux dernières lignes, bouleversantes et tragiques, d'Histoire
d'o de Pauline Réage, alias Dominique Aury. Plus loin, c'est l'histoire
d'une guerre interminable, dans laquelle les morts eux-mêmes sont
appelés à combattre, faute de survivants. Ou bien est-ce
l'histoire de ce type qui veut mettre fin à ses jours et qui, àl'instant
d'accomplir son suicide, se découvre soudain l'ultime rescapé
de l'espèce humaine. Et c'est encore, parmi bien d'autres, cette
description méthodique sur les façons les plus idoines d'accommoder
et de dévorer le bétail humain: cervelle, jambonneau, plat
de côtes et fessiers. Ce petit précis de gastronomie anthropophage
constitue, du reste, un morceau de bravoure, aussi délectable que
déstabilisant, dans lequel Andrevon fait
preuve de sa fausse candeur la plus rouée.
Mais tout n'est pas, bien entendu, d'une noirceur aussi
vertigineuse. Et il est des nouvelles au ton plus flottant et aux attendus
plus indécidables. Fantaisiste parfois, comme cette passion déraisonnable
d'un conducteur mâle pour sa belle automobile, laquelle le trompe
nuitamment avec une vieille motocyclette. Ou légèrement ambigu,
comme le pillage intégral de ce musée, dans lequel tous les
tableaux ont été remplacés par des pastiches malhabiles
peints à même les murs et où de vulgaires figurines
en plâtre ont été substituées aux statues de
bronze et de marbre. S'il se montre, comme à l'ordinaire, sans grande
illusion sur la nature des hommes (lesquels ont «trouvé sur
leur chemin leurs plus impitoyables adversaires: eux-mêmes»),
l'écrivain, pour autant, creuse aussi d'autres veines -- la plus
surprenante étant peut-être celle du rêve. «Je
devais cette nuit-là avoir rêvé un peu plus fort que
d'habitude», confie avec candeur l'un des personnages. Souvent, les
nouvelles d'Andrevon sont comme des cauchemars
en forme de fables, dont la morale ferait opportunément défaut.
|
^ |
Encres Vagabondes, 31 octobre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Avec C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, La Clef d'Argent a rassemblé des nouvelles que Jean-Pierre Andrevon a écrites entre 1960 et le début des années 2000, et qui jalonnent donc son parcours littéraire. Textes divers, souvent très courts -- parfois pas plus d'une ou deux pages qui aboutissent à une chute fulgurante. On y trouve des histoires brèves où le quotidien bascule dans l'insolite («Le Mariage», «Maternité»), d'autres plus ouvertement fantastiques («La Bête», «Le Château», où le merveilleux onirique s'achève en cauchemar surréaliste), et bien sûr beaucoup de contes qui relèvent de la science-fiction pure. Mais, en dépit de cette variété et des années qui les séparent, toutes ces nouvelles frappent par une parenté d'inspiration et de sensibilité qui permet de dessiner en pointillé un portrait de l'auteur dont on retrouve les thèmes favoris.
Certaines séduisent par une fraîcheur poétique souvent liée à l'évocation d'une nature intacte : «Nous sommes descendus de la montagne par de pentes très douces, à travers des champs dorés baignant dans un air limpide et lumineux. Un vent tiède et léger nous caressait les bras, des oiseaux dansaient en ombres chinoises contre un drap de nuages.» La féerie est alors toute proche, qui permet de bâtir un château «à partir de la sueur des rêves.» «Je me suis réveillé : le château était là, entre deux herbes, juste au bout de mon nez. Je l'ai reconnu tout de suite, c'était bien le mien, celui que j'avais bâti nuit après nuit avec des pierres de rêve et de la poussière de songe. Au petit matin, il avait chu dans mon jardin avec la rosée.» Mais l'humour noir est aussi très présent, comme dans «Antiquités», «Manger!» et «Goûter, savourer, en reprendre», où le narrateur détaille l'art d'accommoder et de déguster un gibier qui n'est autre que la femelle humaine ; «Sur une bête méritoire, le sein doit être rond, ferme, abondant. Coupé net à l'attache du buste, il est immédiatement mis en glacière, fourré de fruits rouges confits, nappé d'un coulis de nougatine, encore que certains préfèrent un panage meringué. On sert glacé.»
L'auteur place de toute évidence les atrocités commises par l'homo sapiens contre ses semblables et contre les autres espèces au premier plan de ses préoccupations. Un très grand nombre de nouvelles décrivent une planète en proie à une guerre totale qui la détruit et en éradique la vie sous toutes ses formes : ainsi, dans «Suicide», un astronaute assiste à l'apocalypse depuis son vaisseau spatial : «Sur Terre, la guerre venait d'éclater. Celle qu'on attendait en priant pour qu'elle ne vienne pas, la Der des der, la vraie, générale et totale, avec emploi massif d'armes chimiques, bactériologiques et nucléaires. (...) Sous les yeux de Fergus, la Terre s'éclaira comme un lampion survolté. Puis la lumière de sang qui la nimbait s'étouffa sous une dense couche de suie semblable à un champ de boue crevassé de bulles méphitiques.» «Verticale de l'Histoire», «Le Trou», «La Pipe»», bien d'autres textes encore dénoncent inlassablement cette folie belliciste dont la fatalité semble inscrite au coeur de l'Homme. Parallèlement, s'exprime une grande tendresse pour la vie fragile et menacée qui peuple la planète, en particulier sous ses formes animales, comme c'est le cas dans «Le Dernier singe». «Dragons» évoque la disparition de l'humanité et son remplacement par une autre espèce. «La Peinture» dessine une utopie esthétique qui se substitue au spectacle de la Terre dévastée.
Enfin, la façon dont l'imaginaire s'infiltre dans le réel enchante souvent le lecteur même quand le propos du texte est pessimiste : une mélancolie cruelle mais teintée de merveilleux nimbe ainsi «Le Facteur» ou «Un Dessin au crayon magique». Dès lors une aube poétique se lève parfois sur le désastre : «De grands bouquets de fleurs blanches et rouges ont poussé entre les maisons, plus haut qu'elles, et dans leurs branches parfois un couple d'amoureux se promène lentement, glissant dans l'ombre verte du feuillage à la manière de ces poissons transparents dans la dense touffeur de leurs algues d'aquarium.»
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, promenade à travers une oeuvre qui s'étend sur plusieurs décennies, réserve de superbes découvertes à qui voudra s'y plonger.
|
^ |
Sin' Art, 25 octobre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
La Clef d'Argent aime prendre des risques, publier des auteurs encore méconnus comme Timothée Rey ou Michel Rullier, mais il lui arrive aussi de publier des maîtres incontestés comme Clark Ashton Smith ou de grands spécialistes comme Jean-Pierre Andrevon. C'est ce dernier, bien connu des amateurs de (bonne) SF francophone (au Fleuve, tout d'abord, puis chez Présence du Futur/Denoël) qui sort aujourd'hui le recueil de nouvelles C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre. Grand romancier populaire, styliste accompli, Andrevon, comme nombre de confères issus de l'école Fleuve Noir, a beaucoup produit et touché à tous les genres: SF, on l'a dit, polar et, entre autres , fantastique/horreur. Dans ce domaine cher aux lecteurs de Sueurs Froides, Andrevon, ex de Gore et Angoisse, a signé de remarquables bouquins consacrés aux morts-vivants (Les revenants de l'ombre, le romerien Zombies: Un horizon de cendres), un très bon Sherman (Christine avec un tank, pour faire simple!) et nombre de nouvelles superbes («Une mort bien ordinaire», «Les crocs de l'enfance»). On ne peut définitivement pas aborder la SF ou le fantastique français sans connaître Andrevon! Le recueil publié à La Clef d'Argent regroupe une quarantaine de textes souvent très courts, qui touchent au fantastique ou à une SF proche de la fantasy. L'écriture est très soignée, souvent poétique, le contenu assez intellectuel et ambitieux. Le point commun thématique de la plupart des récits, c'est la guerre et ses horreurs (avec par exemple la génial «Combattant», qui reprend le thème du zombie soldat). Deux textes touchent aussi, excellemment, au cannibalisme («Manger», puis «Goûter savourer, en reprendre», superbement écrit, où l'on découvre combien les femmes sont des créatures délicieuses). Tous ces textes ont été écrit entre 1960 (certains sont peut-être hantés par la guerre d'Algérie) et 2000. Comme Andrevon aime à le faire depuis longtemps, les plus vieux ont visiblement parfois été, peut-être inutilement, actualisés. Encore une fois, insistons sur la force poétique de l'écriture, qui séduira certains tandis que d'autres, assurément, préfèreront le Andrevon romancier, peut-être davantage tourné vers l'efficacité pure. Quoiqu'il en soit, Jean-Pierre Andrevon est, depuis les années 70, l'un des plus grands écrivains de genre français, et ce recueil le prouve une nouvelle fois.
|
^ |
Yozone, 15 octobre 2009.
Malbosque, roman de Gilles Bailly:
Depuis plus de vingt ans, La Clef d'Argent publie des
textes fantastiques et des essais en marge des orientations commerciales
des grands éditeurs. Plus soucieuse de qualité littéraire
que de rentabilité, cette petite maison d'édition a développé
récemment de nouvelles collections. Parmi celles-ci, «FiKhThOn»
est dévolue aux «romans étranges et fantastiques, insolites
et inclassables».
Premier volume de cette collection, Malbosque,
de Gilles Bailly, répond parfaitement à
cette ligne directrice et peut se détailler à partir de trois
mots: construction, fusion, déraison.
Construction
La structure du roman apparaît originale et non
dépourvue d'intérêt. La première partie est
constituée de l'alternance de chapitres narrés à la
première et à la troisième personne du singulier.
La première personne représente le narrateur, personnage
réel, simple héros au sens picaresque ou littéraire
du terme, individu parfaitement banal et conventionnel, stéréotype
romanesque évoluant dans un monde sans singularité. La troisième
personne, double fictif du narrateur anticipée par la description
de son physique et de ses préférences dès le chapitre
deux, évolue dans un monde qui tourne à la démence.
Pour autant, il n'a rien du héros fantasmé à la Walter
Mitty de James Thurber ou de l'alter ego surhumain des récits de
genre: lui aussi apparaît assez banal, en retrait par rapport aux
évènements sur lesquels il n'a pas de prise.
Au chapitre neuf, pivot fictionnel du récit, le
narrateur du monde réel, Twingoman, rencontre son double fictif
sans pour autant fusionner avec lui. Tous deux, désormais, vivent
de concert une aventure oscillant entre le concret et l'imaginaire. Notons
que cette rencontre se situe après un passage des personnages sur
la ligne de crête, cette ligne qui, dans le roman, tantôt sépare
le réel de l'imaginaire et tantôt les unit.
Dès lors, la narration prendra un tour nouveau,
et l'alternance des chapitres, dans cet univers hybride, pourra reprendre
sur un mode différent: à chaque chapitre à la première
personne du singulier raconté par le personnage fictif succède,
également à la première personne du singulier, un
chapitre narré par le personnage réel. La fin du roman sera
écrite par le compagnon du narrateur et de son double, chien à
trois pattes un moment transformé en ours, puis en homme, puis en
chauve-souris.
Fusion
Dans ce roman, fiction et réalité, métamorphiques
et ductiles, se séparent et fusionnent, s'écartent et se
rejoignent sans cesse. Il en est de même pour les personnages, depuis
le narrateur qui se duplique, se rejoint et se recompose, jusqu'à
la plupart des personnages, auto-stoppeuses se fondant en une créature
unique ou aventuriers des souterrains se mêlant en un même
et unique hominidé. Styles et narrations, au départ distincts
--la verve et la gouaille d'un auteur comme Henri Frédéric
Blanc, le lyrisme des descriptions, les passages à la Franz Kafka--
fusionnent eux aussi en un final inclassable, volontairement grotesque
et démesuré.
Déraison
Le roman ressemble à une longue dégringolade
à travers les escaliers abrupts et savonneux du délire. Au
fil du récit, la fiction --la démence-- s'installe, croît,
enfle, et prend toute sa démesure. Un simple récit de promenade
estivale fleurant bon le réel --l'auteur expliquera, dans un entretien
accordé à la librairie Soleil Vert, que le roman a été
effectivement écrit à partir de ses vacances-- peu à
peu bascule dans l'imaginaire débridé, l'humour noir ("La
table de camping se déforma sous le choc en une sorte de sarcophage
cylindrique fourré à l'homme"), le surréalisme ou
l'absurde. Notons, en vrac, un village qui se déplace sous la pression
de la forêt, un concile de vampires aux noms excentriques, une Twingo
qui se transforme en automobile exclusivement végétale avant
de verser vers le règne animal pour finir empalée par un
titanesque poignard d'obsidienne et achevée à coups de boules
de pétanque, des repas de pipistrelles et de belettes aux champignons,
des soupes de loirs et de queues de renards, une armée utilisant
des êtres humains en guise de projectiles ("Nous manquons cruellement
de munitions, mais, fort heureusement, pas de chair à canons"),
un téléphérique steampunk, une Confédération
Karstique, une Haute-Rhodanie, et une bibliothèque exclusivement
composée de volumes de «Voyage au Centre de la Terre»
de Jules Verne.
L'ouvrage n'est pas exempt de défauts. Les passages
consacrés au voyage souterrain paraissent étonnamment brefs,
comme partiellement escamotés. Même s'il s'agit d'un parti
pris, l'aspect volontairement hétérogène nuit à
la cohérence du récit, et peut entraîner le lecteur
vers un certain décrochement, notamment dans les derniers chapitres,
trop longs et insuffisamment structurés. Plusieurs fautes d'accord
ou d'orthographe («suffit» pour «suffi»p.15, «tâche»
pour «tache» p.75, «avait» pour «avaient»
p.87, «reviens» pour «revient» p.157, et «taule»
pour «tôle» à deux reprises, p. 108 et 123, alors
que l'auteur l'orthographie correctement par ailleurs) sont à noter.
Ces coquilles représentent des défauts mineurs --on en retrouve
autant, sinon plus, chez les grands éditeurs-- mais une relecture
par un tiers aurait sans doute permis de les éliminer.
Lupus in fabula: cette jolie formule de l'auteur pourrait
conclure et résumer son ouvrage. Un jeu avec les structures et les
styles, divers types de fiction qui se mêlent et se croisent, une
lente dérive à travers un imaginaire singulier font de Malbosque
un de ces inclassables à tout jamais éloignés du roman
conventionnel. Un livre faussement désordonné à lire
lentement, à relire attentivement pour en mieux saisir les niveaux
et les intrications.
|
^ |
Yozone, 8 octobre 2009.
Peuchâtre et Gésirac, contes fantastiques de Michel Rullier:
Après les ouvrages de Sylvie
Huguet et de Timothée Rey, Peuchâtre
et Gésirac de Michel Rullier constitue
le troisième volume de la collection KholekTh, dont le programme
est résumé par le sous-titre Contes et nouvelles fantastiques:
un livre, un auteur. Avec cette collection récente, Philippe Gindre
continue, en toute indépendance des modes et des impératifs
commerciaux, à donner au fantastique littéraire, délaissé
par les grands éditeurs depuis quelques décennies, la possibilité
de se faire lire et entendre.
Contrairement aux deux premiers auteurs de la collection,
Michel
Rullier n'avait, semble-t-il, publié aucun récit avant
ce recueil. La tentation était grande de découvrir une par
une ces dix-huit nouvelles.
«L'Autre»: quelque chose rôde, terrorise,
tue. Les paysans se terrent, réagissent de manière moyenâgeuse,
un chasseur affronte le monstre. La France profonde d'il y a trois générations,
les paysages, les caractères et les comportements décrits
avec soin, à première vue du pur récit de terroir.
Pour autant, l'analogie avec des auteurs comme Claude Seignolle dont les
histoires, bien souvent, relèvent plus de la réécriture
de récits folkloriques que de la mise en scène méticuleuse
d'un fantastique littéraire, serait superficielle. En effet, Michel
Rullier ne se contente pas de convoquer les ambiances de la campagne
profonde, il les tisse et les compose pour terminer sa nouvelle, avec un
sens certain de la chute, sur l'ambiguïté chère aux
théoriciens de la littérature fantastique.
«L'Ogre»: le titre résume l'histoire,
qui ne prête guère à surprise -- du moins, pas à
bonne surprise. Plutôt que d'un conte fantastique à proprement
parler, il s'agit d'un conte cruel -- abominablement. On retrouve, dans
cette nouvelle, la cruauté froide et pure d'oeuvres provenant d'horizons
divers comme le «Saturne» de Goya ou «La Poule égorgée»
de l'uruguayen Horacio Quiroga. La simplicité du récit s'efface
devant la mise en scène méticuleuse de l'inexorable, la gradation
lente et insidieuse du doute et de l'horreur. Inattendus, les paragraphes
finaux, après le dénouement, apportent au drame une touche
supplémentaire de fatalité, à moins qu'ils ne soient
là pour suggérer quelque correspondance hideuse, secrète,
insoutenable.
«Maître René» plonge, lui aussi,
ses racines au plus profond du terroir. Dans ce récit encore, on
ne peut s'empêcher de penser à Claude Seignolle. Une particularité
intéressante de la nouvelle est, dès les paragraphes introductifs,
le parti-pris du non-dit. De fait, presque tout, dans ce récit,
est dans l'insidieux, le progressif, le dévoilement de ce que l'on
croit redouter, jusqu'à une fin tragique et abominable.
«Le Dieu Ocre» constitue une des nouvelles
les plus surprenantes du volume. Elle mêle à un cadre très
champêtre une agonie, un cauchemar, un dieu malfaisant. Si l'auteur
parle, dans son épilogue, d'une influence méso-américaine,
la divinité suggérée dans son texte pourrait sans
doute relever du panthéon lovecraftien. Et la fin de la nouvelle,
une fois encore, redistribue les cartes en ouvrant de nouveaux abîmes.
«La Nuit des Chats», qui vient grossir la
cohorte déjà bien fournie des récits de chats fantastiques,
fait penser par certains aspects narratifs à des nouvelles de Jean
Ray; si la mise en scène de la terreur est habile, la fin peine
toutefois à convaincre.
«Ceux qui régnaient à Charn Hill»
met en scène les habitants d'un village qui semblent terrifiés
par le surnaturel, mais adorent des dieux anciens. Un récit de paganisme
qui fait penser à Arthur Machen, mais dont les éléments,
s'ils sont apportés par une écriture soigneuse, sont trop
classiques, trop connus des amateurs du genre pour apporter une réelle
surprise.
«Le Loup» mêle divers thèmes
animaliers -- la domestication d'un animal sauvage, l'appel de la forêt,
la bête qui apparaît sur la tombe de son maître -- mais
ne relève pas du genre fantastique. Comme le souligne l'épilogue,
ce type de récit pouvait frapper il y a quelques générations.
On lui trouvera, de nos jours, un intérêt dans l'écriture
et dans la description des angoisses des protagonistes beaucoup plus que
dans la séquence des évènements elle-même.
«Fontfrède» semble être la seule
nouvelle à s'écarter sensiblement de la tonalité globale
du volume. Ni récit fantastique, ni récit noir, «Fontfrède»
nous semble beaucoup plus relever de la nostalgie ou de l'anecdote familiale
que de la nouvelle de genre. Si la malédiction autrefois lancée
sur la demeure et ses habitants l'y rattache, si l'ambiance, par moments,
paraît la rapprocher d'autres nouvelles de l'ouvrage, sa lecture
produit, vis-à-vis du reste du volume, une impression -- par essence
subjective -- de rapporté, plus que d'harmonie.
D'autres nouvelles ne relèvent pas non plus du
fantastique pur, mais de ce que l'on a l'habitude de regrouper sous le
terme générique de récit d'angoisse. Issus de la réalité
ou du cauchemar, ils se singularisent par une ambiance particulière.
Ainsi des récits comme «Nekr», où un prisonnier
se soumet à son destin sans parvenir à savoir quel est exactement
ce destin, ses compagnons disparaissant les uns après les autres
sans lui laisser le moindre souvenir, «L'interrogatoire» où
une simple promenade tourne à l'horreur politique, «Le Diable»,
qui voit le narrateur assailli par ses démons intérieurs,
«La Lionne», suspicion d'une présence animale chez l'humain,
ou encore «La Lettre» dont le protagoniste, sous l'effet d'un
trou de mémoire, devient hanté par l'idée de la mort.
Parmi ces récits d'angoisse, accordons une mention spéciale
à deux nouvelles cauchemardesques, «Les Assiettes» pour
son inquiétante description urbaine et «Le Cheval» dont
la brièveté ne le cède en rien au classicisme du genre.
Restent des récits relevant avant tout de la prose poétique,
«Birgit», hantise d'une silhouette aperçue, «Le
Château», description brève et lumineuse d'une vision
d'enfance, et «Le Parfum», qui oscille joliment entre onirisme,
hallucination, et, peut-être, réminiscence proustienne.
Que pourrait-on bien reprocher à ce volume? Tout
au plus l'ambiguïté du prologue et de l'épilogue, dont
on ne parvient à déterminer s'ils sont dus à l'auteur
-- pourquoi parler de soi-même à la troisième personne
-- ou résultent d'un travail commun du nouvelliste et de l'éditeur.
Mais peut-être s'agit-il là de la création volontaire
d'une de ces frontières floues, indéfinissables, qui sont
l'essence du doute, de l'ambiguïté propres à la littérature
de genre.
Pour conclure, les dix-huit récits de ce recueil
ne convoquent pas tous ouvertement le surnaturel mais tendent souvent vers
l'onirique, comme autrefois ceux de Marcel Béalu, et en cela accentuent
l'impression de lire un volume de cette ancienne collection Marabout fantastique
qui publia autrefois les classiques du genre. En la matière, Michel
Rullier n'assène pas, ne cherche pas l'effet à tout prix,
mais plutôt distille, pose ses jalons, pousse ses pièces,
et bien souvent convainc. Inconnu, n'ayant semble-t-il rien publié
avant ce volume, il ne paraît pourtant guère être un
novice en écriture. Le sens des ambiances, la richesse du vocabulaire,
le soin apporté à la rédaction de ces nouvelles le
positionnent, comme bien de auteurs de la collection précitée,
sur cette sente elle-même mystérieuse qui sinue entre récit
de genre et littérature générale.
|
^ |
Atemporel.com, 5 octobre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Parution [...] d'un recueil de nouvelles de Jean-Pierre
Andrevon; Un artiste complet, écrivain de surcroit.
Le livre est déjà disponible en précommande
et nous avons pu le lire - webpresse aidant - notamment dans le cadre de
notre concours
consacré à l'auteur pour la sortie simultanée de ce
livre, de son CD,...
Présentation! Lorsque j'évoque l'artiste
complet, je suis encore loin du compte! Même la couverture est l'oeuvre
de Jean-Pierre Andrevon... 72 ans! Très
réussie, elle est à l'image du contenu.
Une fois plongé à l'intérieur, on
découvre une sorte de rétrospective de 40 ans de nouvelles,
tantôt fantastiques, tantôt SF, mais toujours très bien
écrites. Souvent très intelligentes, d'une bonne anticipation,
elle révèle parfois l'époque à laquelle elles
ont été écrites.
L'ensemble est homogène, fluide et passionant.
Chaque nouvelle peut se dévorer dans l'ordre souhaité, selon
l'inspiration donnée par le titre et motivant la lecture. Cela sera
presque toujours une bonne surprise et le néophyte comme le lecteur
expérimenté dans ces genres, y trouveront leur compte...
de bonnes lectures.
Plus de 40 nouvelles donc, dans un format très
compact ! J'ai une petite préférence pour «Des vacances
aux îles». D'une part parce qu'elle sent les années
60 (c'est à s'y méprendre, ou alors je me trompe) et donc
un peu «rétro», d'autre part parce que c'est un coup
de coeur du fait qu'elle traite un thème que j'avais essayé
dans une de mes propres premières nouvelles (certes il n'y a que
25 ans mais je n'ai pas le même âge que Jean-Pierre
Andrevon). En tout cas la sienne est parfaite et d'une grande efficacité!
Chaque mot et chaque idée est à sa juste place, signes d'une
grande maîtrise. L'on est emporté par le style, les idées
et... la démonstration de la bêtise humaine.
Car la bêtise humaine, c'est souvent de cela que
traitent les nouvelles de ce recueil. D'où le titre quelque peu
provocateur [...]. Retrouvez certains textes de cet ouvrage au format audio
sur le CD MP3 - qui sort des presses - Quelques
pas vers l'enfer, paru chez Livrior : Découvrez ou redécouvrez
Jean-Pierre
Andrevon, in contestablement un incontournable. Les fans de Barjavel
apprécieront, j'en suis sur. Lecture fortement recommandée!!!
|
^ |
Psychovision, octobre 2009.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
Chers amis lecteurs et lectrices, me voilà bien
embêté. En effet j'aurais voulu vous éviter la même
tirade que je sors à chaque fois que j'écris sur Jean-Pierre
Andrevon : «ce type est tout simplement un génie, l'un
des plus grands auteurs français, l'un de ceux que j'admire le plus
etc., etc.» Mais ce n'est pas encore le cas aujourd'hui et encore
une fois l'auteur m'a scotché, troublé, fait vibré,
révolté mais aussi fait sourire, rire et bien sûr j'ai
adoré ce recueil de nouvelles.
Mais mon trouble est double. Car chroniquer un recueil
de nouvelles n'est déjà pas une chose facile - comment parler
de tout sans rien trop dévoiler, comment ne pas trahir l'écriture
de l'auteur, ses chutes et ses dénouements ? mais alors que dire
de celui-ci ! A la rigueur j'aurais préféré un pavé
de 600 pages rempli à ras bord plutôt que ce recueil absolument
génial et original. Ici nous n'avons «que» 160 pages,
un format poche mais bien plus dense qu'un roman de 600 pages, c'est vous
dire devant quoi je me trouve ! Et oui car en à peine une centaine
de pages Andrevon et son éditeur nous
offrent 44 nouvelles et une postface qui à elle seule a mérite
que l'on s'intéresse à ce recueil!
C'est un peu la paix, c'est un peu
la guerre est donc un livre bien étrange et fabuleux qui regroupe
des nouvelles qui font une page voire trois pages (à la limite de
la micronouvelle pour certaines) écrites par Andrevon
entre 1960 et 2000. Autant dire qu'il y a ici tout un pan de l'histoire
de cet écrivain génialissime qui prouve encore une fois son
talent. Personnellement, en tant que lecteur, je ne comprends même
pas comment on peut faire! Chacune de ces nouvelles oscille dans des genres
différents qui vont de la SF en passant par le surréalisme
et qui vont jusqu'au gore parfois, le tout avec un certain engagement entre
autre contre la guerre, pour le droit des femmes et avec un certain regard,
si typique à l'auteur mais qui semble ici exacerbé, quant
à la nature humaine. On sort complètement lessivé,
retourné, de ce recueil qui fait mal, très mal, comme un
coup de poing en plein dans l'estomac.
Dans certaines nouvelles l'auteur fait parler des marchands
de canon, dans d'autre des femmes qui arrêtent de respirer à
la demande de leur mari. C'est surtout contre la guerre et la folie des
hommes que s'époumone Andrevon mais toujours
avec ce style et ce ton si spécial, reconnaissable entre mille,
presque désabusé, pessimiste comme si rien ne pouvait changer,
comme s'il savait que l'écriture elle-même ne pouvait pas
faire avancer les choses... Peut-être est-ce aussi pour cela que
certains textes de Jean-Pierre Andrevon parlent,
sur un ton quasi surréaliste, de la fuite, de cette idée
que l'on pourrait qualifier de misanthropique, de partir loin, très
loin des hommes. Ces hommes que parfois monsieur Lune regarde d'un air
tendre tout en se disant qu'ils ne valent pas grand-chose! Beau et triste
à la fois...
Autre aspect que je trouve très marquant dans
les textes de Jean-Pierre Andrevon, et c'était
déjà le cas dans Tous ces pas vers l'enfer, recueil parut
chez Glyphe et qui m'avait découvrir l'écrivain, c'est la
présence constante de la mort comme inéluctable, comme inapprivoisable,
comme le fait de l'homme aussi (la guerre encore et le meurtre toujours),
comme la solitude ultime et qui offre parfois de superbes pages, drôles
aussi parfoisÉ
C'est une évidence, je ne peux pas vous parler
de toutes les nouvelles, je ne peux pas rendre avec mes mots toute la force
et toute la beauté d'une telle entreprise qui s'étend sur
plus de quarante ans et qui se retrouve ici, qui tient là dans le
creux de ma main, qui tient dans un sac mais qui, dans mon esprit et dans
mon cÏur, prend beaucoup de place comme tous les écrits de
l'auteur que j'ai pu lire jusqu'à ce jour. Il y a beaucoup de textes
que j'ai aimé, celui sur les cannibales, celui sur ce facteur qui
s'annonce sa propre mort, ces brûlots anti-guerre qui sont encore
tellement d'actualité, ces récits de pillages absurdes et
ces nouvelles qui sont comme de la poésie et qui s'inspirent autant
du réel que de l'imaginaire.
C'est un peu la paix, c'est un peu
la guerre plaira autant au lecteur de SF que de fantastique et même
aux amateurs de littérature dite blanche! Une Ïuvre universelle,
l'oeuvre de toute une vie.
Ces fabuleux textes ont été publiés
dans Fiction mais aussi dans Charlie hebdo ou Fluide Glacial à l'époque
où la presse était libre, du moins peut-être plus qu'aujourd'huiÉ
Ils sont aujourd'hui réunis par l'éditeur La Clef d'Argent
et je trouve que c'est un beau pari et une superbe initiative!
J'ai découvert cette maison d'édition il
y a peu, avec le roman de Gilles Bailly, Malbosque,
un roman hors norme et superbe. Je ne connais pas plus que cela leur catalogue
mais c'est une évidence pour l'instant cette maison ose, elle sort
des sentiers battus, publie autre chose, cherche la différence et
sincèrement c'est une belle réussite qui a tout mon soutien
! Des livres comme celui de Jean-Pierre Andrevon
ou celui de Gilles Bailly sont rares, trop rares,
ils bousculent les conventions de l'écriture et par là même
ils bousculent le lecteur.
C'est un peu la paix, c'est un peu
la guerre (que dire de ce titre sublime qui à lui seul résue
l'oeuvre ?) c'est surtout du grand Andrevon,
un très bel ouvrage et une belle initiative de La Clef D'argent!
|
^ |
Phénix-Web, 21 août 2009.
«Anthologie permanente du Fantastique», le
Codex
atlanticus lequel 'paraît théoriquement une fois l'an,
au solstice d'été, quand tout va bien' perpétue la
tradition de l'anthologie purement fantastique contrairement à celles
de Fantasy qui encombrent les rayons des librairies.
Souvent de qualité supérieure, le présent
Codex est malheureusement plutôt moyen en ce qui concerne la qualité
des textes retenus. Les auteurs sont presque tous jeunes, et peu publiés.
Je retiendrai Bouquets épars au bord des routes, bel exemple d'horreur
contemporaine, situé dans l'ambiance froide d'un motel Formule 1
ou le très beau Désert de Catherine Bord, unique incursion
SF du recueil. Alexandre Mercereau est, quant à lui, un «ancêtre»
(1884-1945), et sa nouvelle L'Homme est un bel exemple de fantastique canonique
pur et dur, centré sur une apparition monstrueuse que l'on ne verra
jamais. La bibliothèque d'Anne Morin mêle Kafka à Borgès.
La main gantée d'Annick Perrot-Bishop est un joli pastiche de Maupassant,
et Murat, de Philippe Bastin, bien écrit, plus policier que vraiment
fantastique, se laisse lire avec agrément. Le restant est plus anodin.
Le Codex nous doit une revanche.
|
^ |
Psychovision, 11 août 2009.
Malbosque, roman de Gilles Bailly:
J'ai lu Malbosque, d'une traite, en un après-midi, captivé par les mots, la poésie, l'histoire. Les yeux écarquillés, je suis arrivé à la dernière page, j'ai fermé le livre et j'ai relu certains passages car une question cruciale tournait en boucle dans ma tête : qu'est-ce que je viens de lire? Généralement, quand je me pose ce genre de question, soit le livre est vite oublié soit c'est que j'ai pris une telle claque que je sais que j'aurai du mal à m'en remettre. Pour Malbosque on est dans le second cas... Et là je suis bien embêté, seul devant mon ordinateur, car je dois écrire une chronique d'un livre étrange, barré, à la limite des genres et je suis presque dans l'incapacité de vous raconter ce qui se passe dans l'oeuvre de Gilles Bailly. Malbosque c'est à la fois du fantastique qui s'en va côtoyer le surréalisme, c'est à la fois de la science-fiction qui s'accoquine avec l'absurde, c'est l'histoire d'un écrivain perdu et d'un paradis perdu, l'histoire d'une rupture et de plusieurs métamorphoses. Une réflexion kaléidoscopique sur un monde, le nôtre sans doute...
Un écrivain en mal d'inspiration s'en va se perdre dans une France sauvage et il rencontre un village qui avance, un règne végétal nouveau qui transforme les Twingo en voiture de bois, une communauté étrange (c'est le mot qui définirait d'ailleurs le plus l'ouvrage) qui brûle le passé et le moderne pour s'approcher de la nature. Et bientôt, on plonge dans une aventure proche de Jules Verne et de son "Voyage au centre de la terre". L'écrivain est d'ailleurs cité, malmené aussi. Une plongée dans les profondeurs du monde qui change les gens, une quête initiatique, une randonnée dans le bizarre. Les personnages sont-ils plusieurs, sont-ils un, se métamorphosant jusqu'au tout, jusqu'au un. Peut-on parler de recherche d'harmonie? De fable écologique? De conte humaniste? Gilles Bailly joue avec tout ça, joue avec le lecteur, multiplie les points de vue, de la focalisation interne à la focalisation externe, nous fait perdre nos repaires, toute notion du temps et même de notre époque. A la fois une écriture sombre et parfois même un brin désabusée, une histoire labyrinthe mais un labyrinthe à la fois végétal et minéral. En lisant Malbosque, plus que des réponses ce sont des questions qui viennent à l'esprit du lecteur, comme s'il était difficile dés la première lecture de saisir l'oeuvre dans sa globalité. Malbosque mérite non pas une lecture mais une multitude de lectures pour une multitude d'interprétations. OEuvre tiroir, il nous faut chercher les clés et impossible de devenir lecteur passif devant un tel roman. On s'interroge sur le rapport homme-nature-végétaux. On s'interroge sur notre monde et sur nous même. Malbosque remet en question... L'écriture de Gilles Bailly est étrange, poétique, sombre, bourrée de belles trouvailles pour une histoire inracontable, à la limite de la folie. Lire Malbosque est une expérience unique, que l'on aime ou pas d'ailleurs, l'expérience reste, comme la première fois que vous lisez un roman surréaliste ou la première fois ou vous vous penchez sur le génialissime Kafka. Il faut avancer dans le roman comme on avancerait dans une jungle, il faut peu à peu défricher et se laisser surprendre par ce que l'on peut trouver dessous les lianes, ses ou son personnage(s), ses lieux étranges, son écriture bizarre mais agréable, ses aventures loufoques. Une aventure unique.
Et voilà, j'arrive à la fin de cette chronique
et je me rends compte que je ne peux pas vous en dire plus. D'abord car
Malbosque
est une expérience qui se vit mais qui ne se raconte pas, ensuite
car vous en dire plus viendrait à déflorer le mystère
et à faire de l'ouvrage une analyse détaillée (et
il y a de quoi faire!). Au final
Malbosque
est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), un roman hybride,
envoûtant, et qui mérite plus qu'un coup d'oeil. Je ne peux
que saluer le courage et la détermination de La Clef d'Argent qui
a décidé de publier ce roman, pas forcement facile au premier
abord, et qui inaugure ainsi leur nouvelle collection "FikhThon". Bravo
à eux et si la suite de cette collection est aussi bonne, alors
c'est merveilleux!
Je ne peux que vous inviter à plonger dans cette
expérience unique et vous en sortirez changés!
|
^ |
Malbosque, roman de Gilles
Bailly:
Gilles Bailly, écrivain connu pour ses nouvelles
fantastiques parues dans de nombreuses revues dont le Codex atlanticus,
signe ici avec Malbosque son premier roman.
De l'utopie à l'enfer
Malbosque s'ouvre sur l'histoire
d'un écrivain en quête de substance. Il décide alors
de quitter son quotidien pour suivre les chemins vers lesquels le mène
sa voiture: «celle qui lui murmurait qu'un génie dormait en
lui.....il n' avait plus toute l'éternité devant lui».
Son arrivée en pleine campagne le projette peu à peu à
la frontière du réel, du fantastique et de l'absurde. C 'est
au détour de ses nombreuses rencontres que le récit dérive.
Sa rencontre avec deux jeunes filles machiavéliques, un village
qui change d'endroit tous les mois, un bûcher tout de patchwork de
ferrailles et des réseaux de galeries interminables, sont autant
d'éléments qui vont le pousser peu à peu à
rejoindre un autre groupe d'individus en quête d'une autre vie. Le
mode de vie communautaire et le fantasme de l'autarcie tournent alors au
cauchemar. Dans Malbosque, «L'enfer c'est
les autres», «les éléments», «soi».
L'odyssée
Malbosque pourrait être
l'expression du mélange de Huis clos, pour la promiscuité
et le caractère beaucoup «trop» humain des personnages,
de Cube pour les labyrinthes réels et métaphoriques
dans lesquels ils sont enfermés et de L'Odyssée, pour
la lutte contre les éléments et l'apport initiatique de leur
quête utopiste. Malbosque c'est l'histoire
d'un périple difficile à suivre, du point de vue temporel
pour commencer, mais aussi topographique, les lieux changent très
rapidement, les personnages aussi. Il est parfois difficile de saisir les
passages des frontières entre réel et fantastique et de saisir
à quel moment les protagonistes sombrent dans la folie. Le voyage
au coeur de la campagne française se transforme alors assez vite
en une expédition dans des couloirs sous terrains qui mèneront
certains personnages à leur perte. Pour d'autres, cette expédition
s'ouvre sur la découverte de pays lointains où l'imaginaire
et le réel coexistent facilement, avec comme point commun une certaine
idée de la cruauté.
Une belle alchimie
Malbosque est en fin de compte
le résultat d'une alchimie réussie et originale, dans le
fond aussi bien que dans la forme, où se mêlent avec subitilité
plusieurs dimensions et plusieurs niveaux de lecture. Gilles Bailly joue
avec les symboles, les codes et entraîne le lecteur dans un labyrinthe
inattendu, frôlant parfois l'absurde. Malbosque
est un roman qu 'on prend plaisir à relire pour mieux saisir tout
ses aspects et reconstituer le puzzle qui amene les protagonistes à
leur destination finale, totalement métaphorique.
|
^ |
Le Codex Atlanticus 18,
anthologie permanente du fantastique:
Comme tous les ans, La Clef d'Argent sort un nouveau
numéro (le 18) de son anthologie
fantastique, Codex Atlanticus. Si la couverture
une nouvelle fois signée Mélusine
est encore plus belle que celle de l'an dernier, regrettons que les 100
pages du recueil ne comportent aucune illustration. C'est sans doute la
passion qui nous fait parler, mais on rêverait de voir des nouvelles
illustrées aussi talentueusement. Cela donnerait assurément
un plus à un ouvrage à la qualité d'écriture
et d'inspiration tout bonnement excellente. Bien sûr, sur 16 nouvelles,
on est libre d'en préférer certaines, tandis que d'autres
nous toucherons moins, mais globalement, le tout est extrêmement
professionnel. Pour notre part nous retiendrons cett année l'angoissant
«Bouquets épars au bord des routes", une nouvelle d'horreur
de Timothée Rey, la version macabre de Cendrillon
par Amelith Deslandes (son recueil chez Nuit
d'Avril est à ne pas manquer !), ou encore «La main gantée»
de Annick Perrot-Bishop, du fantastique
classique impeccable, effectivement dans la lignée de celui d'un
Maupassant. Certains textes cherchent à faire peur, d'autres à
inquiéter, tandis que d'autres encore apportent une vision plus
décalée ou poétique du fantastique. Un genre d'une
richesse infinie, amoureusement traité par le Codex
Atlanticus.
|
^ |
Yozone, 22 juillet 2009.
Le Codex Atlanticus 18,
anthologie permanente du fantastique:
Ce dix-huitième numéro du Codex Atlanticus
est plus épais d'une vingtaine de pages que son prédécesseur
de l'année passée et son sommaire est aussi plus fourni (16
textes au lieu de 9). Mélusine illustre à nouveau la couverture
et donne le ton. Et qu'en est-il du contenu?
Plutôt que de parler de chaque nouvelle, choisissons
de nous arrêter sur les plus marquantes. En bien ou en mal...
Les courageux parviendront peut-être à finir
«La konfrairi» de Laurent Bayssière, texte abandonné
pour ma part au bout du premier paragraphe, car écrit, à
dessein, de façon illisible. Alors que Daniel Keyes se sert à
merveille de cet artifice pour illustrer son propos dans «Des Fleurs
pour Algernon», là les trois pages semblent interminables...
et elles le sont!
Après cet intermède à oublier bien
vite, attardons-nous sur le meilleur:
Avec «Bouquets épars au bord des routes»,
le quotidien selon Timothée Rey dérape. Il détourne
avec brio une triste réalité et y rajoute un zeste d'horreur.
Beau texte qui confirme tout le bien que l'on pense de cet auteur qui monte.
Catherine Bord réussit la performance de s'inviter
dans une anthologie de fantastique, avec «Désert», une
nouvelle de science-fiction. En plein rite initiatique, une jeune fille
rencontre un homme dont le vaisseau s'est échoué sur sa planète.
C'est beau, bien écrit et rappelle un peu la thématique de
Ursula Le Guin dans son cycle de l'Ekumen. Une réussite qui trouve
ainsi sa place au sommaire.
«Je vis dans ton placard», miniature de Santiago
Eximeno, traduite de l'espagnol, fait mouche en quelques lignes. Rien que
le titre en dévoile déjà beaucoup. Une short story
menée de main de maître!
Ce numéro du Codex Atlanticus nous permet de découvrir
Alexandre Mercereau (1884?1945), à travers une biographie intéressante
et fort documentée, et «L'homme», une de ses créations,
nous parlant d'une maison hantée par un défunt qui pollue
toute la vie d'un village. Beau coup de loupe sur le monsieur!
Auteur du recueil «Les Loges Funèbres»
et de textes épars dans quelques fanzines et revues, Amelith Deslandes
est un auteur rare et à ne surtout pas rater. Il a l'art de surprendre
les lecteurs. «Les crochets et la soie», où une fillette
présente un spectacle de marionnettes à un public attentif,
ne déroge pas à la règle. Superbe!
Philippe Bastin qui s'était déjà
fait remarquer dans le numéro 17 récidive avec «Murat»,
où un prêtre rude terrorise les enfants lors du catéchisme.
Après lecture des deux dernières livraisons de cet auteur
belge au Codex, cela n'est que justice de le retrouver régulièrement
au sommaire.
«Puerto deseado» nous présente une
histoire de vengeance sur laquelle Victor Parral ne s'attarde pas. Il laisse
délibérément des éléments dans le flou
et éveille l'imagination des lecteurs quant aux rapports entre les
deux personnages principaux. Un brin de mystère, un sujet grave
avec de petites touches de dérision et le résultat ne passe
pas inaperçu.
«La main gantée» d'Annick Perrot-Bishop
(un pastiche de Maupassant), «La bibliothèque» d'Anne
Morin et «Retour» de Liliane Gray méritent aussi d'être
cités.
Quincampoix et Coolter terminent cette dix-huitième
livraison de façon très originale. Parviendront-ils à
s'échapper des pages du Codex Atlanticus? Il faudra attendre l'année
prochaine pour le savoir.
Vous l'aurez compris, ce numéro vaut le détour,
car la plupart des auteurs s'avèrent bien inspirés et nous
font passer un bon moment de lecture. Rendez-vous est donc pris pour le
prochain.
|
^ |
Librairie Soleil Vert, 18 juillet 2009.
Malbosque, roman de Gilles
Bailly:
Voilà bien un roman atypique, de ceux que l'on
croise, rarement, mais qui existent. Conçu comme une succession
de chroniques, voire de nouvelles, il nous entraîne à la suite
de ? dans ses pérégrinations insolites, loufoques, merveilleuses,
fantastiques, disjonctées, jamais glauques. Dans ce très
bizarre récit de voyage, l'on croise l'ombre de Stevenson, de Jules
Verne, de Walt Disney. On passe par les Cévennes, on remonte jusqu'à
la chaîne des puys par où s'entrouvrent quelques tunnels menant
jusqu'en Italie et à la limite de L'Europe de l'Est. Chaque étape
est une rencontre, un brin de folie ou de rêve éveillé.
On y devine constamment le souci de l'humain, de l'environnement, de l'idéal
sous leur forme les plus surréalistes qui soient.
Avec Gilles Bailly, vous prendrez votre premier ticket
pour un voyage étrange, onirique, souvent drôle, vous circulerez
dans une voiture toute de végétal conçue, vous croiserez
Tabouret, le chien à trois pattes, qui plus tard se transformera
en ours (vous êtes prévenu), quelques vampires vous hébergeront,
toute une faune sauvage suivront vos pas, écureuils, lézards,
pipistrelles (qui se dégustent aussi, aux champignons, quand on
n'a plus le choix)... Mais dans ce paysage fantaisiste, il y a aussi des
ombres, une réflexion sur notre société, sur les rassemblements
faussement anticonsuméristes, sur l'hypocrisie, l'Utopie, l'Europe
et l'éclatement paradoxal de nos provinces... et il y a Malboque,
un village qui se déplace; donc même quand on tombe dessus,
on est jamais sûr de pouvoir y revenir. Aussi, jusqu'à la
fin, il restera une sorte d'Arlésienne et quand on y revient, il
a changé, comme l'auteur.
Ce premier roman recèle malgré tout quelques
imperfections qui sont à noter. Si la narration partait sur des
textes très courts, avec même une structure élaborée
de chapitres écrits une fois sur deux à la première
ou à la troisième personne, sauf le premier avec la forme
"nous", on peut rencontrer une certaine lassitude dans les derniers chapitres,
beaucoup trop longs, injectant tant et tant d'idées et de loufoqueries
qu'on s'y perd et le schéma aussi. De chroniques, on passe à
de vraies nouvelles mais qui déséquilibrent l'ensemble. Il
n'y a plus vraiment de structure. Même si l'on comprend le cheminement
intérieur et extérieur du héros, tout délirant
soit-il, on a complètement occulté le point de départ,
la recherche d'inspiration. A défaut de celle-ci, peut-on au mieux
se dire que le héros a ouvert les yeux sur une réalité
qui lui échappait. Toutefois, on aurait pu s'attendre à la
fermeture d'une boucle, un retour aux sources de son aventure, un renvoi
vers l'écrivain en manque d'idées ("Un polar, peut-être
?").
Heureusement, d'inspiration, Gilles Bailly n'en manque
pas. Il y a donc à parier que nous le recroiserons encore dans les
méandres de l'imaginaire.
|
^ |
Le Codex Atlanticus 18,
anthologie permanente du fantastique:
Nous vous parlions déjà du numéro
17 du Codex Atlanticus l'an dernier, de manière un peu plus sommaire.
Revue de détails pour ce 18ème numéro, paru comme
le veut la tradition pour le solstice d'été.
Philippe Gindre nous présente une édition
à nouveau très soignée. Qualité de l'ouvrage,
par les matières et la mise en page, couverture remarquable signée
Mélusine... tout se prête à s'aventurer au long des
treize nouvelles que compte le Codex Atlanticus 18.
Certes on retrouve quelques habitués de la Clef
d'Argent, comme Timothée Rey, quelques reprises aussi, mais l'ensemble
dépaysera tout lecteur à coup sur. Chaque nouvelle est bien
présentée, notamment par l'insertion d'une mini biographie
de l'auteur. De fait la vocation anthologique du Codex Atlanticus est tout
à fait suivie: nombreux auteurs, nombreux textes différents
et des auteurs plus ou moins connus.
La Clef d'Argent en termine d'apporter sa patte: très
bonne qualité (l'éditeur associatif nous y a habitué),
mise en page propre, voire originale... et de belles trouvailles! La mer
reviendra à Wattebléry, d'Arnauld Pontier, à notre
préférence. A noter, en clôture de l'ouvrage, un clin
d'oeil aux personnages de Jonas Lenn, Coolter et Quincampoix. La note d'humour
fantastique, très décalée et originale dans sa recherche...
graphique, tombe à point pour donner envie de patience pour attendre
le prochain solstice d'été.
|
^ |
Le Codex Atlanticus 17,
anthologie permanente du fantastique:
Chaque année, La Clef d'Argent nous présente
son anthologie de textes fantastiques: le Codex Atlanticus.
Sous la sobre et belle couverture de Mélusine,
onze textes figurent au sommaire de ce numéro 17.
Quelques uns sont très courts («L'épitaphe»
de Jean-Jacques Nuel, «Une flaque» de Denis Moiriat et «L'exclusif»
de Gilles Bailly) et comptent parmi les moins convaincants. Un traitement
trop rapide, pas vraiment de chute, un sujet trop léger nous les
font oublier très vite.
«Pierre d'homme» de Christian Hibon et «Reflet»
de Franck Denet, un peu plus longs, tombent dans les mêmes travers.
Pour le premier, on a du mal à savoir où il veut en arriver
et pour le second, inspiré du «Portrait de Dorian Gray»
d'Oscar Wilde, la fin est beaucoup trop rapide pour y adhérer.
«Extension du domaine de la punition» de
Timothée Rey se veut humoristique et, si je l'aurais bien vu dans
l'anthologie «Conquêtes & Explorations Infernales»,
dans ce numéro du Codex Atlanticus versé dans un fantastique
sombre et classique, son registre détonne. De plus, son auteur,
très prometteur, n'est pas très inspiré et fait un
peu dans la facilité.
Michel Rullier, avec «Peuchâtre et Gésirac»,
traite de l'ogre évoqué pour effrayer les enfants. Les contes
ont souvent un fond de vérité et le personnage le découvre
à ses dépens. Sans atteindre des sommets, il s'avère
meilleur que les productions citées ci-dessus.
Quatre textes se démarquent du lot. Par ordre
d'apparition: «Les livres invisibles» de Philippe Vidal nous
présente un écrivain qui utilise une encre de sa composition
et qui disparaît aussi vite qu'il écrit. Plutôt que
d'enlever de la matière à la réalité, il préfère
ce moyen de création, générateur de changements. Original
et intéressant.
Dans «Victor Skopein n'est pas mort», Jean
Effer se sert d'une structure éclatée où l'ordre chronologique
des évènements est chamboulé. Surprenant par sa construction
et par les temps employés, mais justifié par ce qui arrive
au personnage. Un beau travail effectué sur ce texte.
Dans une section abandonnée d'un canal rôderait
une menace. Affabulations d'un vieil homme ou réalité? Selon
Philippe Bastin («L'homme-crochet»), on ne serait en sûreté
nulle part. Dérangeant et bien présenté.
Avec «La sagesse du fossoyeur», Stéphane
Mouret clôt cette anthologie de fort belle manière. Un jeune
homme simplet trouve sa vocation lorsqu'il voit le fossoyeur du village
creuser une tombe. Il devient son apprenti puis son successeur et, lors
des enterrements, il semble parler à quelqu'un que personne n'aperçoit.
Sous des airs assez classiques, Stéphane Mouret signe là
un très beau texte, tout en finesse.
Finalement, même si le niveau des nouvelles présentées
apparaît inégal, l'initiative de publier une telle anthologie
de fantastique est à saluer. Selon les sensibilités, chacun
y trouvera son bonheur et gardera certaines images fortes en tête.
Il est à noter qu'aucun éditorial n'ouvre
la revue, mais que l'avant-dernière page nous narre une bribe des
aventures de Quincampoix et Coolter, prisonniers des pages du Codex. Une
trouvaille originale et plaisante!
On peut se procurer ce numéro, ainsi que les anciens,
sur la page dédiée au Codex Atlanticus. Et pour découvrir
cette anthologie, il y est même possible de télécharger
un numéro virtuel, en plus des premières parutions épuisées.
N'hésitez donc pas à suivre le lien.
En tout cas, rendez-vous est déjà pris
pour la cuvée 2009!
|
^ |
Malbosque, roman de Gilles
Bailly:
Avec Malbosque, La Clef d'Argent
inaugure la collection FiKhThOn, consacrée
aux «romans étranges et fantastiques, insolites et inclassables».
Inclassable, le livre de Gilles Bailly l'est assurément, qui brasse
le fantastique, la science-fiction et l'humour noir avec une originalité
certaine et parfois déconcertante. Le roman se présente comme
une succession de chapitres assez brefs, qui fait alterner les points de
vue des deux personnages centraux, d'ailleurs voués à se
rencontrer et à se lier d'une amitié étroite puisqu'ils
sont en fait «les deux facettes d'une seule et même personne.»
L'un d'eux est un marginal sans occupation précise, l'autre un écrivain
raté en quête d'inspiration, et tous deux, avant de croiser
leurs routes, parcourent les montagnes d'un Massif Central évoqué
non sans réalisme, où ils vont partager une expérience
de «reconversion civilisationnelle» dont les acteurs se sont
installés sur les hauteurs du Puy Mary. Suivent des aventures des
plus insolites, dont un voyage au centre de la Terre qui se réfère
explicitement à Jules Vernes, tandis que l'Europe se décompose
en micro états instables comme la «Principauté Cunéo-Niçarde»
ou la «Vénéto-Padanie».
Au fil du texte, le lecteur va de surprise en surprise
: il tombe sur des trouvailles poétiques, comme ce pacte avec le
règne végétal que conclut l'un des personnages dont
la voiture se transforme à l'avenant : «Ma nouvelle auto est
un petit bijou de menuiserie et de marqueterie. Carrosserie en liège,
volant en bois d'olivier, tableau de bord en ronce de noyer. Les fauteuils
sont des structures de rotin recouvertes de mousse, les pneus des sphères
de résine souple. Une merveille de technologie naturelle!»
De même le village de Malbosque, qui donne son nom au livre, a-t-il
la possibilité de se déplacer dans l'espace. Les personnages
du roman sont aussi sujets à des métamorphoses, comme le
chien Tabouret qui se transforme d'abord en ours, puis en humain, tandis
que d'autres fusionnent pour former une entité nouvelle, et devenir
«un être plus équilibré, plus vertueux, plus
généreux que ses deux "jumeaux"». D'autres passages
révèlent un humour noir très décalé,
comme lorsque les membres de l'expédition partie explorer le volcan
recourent tout naturellement au cannibalisme, ou lorsque la communauté
du Puy Mary est assaillie par un bombardement de corps humains, l'armée
prenant à la lettre l'expression "chair à canon" et utilisant
ses propres soldats comme projectiles. De là des images d'une macabre
étrangeté, comme celle des «cadavres qui jonchaient
le sol sur plusieurs mètres d'épaisseur. A perte de vue.
(É) Seul le temple de pierre avait tenu bon. Il gisait actuellement
sous trois à quatre mètres de profondeur, enfoui sous l'amoncellement,
si bien qu'il leur avait fallu pratiquer un tunnel dans la masse des cadavres
pour atteindre l'air libre.»
Contrastée, volontairement disparate et pourtant
cohérente dans les choix qu'elle assume jusqu'au bout, l'esthétique
de cet OVNI littéraire, qui se lit avec beaucoup de curiosité,
n'est pas sans rappeler celle d'un surréalisme friand de rencontres
bizarres, comme celle, pour reprendre la formule d'Isidore Ducasse, d'une
machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection.
|
^ |
Malbosque, roman de Gilles
Bailly:
Il est professeur d'italien au collège de Fontreyne.
Depuis une dizaine d'années, Gilles Bailly, nouveau haut-alpin qui
a choisi de vivre en terre ancellus, aime poser des nouvelles «insolites
et insolentes, caustiques et poétiques» dans différentes
revues comme Codex Atlanticus, Hespéris,
Le jardin d'essai.
Il y a deux ans, il s'est enfin décidé
à signer un premier livre, «Malbosque», un opus oscillant
entre science fiction et poésie, entre fantastique et roman noir.
«C'est tout à la fois. Il est même inclassable. A priori,
on pourrait dire que c'est un recueil de nouvelles, puisque certains chapitres
sont autonomes. Mais c'est aussi un roman avec des personnages qui évoluent
au fil des pages», confie l'auteur qui s'est fait éditer par
«La clef d'argent», maison spécialisée dans la
littérature fantastique.
Poétique et décalé.
«D'ailleurs, l'itinérance des personnages
est une constante », raconte celui qui a trouvé l'inspiration
sur les sentiers montagneux du Massif Central. «Je ne connaissais
pas la région, je suis parti à l'aventure avec ma Twingo
devenue un des personnages de l'ouvrage. Pour appréhender cette
nature intacte qui, bien plus qu'un décor, est elle aussi, tout
au long des pages, un personnage.
J'ai aimé cette ambiance abandonnée. J'ai
enregistré mes impressions sur un dictaphone, et au retour, j'ai
retranscrit ce qui allait devenir ma base d'écriture.»
Gilles confie volontiers qu'un des deux héros
est un avatar de lui, un écrivain raté qui part chercher
l'inspiration dans la France profonde, dans un mystérieux village
qui se déplace, lors de ce périple dans les entrailles de
la terre. Et son ton décalé ne laisse pas de place* à
une compassion affichée pour la condition humaine.
|
^ |
Epicure, juin 2009.
Peuchâtre et Gésirac,
contes fantastiques de Michel Rullier:
Est-ce le contexte «rural» de la plupart
de ces contes, ou les recours aux ogres, aux loups, à des formes
fantastiques déjà rencontrées, il y a longtemps, chez
Poe et Maupassant par exemple, mais rarement revus depuis -- ou alors pas
de cette manière? Toujours est-il que certains de ces contes nous
rappellent avec une heureuse nostalgie nos lectures enfantines et collégiennes
depuis longtemps enfuies. Mais attention: donner le frisson n'est pas à
la portée de tout le monde. Le style a ses exigences. Et puis, il
s'agit bien de contes: il faut donc un conteur, plus qu'un narrateur --
la nuance est d'importance. Michel Rullier en est un. il n'a pas oublié
que son lecteur a ses cinq sens. il réussit à les tenir en
éveil et offre une lecture presque tactile, odorante, pourvoyeuse
de sensations physiques et immersive: le lecteur EST là où
ça se passe, tenu en haleine comme un enfant -- encore -- lors de
la veillée d'antan, lorsque les anciens, assis au coin de l'âtre,
contaient les légendes locales au bruit du feu qui crépitait.
Enfin, on imagine... Foutue télé qui a tout gâché.
|
^ |
Atemporel.com, 19 mai 2009.
Malbosque, roman de Gilles
Bailly:
Étrange est l'adjectif qui convient le mieux à
ce premier livre de la collection FiKhThOn. Étrange d'une part parce
que le livre est quelque peu surréaliste, d'autre part parce qu'il
s'agit là d'un roman fantastique aux frontières de l'étrange.
Assez déroutant, il est quelque part dans l'esprit d'un certain
Douze
mètres cubes de littérature, de Roland
Fuentès.
À la différence près que Douze mètres
cubes de littérature est un recueil de nouvelles. Malbosque
est un roman! Et c'est là que Malbosque
en devient plus étrange encore, c'est qu'il peut se lire comme un
recueil de nouvelles. J'ai d'ailleurs par erreur commencé la lecture
de l'ouvrage en lisant des chapitres au hasard. Et en fait cela n'a pas
trop gêné la compréhension du texte et de la trame.
Comme des sauts dans l'espace, voire le temps, j'étais happé
par cet univers déroutant présenté par Gilles Bailly.
Un univers étrange et déroutant donc, pour une trame qui
l'est tout autant, mais pour un ensemble on ne peut plus fantastique et
cohérent. En espérant que le second titre de la collection
soit du même calibre.
|
^ |
Sueurs Froides, mai 2009.
Malbosque, roman de Gilles
Bailly:
«La pluie d'hommes! La pluie d'hommes! La pluie
d'hommes a repris!»
Les vaillantes éditions de La Clef d'Argent lancent
aujourd'hui une nouvelle collection de romans «étranges et
fantastiques, insolites et inclassables». Et bien, le moins que l'on
puisse dire est que le premier roman de Gilles Bailly, jusqu'à présent
connu pour des nouvelles publiées en revue, correspond vraiment
à cette définition. Malbosque,
qui ne plaira pas à tout le monde tant il est singulier (et ce n'est
évidemment pas son but), est un objet littéraire non identifié,
où l'on trouve un peu de tout: un «voyage au centre de la
terre», des références à Walt Disney, une armée
qui bombarde l'ennemi avec des corps humains, une voiture végétale,
un chien métamorphe nommé Tabouret, des soeurs siamoises
et des vampires, le tout dans une atmosphère surréaliste
qui évoque parfois l'immense Boris Vian. L'écriture, classique
quant à elle, sert efficacement le propos, même si ses choix
narratifs peuvent prêter parfois un peu à la confusion, dans
une histoire qui est elle-même plutôt compliquée. Une
chose est sûre, Malbosque est un roman
que l'on peut (vraiment) qualifier de bizarre, à l'univers riche
et pour le moins original.
|
^ |
Phénix-Web, 1er mai 2009.
Peuchâtre et Gésirac,
contes fantastiques de Michel Rullier:
Les amateurs de fantastique rural vont être gâtés:
voici un recueil de contes qui sent bon la terre, la campagne, les bêtes,
le Diable... L'auteur nous était déjà connu par le
récit titulaire, paru dans le Codex Atlanticus n°17. Récit
reprenant un vieux thème de contes, celui de l'ogre.
On y remarquera surtout un style fouillé, recherché,
travaillé à l'extrême, et qui se complaît dans
des descriptions somptueuses de phénomènes naturels tels
ici qu'une bourrasque en forêt. Dans la nouvelle initiale, L'Autre,
il s'agira d'un orage: «Alors, énorme, un roulement s'empara
de l'espace, voix de basse qui n'en finissait plus d'épandre son
courroux, grandiose bouleversement du ciel, de fond en comble, répercuté
jusqu'aux entrailles de la terre ébranlée, prête à
basculer». L'Autre est un gigantesque loup qui terrorise le pays.
Ces deux nouvelles, relativement longues, montrent l'auteur sous son meilleur
aspect, celui d'un conteur sculptant un décor splendide et sauvage
pour y inscrire le fil, parfois ténu, de son intrigue. Un autre
exemple est fourni par Le loup, touchante histoire d'un loup apprivoisé
qui s'échappera pour ne revenir qu'à la mort de son ancien
maître. Ces nouvelles se ressentent sans doute du pays saintongeois
cher à Rullier. Ce qui ne l'empêchera pas de situer son action
en Ecosse (Ceux qui règnent à Charn Hill, un peu lovecraftien),
en Afrique (Nekr) ou au Cambodge (Le parfum).
Quelques nouvelles, les plus courtes, sont de véritables
poèmes en prose: Le dieu ocre, Le cheval, Les assiettes (sorte de
voyage onirique), ou Birgit. Ce dernier texte, qui ne fait que six pages,
devrait être développé: je ne sais si Rullier a écrit
des romans, mais il devrait ou aurait du. La brièveté ne
lui sied pas trop, au point de rendre certains récits incompréhensibles
(Le château, La lionne). Un 'épilogue' mystérieux,
intitulé «In memoriam A.R.» émet quelques commentaires
sur chaque texte. Critique mitigée donc pour un styliste parfois
un peu laborieux, et dont plusieurs nouvelles semblent inabouties.
|
^ |
Peuchâtre et Gésirac,
contes fantastiques de Michel Rullier:
Au village de Carvejac, alors que la nuit est sur le
point de tomber, tous les habitants se calfeutrent chez eux, en attente...
De quoi? Le matin même, Augustin a retrouvé tous ses moutons
égorgés, sans que le chien ait donné de la voix. Pas
de doute, La Bête est revenue, celle qu'au Moyen-âge des seigneurs
chassaient déjà sans succès. Et qui, périodiquement,
refait surface. Ne reste plus qu'à un villageois intrépide
de se mettre sur sa piste... Intemporel, sis en Charente où l'auteur
a vécu, écrit d'une plume précieuse, précise
et colorée, ce texte, «L'Autre», pourrait très
bien être signé Maupassant. Il est en tout cas de ceux qui
vous font dire qu'un écrivain, un vrai, vient de montrer le bout
de son nez avec ce recueil de 19 textes, pour la plupart campagnards et
nocturnes, qui cherchant dans le folklore traditionnel le genre de récits
qui font frissonner de bonheur. Si certains ne sont guère que des
poèmes en prose, d'autres, comme celui qui donne son titre au volume
et brode sur l'innocence enfantine qui va s'égarer dans la maison
de l'Ogre, sont de magnifiques courts-métrages dont les images s'impriment
dans la rétine.
|
^ |
Yozone, 3 avril 2009.
Caviardages, recueil de
Timothée
Rey:
Sept nouvelles fantastiques avec chacune son ambiance,
son atmosphère et son idée, pour des petites merveilles de
style et de précision.
Timothée Rey n'a jusque là publié
que des textes courts mais dans de nombreuses revues comme "Géante
Rouge", "Fiction", "Monk", "Éclats de Rêves" ou dans des anthologies
comme «La Terre» chez Griffe d'Encre. Ce premier recueil de
sept nouvelles, dont certaines ont déjà été
publiées, permet de se faire une idée de son indéniable
talent.
Chacune de ces histoires étranges possède
son rythme et vous plonge dans son petit univers, celui d'un homme simple
face à l'incompréhensible, à l'étrange ou à
l'horreur. On passe d'une Italie rêvée à Prague, d'un
rassemblement d'amateurs de jazz sur la Côte d'Azur à une
salle d'étude dans une école, etc. Chaque lieu est minutieusement
décrit avec son décor, ses couleurs et ses odeurs, et le
lecteur est immédiatement en phase, en empathie avec le personnage.
Ces textes courts d'une quinzaine de pages sont remarquablement
efficaces et particulièrement bien écrits.
On referme ce petit livre en remerciant l'auteur de nous
avoir embarqué dans ses étranges promenades. Mais attention,
on est content de ne pas être le malheureux héros de ces horribles
aventures.
Il est à souhaiter que Timothée Rey soit
rapidement publié chez un grand éditeur... pour une longue
histoire. Un auteur à suivre.
Note de La Clef d'Argent: le recueil court
(Caviardages compte
110
pages) ne se pratique plus beaucoup de nos jours et on peut le regretter.
C'est une formule qui permet à peu de frais de familiariser le lecteur
avec un auteur et/ou de proposer un choix thématique de ses textes
courts, comme c'est le cas de Caviardages,
plus particulièrement centré sur les nouvelles fantastiques
de Timothée Rey. Précisons qu'il n'y a pas de rapport particulier
entre la longueur de ce recueil, fruit d'un choix délibéré
de l'auteur et de l'éditeur, et l'envergure de La Clef d'Argent,
structure associative relativement modeste, comme en témoignent
les 238 pages du volume suivant de la collection, Peuchâtre
et Gésirac. La Clef d'Argent ne saurait prétendre au
statut de «grand éditeur» en termes de diffusion ou
de chiffre d'affaire, mais Claude Seignolle nous faisait l'amitié
tout récemment, à la lecture de Peuchâtre
et Gésirac, de nous confier: «Ce dernier bébé
de votre petite famille d'écrivains vous fait entrer dans la cour
des grands producteurs de livres.»
|
^ |
Atemporel.com, 23 mars 2009.
Peuchâtre et Gésirac,
contes fantastiques de Michel Rullier:
Nouveauté à La Clef d'Argent avec le premier
recueil de nouvelles, fantastiques, signé Michel Rullier. Un certain
temps qu'elle dormaient dans un tiroir en attente d'un éditeur.
Un talent certain qui enchantera les amateurs de pur fantastique!
Près de vingt nouvelles tous plus fantastiques
les unes que les autres.
Une dominante rurale et même centrée sur
la Charente. Des thèmes différents, pour un ensemble véritablement
fantastique. Les puristes apprécieront lorsque le surnaturel et
l'étrange pénètrent la réalité. L'ensemble
est d'une très bonne tenue et le style vraiment agréable.
Des décennies à attendre que Michel Rullier soit édité.
Dommage. Il n'y avait peut-être que la Clef d'Argent pour nous proposer
ce recueil. Et c'est très bien, voilà une erreur fantastique
réparée. D'autant que comme toujours la mise en page et la
qualité de l'ouvrage sont encore au rendez-vous. C'est par ailleurs
l'auteur qui signe une très bonne préface associée
à une belle postface. Vingt nouvelles ou presque? Vingt nouvelles
et presque la certitude que vous trouverez une nouvelle qui vous convaincra
du fantastique talent de Michel Rullier! Une préférence en
ce qui me concerne pour Le château et Nekr ;-) A lire donc: original
et fantastique!
|
^ |
Sueurs Froides, 20 mars 2009.
Peuchâtre et Gésirac,
contes fantastiques de Michel Rullier:
Diable des villes, ogre des champs.
Peuchâtre et Gésirac
est un recueil de nouvelles dans l'esprit de Claude Seignolle (pour le
côté rural de nombre d'entre-elles) et de Gérard Prévot
ou Thomas Owen pour le style éminemment poétique de quelques
autres. Michel Rullier a écrit ces textes entre 1966 et 1972. Incroyablement
il a fallu attendre 2009 et La Clef d'Argent pour en tirer un recueil.
Et pourtant, l'ensemble aurait fait un fort bon Marabout à la glorieuse
époque de cette maison d'édition culte dans le domaine. Quel
meilleur compliment lui adresser? Rullier est un vrai écrivain,
au style constamment maîtrisé et élégant. Qu'est-ce
qui a empêché la publication de ces nouvelles auparavant?
Si Rullier n'avait été si pris par sa profession première,
nul doute, à lire «Ceux qui régnaient à Charn
Hill», qu'il aurait pû écrire de sacrés bons
Angoisse aussi: on dirait du grand B.R Bruss! Outre ce texte superbement
satanique, qui évoque même «The Wicker Man», citons
aussi les excellents «La nuit des chats» et «Le Diable»,
sans omettre la nouvelle-titre «Peuchâtre et Gésirac»,
une histoire d'ogresse agréablement cruelle. Michel Rullier mérite
qu'on l'encourage. Qui sait? peut-être a-t-il encore quelques petits
bijoux dans ses cartons ou d'autres histoires en tête, qui ne demanderaient
qu'à être couchées sur le papier?
|
^ |
Fiction n°9, mars 2009.
Caviardages, recueil de
Timothée
Rey:
[L]a tasse de thé [de Timothée Rey], c'est
un fantastique volontiers absurdiste, tendance Kafka mais sans oublier
l'humour de ce grand auteur. Et notre émule niçois de peaufiner
aux petits oignons des textes mi-grinçants mi-rigolards, avec une
plume d'une formidable maturité, un style robuste et travaillé,
tiens, une autre comparaison me vient: Roland Fuentès. J'ai bien
l'impression qu'avec Timothée Rey les genres de l'imaginaire ont
gagné un nouvel auteur, un vrai. Et puis, ce qui ne gâche
rien, qu 'il est mignon ce mince et petit volume: soigné, et servi
par une couverture abstraite de Sébastien Hayez, ces Caviardages
sont de la belle ouvrage.
|
^ |
Caviardages, recueil de
Timothée
Rey:
Né en 1967, Timothée Rey est professeur
de lettres dans un lycée. Il écrit depuis longtemps et ses
nouvelles sont parues dans diverses revues comme Codex
Atlanticus, Géante Rouge ou... Phénix.
Ce recueil, son premier, en reprend quatre et en ajoute
trois originales. La première, qui lui donne son titre, est basée
sur une idée fulgurante: effacer un mot du dictionnaire est effacer
le concept même qu'il représente. Ainsi, quand Gabriel tache
accidentellement un dictionnaire bizarre qu'il vient d'acquérir,
et supprime le mot 'fourchette', toute fourchette disparaît de son
monde, remplacée par un autre ustensile, la piquevrille. Fasciné
par le pouvoir de son livre, Gabriel va-t-il effacer les mots 'mort', 'guerre',
'souffrir'? Une perle fantastique en treize pages.
Rey est un auteur complet et touche à tous les
genres avec bonheur. L'humour par exemple, avec «On n'est jamais
trop prudent», ou l'histoire d'un homme archi-précis, qui
mesure le moindre instant de sa vie quotidienne à l'aune des risques
qu'il pourrait courir et s'entoure, dès lors, de rituels méticuleux.
Jusqu'au jour où... La poésie n'est pas absente de son univers
non plus, comme en témoigne «Reperdre Giulietta» qui
se déroule dans une Italie onirique dérivée directement
des toiles surréalistes de Giorgio de Chirico: superbe! Le fantastique
pur et dur, 'canonique' comme dirait Jacques Finné, reprend ses
droits dans «Quand ça part en brioche» qui voit l'alliance
de la pâtisserie et de la légende du golem, ou dans «Dans
la galette», assez horrible récit d'un fou de jazz pris dans
les rêts d'une secte aux relents lovecraftiens. Peu de dialogues,
une langue châtiée et des thèmes attachants et surprenants:
tout est réuni pour un recueil qui fera les délices des amateurs
de fantastique, gâtés ces temps-ci.
Après Le Passage de
Sylvie
Huguet, que j'ai si bien accueilli ici-mêmeil
y quelque temps, La Clef d'argent frappe fort, décidément.
|
^ |
Les Jardins de Klarkash-Ton,
essai de Philippe Gindre:
Un essai original sur les monstrueuses créations
florales de Clark Ashton Smith...
Co-fondateur avec Philippe Dougnier de la maison d'édition
la Clef d'argent, Philippe Gindre a publié un roman, une anthologie
et des novellas, parmi lesquelles Albandon*
ou L'Affaire Bellocq. On lui doit aussi
des traductions des oeuvres de l'écrivain californien Clark
Ashton Smith, dont Nostalgie de l'inconnu et
Le
mangeur de Hachisch. Né à la fin du 19ème, cet
auteur célébré par Lovecraft publia de nombreuses
nouvelles fantastiques à l'écriture singulière et
raffinée. Ainsi, dans son essai Les jardins
de Klarkash-ton, Philippe Gindre analyse l'esthétique végétale
de cet auteur qui avant d'être écrivain fut cueilleur de fruit,
bûcheron, gâcheur de ciment, jardinier et mineur......entrons
dans la serre littéraire de Smith...
Un univers foisonnant
Sont-ce les douces étendues gazonneuses et les
parterres proprets de la Californie qui ont inspiré à Smith
ses mystérieuses créatures florales? Non. Ses plantes aux
allures tantôt humaines ou animales sont tout sauf décoratives.
Encore mieux, elles ont une âme...et c'est dans des zones vertes
non identifiées, souvent géantes, que les personnages se
perdent, s'enivrent où s'enlisent, c'est selon. Au fil de compositions
vives et touffues comme un tableau du douanier rousseau, on plonge dans
un univers merveilleux où Alice aurait sans doute aimer se promener,
ou bien Blanche neige fuir, enlacée par quelques branches d'ébène.
Mais l'oeuvre de Smith, aux influences multiples, ne résonne pas
seulement avec les forêts des contes de fée. Pionnier de la
dark fantasy, baudelairien convaincu, son écriture riche et sophistiquée
délivre des visions hallucinantes évoquant aussi bien les
jungles musicales d'Alejo Carpentier, des femmes fleurs aux allures de
vamps décadentistes, les tableaux d'Arcimboldo ou bien encore les
jardins des récits licencieux du XVIIIème, ou les princesses
en déroute caressaient des fleurs cachant de vilains génies
libidineux...
Tumeurs végétales
Car sous ses atours parfumés et ses feuilles graciles,
la flore de Smith peut se révéler carnivore, vénéneuse
et tentaculaire. Ses tiges étranglent, ses pétales cachent
des immondices, son suc empoisonne, et surtout elle croît infiniment,
rampe, rampe comme une menace telle la débauche de chlorophylle
de la semence de Mars, qui se propage comme une gangrène, et dont
on ne voit ni le début ni la fin... Car c'est bien là le
secret de l'horreur végétale. L'étrangeté dans
la confusion des formes. L'abstraction à force de profusion. L'inconnu.
La peur.
Ainsi, grâce à de longues citations et des
analyses concises et accessibles, Philippe Gindre nous introduit dans le
coeur vert d'un auteur passionnant, et sans doute inconnu pour bien des
lecteurs. À noter dans la même collection, deux autres essais
portant sur le même univers: Les mondes perdus
de Clark-Ashton Smith, écrit par Jean
Marigny et Clark-Ashton Smith, poète en
prose, de Donald Sydney- Fryer.
|
^ |
Caviardages, recueil de
Timothée
Rey:
Premier recueil à lire d'un auteur prometteur!
Timothée Rey, auteur Niçois, enseignant
les lettres et l'histoire dans un lycée hôtelier, auto-édite
ses poèmes et a déjà fait paraître de nombreuses
nouvelles dans les revues Codex Atlanticus, Éclats
de Rêves, Géante Rouge, Monk, Fiction
ou L'Ours Polar. Bref il a déjà commencé à
se faire les dents et même si tout n'est pas parfait dans ce premier
recueil, on sent néanmoins tout le potentiel d'un grand auteur fantastique
à venir à qui il ne manque qu'un peu plus de perseverance
dans l'écriture pour nous emmener encore plus avec lui dans son
univers de folie. Car le fantastique de Monsieur Rey c'est un peu celui
du «Horla» de Maupassant, on se demande régulièrement
si ces personnages sont fous où s'ils leur arrivent vraiment quelque
chose de surnaturel. La nouvelle «On n'est jamais trop prudent»
est d'ailleurs un petit bijou du genre, vraiment très bien écrite,
dans le langage poétique caractéristique des aliénés
mais dont la chute, parfaite, nous fait douter, et si ceux de l'entre-deux
existaient réellement?
Un auteur au style poétique, talentueux et
inspiré.
La danse des mots débute avec la nouvelle qui
donne son titre au recueil, «Caviardages», où un lexigographe
découvre par hasard un dictionnaire aux facultés plus qu'étonnantes
sur les mots, mais sera-t-il à même de maîtriser le
pouvoir qui découle d'un tel ouvrage?
«Reperdre Guilietta» nous emmène dans
une version moderne de Romuald et de sa Morte amoureuse Clarimonde, de
Théophile Gautier. Ludovic, habitant de Paris, rêve toutes
les nuits qu'il perd et retrouve Guilieta dans les Italies, mais n'est-ce
bien qu'un rêve?
Le Golem maléfique de «Quand ça part
en brioche», jouera de son apparente inoffensivité pour faire
regretter à un boulanger pragois son incapacité à
se débarraser des ses restes de préparations patissieres.
Les deux jumelles énigmatiques de «L'Étude
du soir» joueront sur les nerfs de leur professeur attentif, tandis
que «Dans la galette» invite l'amateur de jazz à une
écoute vraiment surprenante de Duke Ellington.
La nouvelle «Chambre D'écho» clos
le recueil sur une note troublante et laisse le lecteur s'interroger une
fois de plus sur la santé d'esprit de sonnarrateur.
Les sept textes présentés dans ce livre
procurent donc un réel plaisir de lecture, le rythme monte crescendo
dans chacune d'elle et les sensations de doute et de peur attendues sont
bien là.
Le seul petit reproche que l'on pourrait faire serait
sur les chutes de certaines qui peuvent parfois paraître un peu obscures
et laisser le lecteur légèrement sur sa faim. Mais comme
l'on devient forgeron en forgeant, l'on devient écrivain en écrivant,
alors on attend avec impatiente d'autres nouvelles de cet auteur, qui a
coup sûr nous promet de bien belles surprises fantastiques à
l'avenir!
|
^ |
Caviardages, recueil de
Timothée
Rey: Caviardages est un premier recueil
de nouvelles fantastiques de l'écrivain Timothée
Rey, bien connu des participants aux repas S.F niçois. Ce mignon
petit livre, publié à La Clef d'Argent, contient 7 textes
dont 3 inédits. Globalement c'est un régal qui aurait pû,
par ses qualités d'écriture et la force de son imaginaire,
être publié chez Marabout à la grande époque
de Thomas Owen.
«Caviardages», la nouvelle-titre, narre la
découverte d'un dictionnaire maléfique (?) où il suffit
d'effacer un mot pour plonger dans le néant l'objet réel
qu'il définit. Evidemment, ce petit jeu finira mal... Citons brièvement
la romantique «Reperdre Giulietta» pour apprécier la
délirante «On n'est jamais trop prudent», avec son héros
plein de T.O.C et rituels à même de conjurer le mauvais sort.
Une magnifique plongée dans une folie quotidienne. À moins
que...? Comment ne pas s'entousiasmer, enfin, pour la revisitation du mythe
du golem de «Quand ça part en brioche». Un texte qui
plaira aussi aux fans des Gingerdead Man de la Full Moon (malgré
un style bien différent on s'en doute!). Caviardages
est idéal pour qui aime un fantastique subtil mais imaginatif. Et
l'auteur mérite qu'on garde un oeil sur lui.
Le saviez-vous? Vous pouvez commander tous nos titres disponibles sur notre page Catalogue. |