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Cette page contient notre dossier de presse pour l'année 2010. Dossier de presse de l'année: 1987, 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, 2022, 2023, 2024. |
Elegy n°66, 17
décembre 2010.
Sex, drugs & Rock'n'Dole, recueil de Jean-Pierre Favard.
Il est toujours hasardeux d'écrire une histoire basée dans sa totalité (ou presque) sur un concert de rock, et sur la magie trouble, par nature liée à ce type de manifestation. Si certains y parviennent avec panache (on pense à Mélanie Fazi, dans nombre de ses nouvelles, ou à l'extraordinaire GiG de James Lovegrove) on ne compte pas le nombre de tentatives qui tombent vite à plat. Ce n'est ici heureusement pas le cas, bien au contraire! Sex, Drugs & Rock'n'Dole, court et fascinant petit roman, est un véritable hommage à la musique... eh bien, du Diable, forcément! Vous vouliez savoir pourquoi tant d'icônes du rock se sont si prématurément éteintes? Venez donc faire un tour à ce concert-là, à Dole dans le Jura! Une égérie de la scène goth rock, au zénith de sa gloire, met en pratique les secrets d'un bien étrange grimoire pour offrir aux spectateurs -- et à nous lecteurs -- une véritable nuit de Sabbat. L'auteur alterne les points de vue d'une poignée de personnages hauts en couleur pris dans le même tourbillon, en crescendo vers un final un peu trop prévisible mais qui n'atténue en rien le plaisir de cette lecture... littéraire en diable!Voix du Jura, décembre
2010.
Sex, drugs & Rock'n'Dole, recueil de Jean-Pierre Favard.
Edie, est une chanteuse à la mode. Toutes les télévisions se l'arrachent. Elle est la nouvelle star de la scène gothique française. Elle a tout pour se sentir bien dans sa vie. Seulement, en devenant une star, elle a oublié qui elle était vraiment, d'où elle venait. Au cours d'un concert mémorable à la Commanderie de Dole, la jeu ne chanteuse disparaît... Les spectateurs ont de cette soirée des souvenirs extrêmement bizarres. Mais qu'est devenue Edie. S'agit-il d'une disparition volontaire? D'un rapt? D'une manipulation? Jean-Pierre Favard dresse un portrait sans concession de la condition de star et des nombreux fans qui les entourent en dressant avec malice des portraits saisissants de vérités. Ce livre a fait l'objet d'un tirage de tête limité à 50 exemplaires. Présenté sous coffret, chaque exemplaire est accompagné d'objets tirés du roman. Un beau cadeau pour les amateurs de littérature de l'imaginaire.
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Psychovision.net,
novembre 2010.
Sex, drugs & Rock'n'Dole, recueil de Jean-Pierre Favard.
Tant qu'il y aura du rock'n roll, il y aura de
la vie! Et quand en plus le rock s'invite dans la littérature
fantastique ça me plait. Sauf que d'habitude c'est de l'autre
côté de l'atlantique que l'on s'amuse à ce genre de
télescopage. La France n'est pas un pays rock'n roll ? Et bien
si! On peut même placer un concert rock en plein coeur du Jura,
avec des cas de possession, des démons, des sortilèges et
tout un tas d'autres trucs absolument géniaux! En tout cas Jean
Pierre Favard l'a fait!
Le livre commence par une citation d'un
homme que j'admire au plus haut point: Montague Summer. Ce
démonologue émérite à fait graver sur sa
tombe: "Racontez-moi des choses étranges". Et c'est ce que je
demande à tous les auteurs quand j'ouvre un livre et c'est ce
qu'à réussi à faire Jean Pierre Favard. Alors son
histoire n'est peut être pas la plus originale qui soit mais elle
a eu au moins le mérite de me surprendre malgré tout:
Edie est une chanteuse célèbre, une icône pour la
scène gothique rock. Elle est en pleine tournée et elle
donne un concert à Dole dans le jura. Mais en plus de la
musique, en plus du succès, la jeune femme à envie
d'autres expériences. Envie peut-être d'aller toujours
plus loin. Alors quand elle reçoit ce vieux grimoire, elle est
prête à tout pour expérimenter de nouveaux
horizons. Mais cette fois ci elle est allée trop loin et suite
à ce concert à Dole qui deviendra mémorable, la
jeune femme disparaît. Nous allons suivre alors plusieurs
tranches de vie, plusieurs personnages tous différents qui ont
tous une façon bien particulière de gérer la
disparition de la jeune fille... Je ne peux pas vous en dire plus, il
faut garder le mystère. Bon, il faut le reconnaître, il y
a quand même un petit goût de déjà vu dans ce
livre et le mystère est vite éventé. Mais
pourtant, ce court roman est un vrai régale de lecture. Pour
plusieurs raisons...
La première c'est qu'ouvertement
Jean-Pierre Favard cite par exemple Poppy Z Brite, donc une certaine
idée du roman américain, mais sans jamais perdre sa
"nationalité" française. Ce qui au final crée un
décalage absolument épatant. La même histoire
portée à la Nouvelle Orléans aurait
été d'une nullité affligeante. Mais là, en
écrivant et en déclarant son amour à la ville de
Dole, ça crée véritablement quelque chose
d'étrange, de plus proche de nous aussi, de
décalé, et c'est génial!
La seconde grosse
qualité de cet auteur, c'est que l'on sent que l'écriture
de Jean Pierre Favard est complètement
décomplexée. J'imagine l'auteur devant son PC, se disant:
je vais écrire un "truc" qui me plait et tant pis pour le reste!
Le maître mot c'est plaisir! Se faire plaisir et du coup
ça fait plaisir au lecteur. C'est une alchimie rare et ça
donne un excellent roman, qui se lit rapidement, simplement, et avec le
plus grand des bonheurs! Tant pis si ce n'est pas à la mode,
tant pis si ce n'est pas le "truc" le plus original, tant pis si ca ne
plait pas à tout le monde. C'est aussi ce qui fait la grande
qualité de ce roman et c'est bien sûr ce qui m'a plu.
Alors je vous mentirais en vous disant que cette oeuvre est la plus
originale qui soit! Non, bien au contraire on avance en territoire
connu, avec des possessions, de la musique rock, une sombre histoire de
démons mais c'est aussi ce qui fait que l'oeuvre devient
intéressante à lire et surtout que c'est un
véritable plaisir. C'est un régale à lire comme on
prend plaisir à regarder une véritable série B.
Jean Pierre Favard assume ses références, s'en amuse et
nous entraîne au final dans une aventure qui devient surprenante!
J'ai personnellement trouvé ça stupéfiant.
Et puis il y a de la folie, du courage et de la vie dans ce qu'il
écrit avec des personnages proches de nous, des cadres qui
pètent les plombs, des petites frappes qui sont dans les mauvais
coups, des jeunes filles un peu perdues, des idoles qui n'ont aucune
raison de l'être et surtout le rock vu de derrière la
scène... Et oui, tant de choses en un si petit roman que
ça en devient fabuleux! Une bien belle histoire de sexe, de
drogue et de Dole!
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ActuSF, novembre 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
Pour le second titre dont je voudrai parler, nous
allons
quitter des territoires plutôt dédiés à la space
fantasy chère aux Edgar Rice Burroughs de John Carter ou au Cycle
de Mars de Leigh Brackett pour revenir vers la matière elfique avec
la publication chez le petit éditeur La Clef d'Argent d'un court
roman de Sylvie Huguet, Le dernier roi des elfes. Adoptant la
thématique
du texte dans le texte, Sylvie Huguet, qui a déjà publié
plus dune centaine de nouvelles dans des revues telles que Nouvelle
Donne,
Solaris, Brèves, le Codex Atlanticus, etc..., nous propose une histoire
venue du futur qui atteste l'existence des elfes et en donne pour
preuve
la reproduction d'un manuscrit accompagné des notes de son découvreur,
l'archéologue Sandwell. Ce récit raconte l'aventure de Lindyll,
un enfant humain recueilli par Ilgaël, roi d'lmoor, et dernier
souverain
des elfes à un époque où les armées humaines
conduites par le roi Louis repoussaient toujours un peu plus loin les
frontières
du domaine des elfes, abattant les arbres de leurs forêts, tuant
les loups leurs alliés, s'emparant de l'ivoire des licornes et
réduisant
les trolls à l'impuissance. Mais avant que les racines de l'arbre
d'Yggdrasil soient à jamais chassées des terres des hommes,
il y eut ces dernières batailles où s'illustra Lindyll, l'homme
elfe, s'efforçant de convaincre sa race d'origine de conclure une
paix juste avec le peuple des forêts. Mais son entreprise était
vouée à l'échec car les hommes avaient décidé
d'exterminer les elfes car leur Dieu leur avait promis le monde et ils
devaient faire périr ces démons par le fer ou par le feu.
Dés lors la torture fut sa seule récompense.
Prolongement d'une nouvelle, L'anneau d'Ilthiar,
publiée
en 2001 dans le numéro 50 de la revue Chimères de Josiane
Kieffer, ce court roman aurait pu s'intituler Le crépuscule des
elfes, tant il baigne dans une oppressante ambiance fin de règne
rendue encore plus pesante par l'intimité des rapports père-fils
et par la surenchère dont doit faire preuve Lindyll afin de prouver
sa loyauté à son peuple d'adoption, prouvant une fois de
plus tout le talent de Sylvie Huguet à décrire dans un style
admirablement ciselé où chaque mot compte les noirs méandres
de l'âme, humaine, ou elfique, comme elle a su si bien le faire dans
son recueil La vraie nature du croquemitaine publié conjointement
par Le bruit des autres et Encres vagabondes en 2009. Rédigée
dans une écriture volontairement travaillée et empreinte
d'une profonde mélancolie cette histoire toute en noirceur nous
rappelle parfois certains passages des Chroniques des elfes de
Jean-Louis
Fetjaine, tout en entretenant un certain parallèle avec l'extermination
des indiens d'Amérique du Nord (mise en avant de la fécondité
des humains par les roi des elfes, plus on en tue et plus il en
arrive).
Mais il a également le mérite de sortir le peuple de la forêt
de l'image assez mièvre où il est parfois cantonné,
rappelant qu'il peut faire preuve d'autant de cruauté que son
adversaire
qui, l'Histoire humaine l'atteste, n'est pas en reste dans ce domaine.
C'est donc un petit livre qui s'inscrit parfaitement dans le cadre de
la
collection KhRhonyk destinée à accueillir les Chroniques
merveilleuses et terrifiantes de royaumes de l'imaginaire et dont la
lecture
conviendra parfaitement à tous ceux qui hésitent à
se lancer dans les gros pavés où les cycles à rallonge
lots communs de la Fantasy contemporaine.
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Freaksn°5, 30 octobre 2010.
Sex, drugs & Rock'n'Dole, recueil de Jean-Pierre Favard.
Edie, une chanteuse sensuelle et charismatique, à
la fois glam, goth et punk, marche dignement sur les traces de Jim
Morrison,
Jimi Henrix, Janis Joplin et Stiv Bators. Un soir électrique, elle
décide de disparaître au sommet de sa gloire pendant son dernier
concert donné à la «Commanderie», à Dole.
Elle a tout prévu, son dernier show sera unique, orgiaque et surtout
mystérieux, même ses musiciens ignorent ce qui se trame en
coulisses... Ce soir la devise «Sex, Drugs and Rock'n'Roll»
prendra tout son sens, ce sera une véritable hystérie collective,
un déchaînement de forces obscures et dionysiaques qui marquera
l'histoire du rock, son public et la destiné de certains de ses
fans à jamais...
Après sa trilogie alchimique, «La seconde
mort de Camille Millien» et plusieurs nouvelles publiées de-ci
de là, Jean-Pierre Favard revient en force avec ce cinquième
roman très prometteur édité par «La Clef d'Argent»,
maison d'édition indépendante qui n'a pas fini de faire parler
d'elle notamment avec ce titre: «Sex, drugs & Rock'n'Dole».
Celui-ci devrait ravir les amateurs de rock (au sens large), de
sorcellerie
et d'intrigue rondement menée. C'est un roman palpitant d'un bout
à l'autre, vous n'aurez qu'à vous laisser porter par la prose
fluide de l'auteur qui égratigne au passage ses personnages,
l'industrie
du disque et les média avec un humour corrosif. Ce polar où
se mêlent fantastique, satanisme et ésotérisme devrait
donner à certains l'envie de ressortir leurs vieux albums de rock
70's et les blousons de cuir. Un pur moment de Rock'n'Roll!!!
N.D.L.R.: Notons que la suberbe couverture du roman et
les produits dérivés disponibles dans le coffret de l'édition
limitée sont signés Senyphine. Nous ne pouvions donc pas
manquer cette deuxième collaboration entre nos deux artistes rencontrés
à l'occasion de notre numéro 1 qui tombe pile poil pour fêter
nos un an... Un très beau cadeau en somme...
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Freaksn°5, 30 octobre 2010.
Les poumons du Diable, recueil de Fernando Goncalvès-Félix.
C'est la première fois que nous faisons une chronique sur un recueil de poèmes dans nos pages et pour cause, Fernando Goncalvès-Félix nous a littéralement bluffés, n'ayons pas peur des mots! «Mes os», «Le corbeau», «L'obsession», «Une vérité de la nuit» autant de poèmes offerts comme des fleurs du mal qui ravivent nos maux quotidiens. Comme il le dit lui-même dans sa rapide biographie, une enfance heureuse ne l'a pas empêché obsédé par des univers monstrueux et surréalistes, d'être hanté par des visions cauchemardesques qu'il s'évertue à retranscrire non sans humour (voir «Petit à petit») pour notre plus grand plaisir de mortel. Sa prose sombre, à la fois violente et dérangeante (le poème «Tue» pour ne citer que lui), souvent intime et sensible («La roue de l'infortune»), accompagnée de ses illustrations torturées, nous plongent d'emblée dans les méandres de cet univers macabre qui fonde sa démarche artistique. Fernando, avec des textes courts, provocants et souvent lourds de sens, redonne avec un certain cynisme ses lettres de noblesse à la poésie la plus noire...
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Sueurs Froides, 14 octobre 2010.
Sex, drugs & Rock'n'Dole, roman de Jean-Pierre Favard.
À lire SEX, DRUGS & ROCK'N'DOLE, on pense
souvent
à la CORALIE TRINH THI de BETTY MONDE pour toute la première
partie (le concert de rock gothique qui tourne mal, le personnage
torturé
de la chanteuse Edie qui évoque immanquablement Betty). Une auteure
à l'étonnante carrière, appréciée de
SUEURS FROIDES, puisqu'elle a aussi co-réalisé BAISE-MOI.
On peut aussi songer à quelques pages de SIRE CEDRIC (le concert
de MOONSPELL dans DE FIEVRE ET DE SANG).
L'univers gothique est intimement lié au fantastique
et au macabre, comme celui, plus largement, du rock. Pas étonnant
donc de découvrir ici une nouvelle histoire de pacte avec le diable,
un classique du genre depuis le mythe de FAUST. Bien exploité, comme
c'est le cas ici, le gothique est bourré de potentiel pour donner
naissance à une fiction séduisante (on est loin d'une série
Z juste sympa comme GOTHIC VAMPIRES FROM HELL!). On peut même parler
d'un réel pouvoir de fascination.
JEAN-PIERRE FAVARD semble bien connaître le monde
musical qu'il décrit. En tout cas, l'ambiance du concert (qui vire
à la partouze ponctuée d'actes violents!) est fort bien rendue
à travers une intéressante structure éclatée
qui donne au lecteur le point de vue des différents personnages
que l'on retrouve tout au long de cet attachant petit roman. L'idée
de situer l'action à Dole est excellente aussi (avec le passage
obligé par L'INSTITUT D'ETHNOCOSMOLOGIE APPLIQUEE, bien connu des
fidèles de LA CLEF D'ARGENT).
Rock n'roll oblige, ARMAGEDDON RAG, roman culte de
GEORGE
R. R. MARTIN n'est pas loin non plus. On retiendra aussi une
intéressante
hypothèse sur la mort prématurée de nombreuses stars
du rock.
Alors, le rock, musique du diable?
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Sueurs Froides, 14 octobre 2010.
Sentences létales, recueil de Nihil Messtavic.
«La vie oscille comme un pendule, de la souffrance
à l'ennui» Un bien bel aphorisme ténébreux du
philosophe allemand SCHOPENHAUER, cité par FREDERIC FAJARDIE dans
l'un de ses polars géniaux.
Une noirceur, un pessimisme, et un sens de la formule
définitive, que l'on retrouve dans une bonne part des aphorismes
de NIHIL MESSTAVIC, dont la CLEF D'ARGENT nous délivre aujourd'hui
un second recueil.
Humour noir, misanthropie, dégoût de la
vie, vision négative de tout ce qui est... Par moments, MESSTAVIC
évoque aussi le LOVECRAFT le plus dark.
Paradoxalement, on prend un plaisir (sadique?) à
lire ces vérités (qui ne sont pas LA vérité)
souvent remarquablement exprimées, d'une plume élégante
et maîtrisée. Très clairement, on peut les apprécier
pleinement sans pour autant les partager entièrement. NIHIL MESSTAVIC
est-il (était-il?) aussi pessimiste et nihiliste que ses propos
semblent l'affirmer, ou n'est-ce là qu'un jeu, une pause de poète
maudit assurément fasciné par une vision terriblement sombre
de l'existence?
Peu importe. Ce qui compte réside dans l'intérêt
intellectuel de ces SENTENCES LETALES, souvent subtiles, qui laissent
rarement
indifférent. Sans aller jusqu'à conseiller la lecture de
ce petit ouvrage à un suicidaire ou à un dépressif,
on se doute qu'il séduira en tout cas tous les amoureux des ténèbres,
gothiques ou, tout simplement, hommes de goût. Bon ou mauvais, c'est
une autre histoire.
« La vie est une perte de temps précédant
la mort."
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Psychovision.net, 21 septembre 2010.
Le jardin des délices, roman d'Éric Cerle.
Qui parle? Qui dort? Qui est mort? Qui est dans le
coma?
Je ne sais pas. Qu'ai-je lu? J'en sais rien non plus. D'ailleurs je
n'ai
pas lu, j'ai hurlé des mots. Des mots durs, beaux parfois, violents
aussi, étranges, poétiques très certainement. Ce n'est
pas un récit, c'est autre chose... Une littérature inclassable,
troublante comme seule la clef d'argent sait nous en offrir!
Bon, alors comment vous dire de quoi parle ce livre,
comment vous dire ce que c'est? Difficile, voir impossible. "Le jardin
des délices" en soi n'a pas d'histoire, il ne nous raconte rien
si ce n'est mille choses. On avance dans une ville, on avance dans un
tableau,
un Jérôme Bosch bien sûr, on y croise des chimères,
des personnages étranges, inquiétants, troublants. A Eric
Cerle d'en profiter pour assener ses vérités aux racistes,
aux bien pensants... Le livre est comme un long dialogue, un cri qui
m'a
personnellement déchiré, ému, effrayé juste
par la beauté de ses mots, par la force de ses images inquiétantes,
par cette pérégrination dans cette ville, dans ce monde entre
réel et sombre ailleurs.
"Le Jardin des délices" est avant tout une sorte
de poème en prose, une promenade littéraire touchante qui
rompt avec ce que l'on a l'habitude de lire, loin des carcans dans
lesquels
on a tendance à s'enfermer parfois. Pour lire ce livre il faut oublier
le reste. Pour lire cet étrange et précieux roman, il faut
tout oublier! Comme je le disais en préambule, je n'ai pas lu "Le
Jardin des délices", je l'ai hurlé! Je sais que j'y retournerai,
je sais que j'y repenserai... Je sais que je suis passé à
côté de certaines choses et que je n'en aurai jamais vraiment
fait le tour.
Il m'est difficile d'en dire plus sur cet étrange
livre. En effet, "Le Jardin des délices" n'a pas un début,
un milieu une fin, il n'a pas un héros prêt à sauver
le monde et une jolie héroïne qui pleure avant de le retrouver.
"Le Jardin des délices" se sont avant tous des mots, des vérités,
quelque chose d'autre, d'étrange aussi, de troublant surement, une
lecture qui se mérite, qui se réfléchit, qui peut
faire mal et vous changer. Bref, on n'est pas face à un livre banal,
commun, on n'est pas dans une littérature facile, les mots d'Eric
Cerle résonnent longtemps en nous et même le livre refermé
ils sont encore là... Oui, il faut le digérer et oui assurément
"Le Jardin des Délices" n'est pas une chose simple, mais ce qui
est évident c'est que sa poésie est formidablement belle
et au final très proche de nous. Voici donc à travers le
prisme d'un certain fantastique un regard très contemporain sur
le monde qui nous entoure.
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Sueurs Froides, 13 août 2010.
On pourrait les croire sorties du BOUDOIR DES
GORGONES
ou du PETIT MUSEE DES HORREURS (coll. BOUQUINS), ces incroyables
nouvelles
pleines d'élégance, qui peuplent une partie des pages du
CODEX ATLANTICUS N°19. Des récits d'horreur old school et pourtant
originaux comme les excellents COMMEDIA (TIMOTHEE REY) ou LA COLLECTION
PRESCOTT (JEAN-PIERRE FAVARD) ont ce charme suranné, cette beauté
du verbe, et cette force aussi, qu'on trouve dans les oeuvres
fantastiques
du 19ème siècle ou du début vingtième. Il en
va de même pour MA PRISON DE CHAIR (même titre qu'un DOMINIQUE
ARLY!) ou des DUNES DIAGRAMMES, respectivement signés NIHIL MESSTAVIC
(auteur bien mystérieux!) et THOMAS DESBRIERES. On sait combien
LA CLEF D'ARGENT aime ce fantastique d'un autre temps, qui fait
pourtant
encore travailler notre imagination et peut même inquiéter,
angoisser ou effrayer!
Le plus amusant est que ces nouvelles sont nées
de la plume d'écrivains contemporains, bien décidés
à rivaliser avec les plus grands auteurs fantastiques qui les ont
précédés de, maintenant, deux siècles.
Il est donc question, tour à tour, d'assister
à une Commedia dell'Arte (COMMEDIA) ou de visiter un cabinet des
curiosités (COLLECTION PRESCOTT), deux spectacles dont l'infortuné
héros pourrait bien devenir le dindon de la farce. On lira aussi
le récit poignant d'un homme qui perd progressivement l'usage de
ses sens (MA PRISON DE CHAIR) et l'on tentera vainement de percer le
mystère
des DUNES DIGRAMMES (dont le sujet pourrait donner lieu à un MARTIN
MYSTERE!).
Au rayon horreur contemporaine, jamais négligée
par LA CLEF D'ARGENT, on suivra avec intérêt la déchéance
d'une insomniaque mal conseillée par son médecin (L'INSOMNIEUSE
de SYLVIE HUGUET) avant de trembler avec les victimes sacrificielles
d'un
très bon FAUX FRERE qui permet à AMELITH DESLANDES de signer
une sorte de SAW sans sadisme gore mais d'une réelle cruauté.
Sur les douze textes du recueil annuel de PHILIPPE
GINDRE
(qui joue une nouvelle fois la carte de l'humour pour un vibrant
hommage
au passé des enquêteurs métapsychiques COOLTER et QUINCAMPOIX),
retenons aussi le golem de LA SUORA AFRICANA de GILLES BAILLY. Un thème
nettement moins utilisé, en littérature comme au cinéma,
que le vampire ou le loup-garou, et qui en conserve justement une
fraîcheur
assez unique.
Le CODEX ATLANTICUS 2010 fait passer, on l'aura
compris,
bien plus qu'un bon moment pour qui aime la nouvelle de qualité,
sur le fond comme sur la forme.
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Sueurs Froides, 10 août 2010.
Satanachias, recueil de Christophe Lartas.
« L'espèce humaine pullulait (...) sur la
Terre ainsi que des mouches bleues sur de la viande avariée... »
(P.25)
SATANACHIAS est un recueil de 4 novellas signées
CHRISTOPHE LARTAS, déjà connu des fidèles de LA CLEF
D'ARGENT pour SATURNE (même collection : NoKhThys).
On pense à LOVECRAFT à la lecture de ce
petit livre, pour le style (toutes ces phrases très longues mais
souvent d'une poésie ténébreuse) comme pour l'inspiration.
Tour à tour le LOVECRAFT qui imitait avec talent LORD DUNSANY
(MARSSYGNAC)
mais surtout le LOVECRAFT misanthrope, plein de haine à l'égard
de l'humanité et de la société actuelle.
CHRISTOPHE LARTAS s'est littéralement déchaîné
dans la description d'un monde en pleine déliquescence, en proie
à la pollution et à toutes les perversités. MEGALOPOLIS
est un formidable tableau de notre monde, à peine phantasmé,
tel qu'il sera ou tel qu'il est peut-être déjà. Un
monde qui ne peut qu'agoniser, bouffi de crasse et de pourriture. Un
royaume
du Mal où des Grands Anciens tout droit sortis du Mythe de CTHULHU
ne peuvent que régner.
SATANACHIAS, qui ouvre le recueil, narre la quête
d'un homme à la recherche du diable, pas aussi mauvais qu'on le
dit, puis de Dieu. Un dieu maléfique qui a l'apparence d'une mygale
mutante et monstrueuse.
« Ainsi c'est toi qui a créé cette
saleté d'Univers! cette saleté d'espèce humaine! Toi
qui a créé la vie et la mort - et l'immonde toute puissance
de la vie et du Mal! » (P.24)
CHRISTOPHE LARTAS propose une vision de la divinité
audacieuse, négative, d'une extrême noirceur. Une vision que
n'aurait pas reniée LOVECRAFT.
LARTAS, l'écrivain, semble haïr la décadence
d'une humanité répugnante, vouée à sa propre
perte. Ses mots sont souvent d'une grande force pour dépeindre un
monde pourri de l'intérieur, pour lequel il n'est d'autre destin
que la fin absolue, l'apocalypse la plus terrifiante.
LE CYCLE décrit magistralement cette fin du monde,
une révolte de la nature comme on en a rarement vu, profondément
horrifique. Les textes très denses de LARTAS ont plus de puissance
que bien des romans sur le même thème pourraient en rêver.
« Nos yeux coulaient hors de nos orbites comme
des oeufs crus, nos dents giclaient hors de nos gencives comme des
grains
de pop-corn. Les nuages se liquéfiaient sur nos crânes tels
des ruisseaux de pus... » (P. 31)
SATANACHIAS, ou l'enfer sur terre. Un enfer créé
par l'homme.
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Yozone, 8 août 2010.
«Codex Atlanticus» n'a pas d'éditorial,
mais Philippe Gindre nous narre en conclusion une aventure de Coolter
et
Quincampoix, se passant dans une quincaillerie. Sur fond de nostalgie
et
avec la manière, "Rétrolfaction" enfonce bien le clou sur
le problème de mise en librairie d'une anthologie telle que celle-ci.
À cause des étagères surchargées par la pléthore
de publications de certains éditeurs, «Codex Atlanticus»
peine à toucher un plus vaste public.
Ce qui est vraiment dommage au vu de certaines
excellentes
nouvelles au sommaire de ce numéro 19...
Toutefois, reconnaissons que le démarrage est
un peu poussif.
Gilles Bailly («Malbosque») plante bien le
décor et, alors que l'on pense que l'histoire va décoller,
la fin tombe comme un couperet. L'auteur n'est pas allé jusqu'au
bout ou a insuffisamment exposé son idée, pour que le lecteur
adhère à "La suora africana". Dommage...
Anne Morin nous décrit sur quatre pages "La maison
dans le bois". Si l'on enlève l'atmosphère se dégageant
de ces lignes, il ne reste plus rien. Sans grand intérêt.
"L'insomnieuse" de Sylvie Huguet («Le Passage»,
«Le Dernier Roi des Elfes») ne relève guère du
fantastique. Une femme cherche à se passer des somnifères
prescrits par son mari médecin. Pour ce faire, elle voit un soi-disant
docteur et freine tout simplement le nombre de cachets, jusqu'à
l'arrêt. Bien sûr, cela ne va pas sans mal. L'ensemble est
prévisible et, comme avant, n'apporte rien à l'anthologie.
"Transformation" d'Arthur Z. Balogh s'avère d'un
autre acabit. Tout le monde s'interroge sur l'après-vie. Qu'y a-t-il
donc après? L'auteur nous donne sa version, bien tournée
et non dénuée de poésie.
Dans "Commedia" de Timothée Rey, un ingénieur
de Paris descend dans un petit village de province pour la réfection
d'un pont. Le soir, il assiste à un curieux spectacle.
La réputation de Timothée Rey («Caviardages»)
n'est plus à faire et il nous prouve ici son talent. Il mène
parfaitement son récit ancré au début du XXe siècle.
De facture classique, mais impeccable tant au niveau du rendu que de la
conclusion.
Jean-Pierre Favard lui donne parfaitement la réplique
avec "La collection Prescott". Il se dégage les mêmes points
forts que ci-dessus. Même si l'on se doute de son terme, ce dîner
d'un jeune homme chez une famille prestigieuse du début XXe est
tout aussi intéressant.
"Barnum chrysanthème" est tout aussi dispensable
que les deux précédentes contributions de Denis Moiriat au
«Codex Atlanticus». Moins d'une heure après lecture,
j'en avais déjà oublié le sujet. L'art de la short
story est plus compliqué que ce que semble croire l'auteur.
"Les Dunes diagrammes" de Thomas Desbrières ressemble
à un traité de science. Que signifie la complexité
de la disposition des dunes dans une partie du désert? Texte étonnant,
n'ayant à mon sens pas sa place dans une revue de fantastique, mais
que Philippe Gindre a bien fait de nous présenter. Il plaira ou
non, mais on ne peut lui dénier de la recherche et une certaine
érudition. Une surprise agréable!
À travers "La vie du maudit" et un article de
François Migeot, ce numéro nous présente l'écrivain
vénézuélien José Antonio Ramos Sucre (1890-1930).
"La vie du maudit" relève du fantastique morbide, la forme est
recherchée
et le lecteur curieux éprouvera l'envie d'en découvrir plus
sur Ramos Sucre.
Cette ouverture sur des écrivains plus ou moins
tombés dans l'oubli est justement une des forces de cette anthologie.
Nihil Messtavic intrigue. Qui est-il vraiment? La
présentation
ne nous éclaire pas beaucoup et on pourrait presque croire à
un canular. Pourtant, "Ma prison de chair" s'avère une belle pépite.
Le personnage perd peu à peu ses sens et subit impuissant son calvaire,
qu'une expérience lui permet de signaler. Fait froid dans le dos
quant à ses implications.
Amelith Deslandes («Chair et Tendre») ancre
"Faux Frère" dans notre quotidien. Des gens enlevés, un juge
disparu, une grande demeure lugubre... autant d'ingrédients pour
une incontestable réussite. L'auteur a l'art de dérouler
son intrigue sur presque trente pages, nous tenant en haleine sur le
sort
des personnages. Ce n'est qu'à la fin que les différentes
trames se rejoignent. Pour le pire, bien sûr!
Voilà donc un très bon numéro du
«Codex Atlanticus», dont les deux tiers des textes sont de
très belle facture, soit plus des trois quarts en terme de pages.
Certains ne s'oublieront pas de sitôt et serviront dans le futur
de références.
Au passage, remarquons que, pour le même prix,
«Codex Atlanticus» a une tendance à l'embonpoint (80
pages pour le numéro 17, 102 pour le 18 et 120 pour celui-ci) et
que cela lui va très bien.
«Codex Atlanticus» représente un rendez-vous
annuel incontournable pour les amateurs de fantastique. Messieurs les
libraires,
il serait bon de le mettre en avant, afin que le plus vaste public y
ait
accès et s'intéresse donc à ce genre un peu passé
de mode.
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Psychovision.net, 3 juillet 2010.
Satanachias, recueil de Christophe Lartas.
Il y a les livres que vous lisez et que vous aimez.
Il
y a les livres que vous dévorez et que vous adorez. Puis il y en
a d'autres, qui sont encore autre chose, quelque chose de plus fort, un
bout de vous, quelque chose qui semble écrit pour vous, qui semble
s'arracher de vous. Christophe Lartas et son Satanachias font partie de
cela, c'est un livre qui parle pour moi et la sensation à sa lecture
est étrange, si je n'avais pas peur des mots je dirais même
une sorte d'illumination-confirmation. Ou pour parler crument, je
dirais
que ce petit livre fut à sa lecture et relecture une sacrée
claque!
Comment définir une telle oeuvre? C'est très
difficile. Certains mots me viennent en tête qui peut-être
pourraient décrire l'ambiance et le ton général :
humaniste, misanthrope, désabusé, réaliste, poétique...
C'est à chaque page que l'on en prend plein les mirettes, que votre
estomac se tord, que vos yeux se mouillent car devant nous s'étend
la crasse de l'humanité, soit les religions, l'urbanisme, la
consommation
à outrance, les quêtes impossibles, les rêves qui s'envolent,
le mal-être, la mort... Oui, il n'y a pas besoin de trente milles
pages pour décrire ces choses, la plume de Christophe Latras, en
peu de mots, d'une manière intelligente, incisive et belle, nous
décrit tout ça et nous donne envie de nous terrer et de lire
encore et encore ses contes. Car oui, il s'agit bien de contes, des
contes
éclairés façon le siècle des lumières
mais en infiniment plus intelligent!
Le recueil s'ouvre sur un conte, celui qui donne son
titre à l'ouvrage. Titre qui a de quoi attirer, comme tout ce qui
joue avec le diable! Le personnage est Untel. Il pourrait donc être
vous, il pourrait être moi, bref n'importe qui. Le but de ce M. Untel:
voir dieu, connaître le pourquoi et le comment de la création,
de notre création. Mais qui est le plus beau, qui a le plus de réponse
: dieu ou diable? Bien sûr plus proche de nous, le mal. C'est lui
qui en premier va lui répondre. Et que lui dit-il? Connais tes
concitoyens
et tu verras peut-être dieu. Et je ne vous parle pas de la "tronche"
qu'il se "tape" dieu. Pas besoin d'avoir fait St Cyre pour comprendre.
Je vous laisse méditer sur cette fable, qui interroge le bien, le
mal, le beau, le laid et qui nous montre encore une fois qu'il faut
toujours
voir plus loin que le bout de son nez, voir plus loin que les mots
même...
Pour moi c'est du grandiose, c'est la réunion de la poésie
et de la "philosophie" le terme étant à prendre au sens large.
Rien que pour ce texte, il faut absolument se procurer ce petit livre,
petit par la taille grand par les textes...
Et il est un autre texte absolument fantastique:
"Mégalopolis".
L'histoire d'un homme qui vit dans une ville, une mégalopole comme
des millions d'autres. Mais qu'est-ce qu'une ville? C'est la puanteur
du
bitume, de ceux qui transpirent dans les lieux dit festifs, des gamins
qui crient et qui courent, des SDF et la misère qui s'expose sur
les trottoirs, des vieillards qui crèvent seuls et tout un tas d'autre
joyeusetés qui sont superbement décrites par Christophe Latras,
dans une langue qui ne cache rien, dans une langue qui dit la puanteur,
la laideur et l'absurdité de nos villes. Le style est époustouflant,
poésie urbaine disant le mal-être de ceux qui n'en peuvent
plus de vivre dans ces villes où la vie est plus qu'insupportable!
C'est magnifique. Alors, le narrateur n'en pouvant plus de cet enfer
sur
terre veut s'enfuir mais s'enfuit-on vraiment? Court, direct, beau, un
texte qui parle du mal-être, de l'emprisonnement, du problème
des villes aussi... Bref en quelques pages tout est dit, c'est
somptueux
et pour moi à la limite du jamais vu.
Il est un autre texte qui parle de ce problème,
de cette atrocité qu'est la ville : "Le Cycle". Dans le même
genre que "Mégalopolis" mais sans répéter la thématique,
Christophe Latras nous décrit la "cité" telle qu'elle est.
Un lieu où tu consommes, où on cherche à ce que tu
sois bien à tout prix, en se foutant des libertés, des espaces
verts, de la nature. Ou les seuls animaux que tu vois sont au zoo, mais
voilà, ils vont se rappeler à nous. Dans leur super HLM des
temps modernes, aux parois translucides pour que la communauté soit
soudée, ils les voient venir, nué verte, plantes, nuées
sombres, insectes... Je ne vous en dis pas plus. C'est magnifique,
comme
si Jacques Tati (pour moi LE génie) avait écrit une SF sombre
et torturée, un brulot écologiste qui n'est pas racoleur,
ni dans l'air du temps, se jouant des modes et s'en fichant quelque
peu.
J'imagine Christophe Latras écrivant seul face au monde, un monde
qui déborde d'horreurs, d'absurdité et que fait l'auteur
dans sa solitude : il vomit, il crache ses cinq contes que l'on prend
en
pleine tête, des textes dont on ne revient pas, des textes sur
l'horreur
mais beaux malgré tout! Christophe Latras est un sacré écrivain
et la Clef D'argent une sacrée maison d'édition!
Il est temps pour moi de conclure cette chronique. Mais
peut-on réellement conclure avec un tel ouvrage? Non! J'ai l'impression
d'en avoir trop dit mais en même temps de ne pas en avoir assez dit.
Il y en a qui s'époumonent à écrire trente tomes (bon
j'exagère un peu mais quand même) pour ne pas dire grand-chose
voire rien du tout, et d'autres, en quelque page, changent votre vie,
confirment
vos choix, renforcent votre pensée. Alors non, on ne conclue pas
avec un tel livre, on le prend partout avec nous, on le promène
dans notre poche (et le format s'y prête), on le lit, on le relit,
on l'use et on grandit. Rares sont les maisons d'édition qui proposent
ce genre d'oeuvres intelligentes, belles et différentes. La Clef
D'argent ne fait pas de bruit, elle travaille dans son coin mais
chacune
de ses nouvelles sorties est pour moi un régal et je guette chacune
de leur nouvelle production avec un oeil avide! Je voudrais aussi
attirer
votre attention sur la couverture qui a été réalisée
par un grand monsieur aussi dont je vous reparlerai très bientôt,
poète et dessinateur : Fernado Goncalvés-Félix, un
artiste aux talents multiples, un artiste publié lui aussi chez
La Clef D'argent.
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Que la ténèbre soit!, recueil d'Alain Roussel.
Les recueils de nouvelles fantastiques de LA CLEF
D'ARGENT
se suivent avec une régularité qui n'a d'égale que
leur qualité. La collection au nom lovecraftien KHOLEKTH est
aujourd'hui
incontournable pour l'amateur de bon fantastique court. On se croirait
revenu aux temps héroïques (et mythiques) des recueils MARABOUT.
Rappelons que la nouvelle, traditionnellement, se vend mal. Il faut
faire
long, voire très long, pour espérer avoir une petite chance
de vivre de sa plume aujourd'hui. On n'est plus à l'époque
des pulps ou, en France, des novellas éditées par FERENCZI.
D'où l'immense intérêt de petites
maisons d'édition comme LA CLEF D'ARGENT qui peuvent encore se
permettre,
avec un tirage modeste, de parier sur des créateurs méconnus
qui sortent enfin de la publication en revue ou en fanzine, qu'on
imagine
un peu frustrante, pour signer « leur » propre livre. Pour
le lecteur, un recueil à auteur unique offre l'avantage énorme
de délivrer en profondeur la vision, l'univers personnel, d'un
nouvelliste.
Inutile de préciser qu'on n'est pas déçus
à la lecture de QUE LA TENEBRE SOIT. ALAIN ROUSSEL a un talent fou.
Imagination et style.
LE GALET propose une relecture délirante du mythe
du golem, pas si traité que ça comparé à d'autres
figures du fantastique. UNE PETITE VILLE TRANQUILLE, qui justifie le
titre
du recueil, est un superbe morceau d'apocalypse. Le monde pourrait
mourir
ainsi.
LA FOURCHETTE EN ARGENT est un bijou d'humour noir
tandis
qu'un ASSASSIN EN CHAMBRE verse dans l'onirisme meurtrier. UN AMOUR
TRAGIQUE
relate une poétique histoire d'amour végétale. UN
BAISER DANS LA NUIT pourrait être la dernière aventure de
DAVID MORGON (un auteur/détective injustement oublié du FLEUVE
NOIR). Enfin, LE RECIT DE MERVYN est un bel hommage au génial auteur
des CHANTS DE MALDOROR.
14 nouvelles, 14 réussites, même si bien
sûr on peut être plus sensible à l'une ou l'autre. Des
inédits et des rééditions. En tout cas, ALAIN ROUSSEL
est un nouvelliste avec qui il faut désormais compter, nous en avons
la preuve irréfutable. Et nous ne manquerons pas de garder un oeil
sur lui à l'avenir!
Seul regret: que la couverture ne soit pas illustrée
par notre coup de foudre du mois dernier, FERNANDO GONCALVES-FELIX (LES
POUMONS DU DIABLE), un illustrateur tellement talentueux qu'on aimerait
qu'il travaille sur toutes les productions LA CLEF D'ARGENT. En même
temps, c'est la passion qui nous fait parler un peu injustement. Un
peintre
comme SEBASTIEN HAYEZ, que certains apprécient sans doute, a tout
autant sa place chez l'éditeur dijonnais!
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L'Écran Fantastique n°310, juin 2010.
Que la ténèbre soit!, recueil d'Alain Roussel.
Alain Roussel a-t-il vu Petits meurtres entre amis? Même si son style est fort éloigné de l'humour anglais (on pense plutôt à une loufoquerie poétique quelque peu désuète à la Pierre Véry), chacune des nouvelles de son recueil Que la ténèbre soit! détaille un crime qui s'évade du quotidien par sa bizarrerie: parfois c'est une ombre qui se retourne contre son propriétaire, à une autre et karfkaïenne occasion un homme se transforme en crabe pour commettre ses méfaits, quand ce n'est pas tout simplement à coups de fourchette qu'on trucide sa voisine. C'est léger mais agréable sous la langue.
Yozone, 16 juin 2010.
Les poumons du Diable, recueil de Fernando Goncalvès-Félix.
Fernando Goncalvès-Félix nous propose grâce
au valeureux éditeur qu'est La Clef d'Argent, son premier recueil
de textes poétiques qu'il accompagne de nombreuses illustrations
dont il est également l'auteur.
Entre les visions cauchemardesques, souvent teintées
d'un humour très noir ou franchement provocateur, et les passages
plus sensibles et intimes, « Les Poumons du Diable » est un
ouvrage intéressant d'où transparaît un enthousiasme
réel et sincère.
Mère de toutes les littératures de l'humanité,
la poésie demande un engagement de la part de l'écrivain
géniteur qui ne tolère que très rarement, voire jamais,
l'à-peu-près.
Autant la prose permet quelques sorties de route vite
pardonnées, autant l'art poétique se doit d'être un
alliage parfait.
On ne peut donc s'empêcher d'aborder un tel recueil
en plaçant la barre de nos espérances textuelles très
haut.
Et heureusement pour nous, le très bon est souvent
présent, tel dans ce court poème : "Les arbres étaient
couchés, ils ne dormaient pas, ils nous écoutaient parler"
où l'on retrouve un sens de la concision des plus justes.
Cet exemple n'est d'ailleurs pas unique, Fernando
Goncalvès-Félix
séduit presque toujours dans ses poèmes les plus succincts.
À l'image de "Remords" (...« et à
aucun moment je n'ai vécu ce que j'étais devenu. »)
quand le poète se garde d'aborder des rivages trop torturés
où il n'a pas forcément grand-chose à gagner. Ainsi
"La maison creuse" ou "Le secret" donnent la même impression de
justesse
grâce à une belle simplicité stylistique.
Loin des afféteries tout juste destinées
à faire mousser LE GRAND créateur torturé auprès
de quelques crédules, on se souvient que des monuments contemporains
de la poésie française comme Jean Follain, Jean Rousselot
et même Eugène Guillevic ne sont jamais aussi grands que dans
leur recherche du mot juste, utile et nécessaire.
C'est aussi en cela que des passages beaucoup plus
communs
(... "et je me surprends à arroser d'urine la tête de ceux
qui nous ont menti... Les politiciens") que l'on imagine plus sur des
cahiers
adolescents que dans cet ouvrage, sont assez décevants. D'autres
poèmes aussi, bien qu'intéressants mais volontairement plus
provocateurs ("Tue", "Con fondant") n'ont pas le même attrait. On
a parfois l'impression que l'écrivain cède à une certaine
facilité là où il aurait du se résoudre à
trancher dans le vif de son sujet.
On peut aussi juger qu'une bonne volonté évidente
d'aérer la lecture de passages d'une grande noirceur par un humour
un peu forcé n'était pas obligatoirement la meilleure des
solutions (même si l'idée partait d'un bon sentiment).
Les illustrations proposées sont par contre d'un
niveau global beaucoup plus constant, recelant moins de hauts et de bas
qu'une écriture poétique qui se cherche encore (à
notre très humble avis).
Le trait de Fernando Goncalvès-Félix, déjà
croisé dans de multiples revues dont le Codex Atlanticus, est précis,
affirmé. Il amène l'Ïil du lecteur là où
le sujet central du dessin l'attend.
On ne sait si les illustrations précédèrent
les poèmes ou inversement, mais l'ensemble est le résultat
d'un heureux mariage dont on aime par principe la totalité des prises
de risques thématiques et graphiques proposées.
Entre déformations de la réalité
et visions surréalistes, il y a dans « Les Poumons du Diable
» de quoi s'évader dans de multiples contrées que l'on
adore fréquenter.
Si le bilan de cette critique peut apparaître mitigé,
voire sévère, il faut aussi la peser à l'aune du respect
que votre humble serviteur éprouve pour un genre littéraire
qui ne pardonne rien.
Évidemment, on peut aussi peser le bon et le moins
bon et juger que la balance de ce recueil penche franchement du côté
que l'on espérait et par conséquent en recommander l'achat.
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ActuSF, juin 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
Philippe Bastin est né en Belgique, en 1958. Un
goût précoce pour la lecture et l'écriture lui ont
fait choisir les humanités classiques et une licence en philologie
romane. Auteur au parcours professionnel éclectique (professeur
de français, journaliste, secrétaire d'avocat, assistant
parlementaire, chercheur en histoire régionale, employé au
Musée de Wéris), il écrit aussi des poèmes,
nouvelles et pièces de théâtre.
Le monde du sport
Dans ce recueil de nouvelles essentiellement
fantastiques,
l'auteur explore la lisière de notre réalité, au moment
où les événements basculent dans l'étrange
et l'inexplicable. La nouvelle qui donne son titre au recueil décrit
les exploits sportifs d'un sprinter, exploits qui seraient liés
à une nouvelle méthode scientifique. La description presque
clinique des événements font tomber le récit dans
l'horreur, qu'on laissera au lecteur le soin de découvrir. Le monde
du sport et du journalisme sportif sont à l'honneur ici: Qu'est
devenue Nachtalia Lachtenko? prend pour cadre le monde de la
gymnastique
féminine, et montre dans une nouvelle poignante l'une des formes
de l'exploitation des sportifs. Les nuages grimaçants est un récit
mystérieux et terrifiant, aucune réponse satisfaisante ne
venant au narrateur et par conséquent au lecteur...
Le fantastique à l'honneur
Les autres textes du recueil sont beaucoup plus
classiques
dans leur approche, et appartiennent au registre du fantastique: La
tragédie
du Musée des sciences naturelles de Vienne décrit un musée
pas comme les autres, où l'inanimé s'anime... on retiendra
aussi Le bain des damnés, récit qui nous emmène dans
le désert, lieu propice aux illusions et aux événements
surnaturels. Les autres histoires reprennent des sujets classiques:
L'histoire
de mon double reprend le thème du doppelganger, La dette celui du
pacte avec une entité démoniaque, et l'homme-crochet celui
du fantôme.
Toutes ces histoires partent de la vie quotidienne pour
s'engouffrer dans le fantastique, le moment où la réalité
bascule. Les nouvelles de Philippe Bastin sont toutes très sombres:
des situations anodines prennent des proportions terrifiantes, et les
certitudes
des personnages vacillent.
On se trouve devant un recueil de nouvelles agréable,
avec une partie des textes sur des thèmes classiques, et une manière
astucieuse d'aborder le monde du sport, et les problèmes de dopage.
Les nouvelles fantastiques sont beaucoup plus classiques dans leur
fonctionnement
mais pas moins efficaces. Un bon recueil, intéressant et équilibré,
dommage qu'il soit si court!
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Remue.net, 8 juin 2010.
Que la ténèbre soit!, recueil d'Alain Roussel.
Les personnages qui apparaissent dans les treize
nouvelles
composant l'étonnant petit livre d'Alain Roussel sont des êtres
épris de solitude. À force de vivre en retrait et d'écouter
en boucle «la musique des sphères», ils ont réussi
à toucher quelques unes des faces cachées de la pensée
et à acquérir dons et psychisme intérieur capables
de faire entrer l'improbable, l'imprévu, le dérèglement,
le crime et la folie passagère là où règnent
d'ordinaire routine et calme plat.
Une secrète alchimie née entre tel ou tel
objet et l'imaginaire en irruption d'un Casimir Laroche ou d'un Pierre
Lune ou d'un Barillet ou d'un Morphéas ou d'un Pénardin ou
d'un Lafouine (tous convoqués par l'auteur en ses périples
menés aux confins de la logique) suffit pour que la mort violente
frappe vite avant de s'en aller cingler sous d'autres latitudes.
Il ne faut souvent pas plus qu'un invisible aléa
(par exemple une étoile mal arrimée au ciel un soir de brume)
pour qu'un galet retrouve soudain ses anciennes velléités
d'assassin, pour qu'une ombre quitte subitement son locataire habituel
afin d'aller commettre un meurtre à proximité ou pour qu'un
collectionneur de casquettes subtilise celle d'un matelot qui «Êvenait
de massacrer deux paisibles promeneursÊ» pour se métamorphoser
lui aussi en tueur.
«Ici les personnages sont des somnambules sous
l'emprise d'un rêve implacable, à la fois tragique et dérisoire,
dont ils ne peuvent espérer maîtriser les règles. Seul
doit régner le destin!»
Dans ces nouvelles aux chutes subtiles et implacables,
l'auteur de La Vie privée des mots (La Différence, 2008)
intercepte à chaque fois, entre fantastique et imaginaire, une séquence
de l'existence ténébreuse d'un individu au parcours jusque
là anodin. Il le fait au moment précis (et crucial) où
celui qui touche le couteau tranchant de la lumière voit son destin
s'assombrir puis vaciller et basculer dans l'inconnu et le néant.
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L'Écran Fantastique n°309, mai 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
Le royaume des humains et celui des elfes se livrent une guerre sans merci. Sylvie Huguet, dont on a pu lire de nombreuses nouvelles dans diverses revues et fanzines, prouve qu'on peut écrire de la fantasy en 100 pages et pas nécessairement en 600. Le dernier roi des elfes, s'il n'est pas d'une grande originalité, séduit par son écriture délicatement ciselée.
Sueurs Froides, mai 2010.
Les poumons du Diable, recueil de Fernando Goncalvès-Félix.
«Je suis l'homme qui met le doigt dans l'os. »
On croit rêver! Ca fait très longtemps qu'on
n'avait pas tenu entre les mains un livre aussi beau que LES POUMONS DU
DIABLE, qu'on ne se lasse pas de feuilleter. Les illustrations de
FERNANDO
GONCALVES-FELIX sont tout simplement superbes, à tel point qu'on
désirerait profondément qu'il s'occupe désormais de
tous les livres publiés à LA CLEF D'ARGENT. La couverture
est le reflet exact du talent qui explose à l'intérieur du
recueil de poèmes (signés par le même homme). LES POUMONS
DU DIABLE, c'est un régal absolu pour les yeux. Les dessins nous
font pénétrer dans un autre monde, à l'image exacte
des poèmes qu'ils entourent: un monde torturé, esthétique
et glauque (mais parfois humoristique), qui met souvent mal à l'aise.
Sans être expert en matière de poésie, on ne peut nier
la force de nombre de textes recueillis ici. Citons encore un extrait
pour
le plaisir:
«Je respire fort enfin pour chasser de mes idées
les mots insensés,
répandus par milliers,
creusant des cavités dans chacun des os
de mon squelette désarticulé.»
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Psychovision.net, 18 mai 2010.
Que la ténèbre soit!, recueil d'Alain Roussel.
Plus je lis d'ouvrages sortis chez l'éditeur La
clef d'Argent et plus j'aime! C'est fou ce qu'ils sont capables de nous
trouver! Des petites pépites en matière de fantastique, des
trucs que l'on ne lira nul part ailleurs et ça fait du bien, c'est
un régal et c'est génial! A l'heure où les grosses
écuries nous proposent un peu toutes la même chose, où
l'horreur est reléguée aux sorties épisodiques et
bien sûr anglo-saxonne à de rares exceptions près,
où le fantastique est toujours pareil et où il n'est qu'histoire
de rééditions, La clef d'Argent sort incontestablement du
lot, prend des risques et je me régale à chacun de leurs
titres! "Que La Ténèbre soit!" ne déroge pas à
la règle, bien au contraire...
Que le lecteur me pardonne, tout comme l'auteur et
l'éditeur,
je ne pourrais pas parler de toutes les nouvelles. C'est une honte je
sais,
d'autant plus que rien n'est à jeter ici, elles sont toutes bonnes,
voire très bonnes. Mais que voulez-vous, ce petit ouvrage, qui tient
dans votre sac mesdames et dans une poche assez large pour vous
messieurs,
déborde d'idées, de textes superbement écrits, souvent
courts avec pour obsession me semble-t-il, le meurtre. Ca tombe bien
car
le meurtre, moi j'aime ça.
Oui, on tue beaucoup dans les écrits d'Alain Roussel.
Et donc c'est bon! Enfin, tuer c'est mal bien sûr, mais quand c'est
un caillou qui tue et qui mène tous les menhirs de Carnac à
se révolter, c'est bon et c'est bien. Et que dire de ce type qui
tue à travers le temps, comme si l'Histoire n'était qu'une
longue répétition de meurtres? Ce qu'elle est en fait. Pour
un autre, c'est pas lui le meurtrier, c'est son ombre. Une ombre bien
gênante
d'ailleurs, mais je ne vous en dis pas plus! Et puis ce flic qui fait
une
erreur terrible, ah ben non, en fait ce n'est pas une erreur... Car
c'est
ça l'art de la nouvelle et Alain Roussel l'a bien compris, c'est
la chute, cette fin surprenante, inattendue. Et à ce petit jeu,
l'auteur est très fort, et si je n'avais pas peur, d'ailleurs je
n'ai pas peur, les écrits d'Alain Roussel sont dignes de ceux de
Guy de Maupassant, qui est pour moi le maître incontesté à
ce petit jeu! Ca vous donne une idée de la qualité des écrits!
Clairement, on est dans du fantastique classique et qui
sait pourtant encore être surprenant. C'est rare, très rare.
Le style de l'auteur n'a pas à pâlir face aux grands maîtres
du genre et je qualifierais ses textes de cultivés ce qui est un
plus considérable. Je vous parlais tout à l'heure, par exemple,
de ce caillou tueur, nouvelle ouvrant le recueil, et bien c'est toute
la
culture, la tradition et les légendes judaïques qui sont en
quelques pages "résumées" et superbement utilisées.
Dans la nouvelle "Les complots de l'histoire", on apprend beaucoup de
choses
sur les rues de Paris et l'alchimie. Ca été pour moi une
véritable découverte, que dis-je une révélation!
Le fond et la forme s'unissent ici pour nous livrer une oeuvre
époustouflante
et inoubliable!
Dans "Une petite ville tranquille", nouvelle un peu
plus
longue que les autres et que j'ai particulièrement aimé,
un homme retourne dans le pays de son enfance, mais une terrible
tragédie
va se produire car des maléfices sont à l'oeuvre. Désolé
encore pour le résumé succin mais je ne veux absolument pas
vous dévoiler la fin. Tragique donc mais aussi une superbe image
de cette nostalgie qui nous dévore tous par moment... C'est beau
tout simplement, fantastique dans tous les sens du terme.
Alain Roussel a une façon d'écrire qui
est captivante, une façon de vous présenter des situations
bien à lui et surtout une manière de vous présenter
et de caractériser ses personnages complètement hallucinante!
Derrière ce titre quelque peu mystérieux,
"Que La ténèbre soit!", se cachent donc treize nouvelles
absolument géniales, des mises en scène de crimes avec des
assassins tous aussi étranges les uns que les autres pour des chutes
surprenantes, un style absolument remarquable qui plaira aux amateurs
de
vrai fantastique, comme on en fait malheureusement plus ou que très
rarement.
Pour conclure, je dirais qu'à l'heure où
certains rééditent dans des versions grands formats des auteurs
anglo-saxons pour la plupart lus et relus, à vingt euros le livre,
vous pouvez ici, pour neuf euros seulement pénétrer une terre
complètement inconnue et nouvelle, plonger dans une littérature
fantastique qui renoue avec ses origines tout en allant de l'avant. Des
histoires stupéfiantes, sanglantes et macabres, et pas dénouées
d'humour ni d'une certaine beauté toute particulière. Si
Alain Roussel avait été d'un autre siècle, Poe aurait
aimé ses nouvelles!
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Phénix-Web, 13 mai 2010.
Que la ténèbre soit!, recueil d'Alain Roussel.
Sixième recueil de nouvelles paru dans la collection
KholekTh de La Clef d'Argent.
Après les découvertes agréables
et même confondantes de Sylvie Huguet, Timothée Rey ou Philippe
Bastin, pour la première fois, je suis un peu déçu.
Oh, certes, Alain Roussel ne démérite pas, mais l'ensemble
de son livre ne me rend pas cette forte impression que m'avaient laissé
les précédentes parutions. Il s'agit ici de fantastique canonique,
une fois encore, bien écrit, avare en dialogues, et jouant de
l'atmosphère
et de l'ambiance. Oui. Mais tant d'autres l'ont essayé, et avec
plus d'éclat. Si Le Galet, la nouvelle initiale, est fort originale
et à la limite du gore pour débuter en fanfare, le ton s'atténue
par après, pour trouver une petite musique certes agréable
(Une petite ville tranquille ou la disparition soudaine de toute une
ville)
ou caustique (La Fourchette d'argent, à la chute hélas trop
prévisible). Un amour tragique se situe à la limite de la
science-fiction, avec son érotisme végétal. Fantastique
pour fantastique, la plus belle réussite du recueil me paraît
encore Un baiser dans la nuit, où le meurtre se diffuse par gargouilles
interposées. Un joli texte, là. Signalons aussi l'intérêt
de l'écrivain pour le nom de ses héros, plutôt improbables:
Albert Chronoclaste, Alexandre Traquenard, les soeurs Coloquinte,
Mademoiselle
Baliverne, le baron Victor des Sornettes, Léon Chairdepoule, Morphéas,
etc. Tout cela pourrait amuser un peu, sans doute, mais n'est pas
suffisant.
Un honnête recueil, sans plus.
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Arcane 17, 10 mai 2010.
Que la ténèbre soit!, recueil d'Alain Roussel.
Vérolés de la logique. Sectateurs du pragmatisme. Sclérosés du rationalisme. Passez votre chemin, ce livre n'est pas pour vous. Si, par mégarde, le désir vous prenait de le lire, attention! vous verriez alors s'effondrer tout ce sur quoi vous avez bâti votre petite vie sécuritaire. «Que la ténèbre soit!», dernier jet d'encre sympathique d'Alain Roussel, vous confronte à des lieux, des personnages que l'on aimerait avoir visités et rencontrés dans des vies antérieures. Le drame c'est que les protagonistes de ces histoires traversent le temps, et s'il n'y avait que le temps! Lorsque vous aurez lu les treize nouvelles de ce livre noir, le monde vous apparaîtra tel qu'il est: dangereusement désirable, amoureusement menaçant et, en un mot comme en sang: infréquentable. L'auteur des présentes lignes flirtant avec une misanthropie versatile qui oscille selon les cycles lunaires en sait long sur le sujet. Après lecture, la première fourchette en argent qui vous passera entre les mains vous en dira long sur votre ligne de vie. Le moindre galet vous fera prendre la mer à votre cou. Sur cette mer flottera une casquette de matelot qui, passez-moi la facilité, vous fera perdre la tête. Je cesserai là, car je sens se dérober le clavier sous mes doigts et la goutte de sang qui perle au bout de mon médius me prévient du maléfice qu'il y a à trop parler de ce livre que l'on devrait tout simplement lire ou offrir à un ami alité dans un hôpital... ou ailleurs. «Que la ténèbre soit!» est un délice de marginalités, mais pas si décalé que ça, car, personnellement, mais c'est une autre histoire... qui ne regarde que moi et Alain Roussel.
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Solaris, mai 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
«La trame du réel ne tarde pas à s'effilocher
dans ces huit nouvelles oscillant entre un fantastique oppressant et
une
anticipation scientifique aux marges de l'horreur» Les éditions
La Clef d'Argent sont de celles qui nous proposent des ouvrages hors
norme,
osant des thèmes bien particuliers, des ambiances marginales. Avec
Mitochondries, elle nous offre un mélange de frisson, de malaise
et de fascination, propres à nous en faire continuer la lecture,
incapables de détourner les yeux.
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Epicure n°28, avril 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
La Clef d'Argent nous habitue à publier des oeuvres
rares et originales. Ce recueil de nouvelles ne déroge pas à
la règle et s'ouvre sur un récit percutant de «biologie-fiction»
qui donne son titre à l'ouvrage: Dans Mitochondries, un sprinter
américain moléculairement dopé par un apprenti sorcier
achève sa carrière d'une curieuse manière. Chez Bastin,
maître conteur, les apparences sont trompeuses, les héros
souvent malheureux et les ambiances sombres empruntent autant au
fantastique
qu'à la fiction scientifique. Au risque de nous tromper, on y décèle
aussi des échos de Poe ou Maupassant. À découvrir.
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L'Écran Fantastique n°308,
avril 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
Les mitochondries sont les productrices d'énergie à l'intérieur de nos cellules. Davantage de mitochondries améliorerait le rendement et nécessiterait, pour leur fournir du travail, un surplus de glucose à recycler, dopant absolument indétectable. Mais le tout n'est pas sans conséquences. Dans le registre de l'horreur sportive, Philippe Bastin fait très fort, avec cette première nouvelle éponyme, qui voit le champion fumer comme une locomotive. Deux autres nouvelles de ce petit recueil concernent le journalisme sportif et le dopage, qui laisse supposer que l'auteur a exercé cette activité tout en écrivant des poèmes et en concoctant des récits fantastiques dans un registre plus classique: autour de légendes locales, algériennes dans le cas d'un mariage dans le désert auquel il vaut mieux ne pas se mêler, aversois avec «L'Home-crochet» qui hante le canal. Dans la veine du quotidien qui dérape, très prisé du fantastique belge, Philippe Bastin se révèle également tout à fait à son aise, avec «La Dette» ou «L'Histoire de mon double». Au final, un petit recueil de contes fantastiques bien agréable.
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Encres Vagabondes, 23 avril 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
Après son recueil de nouvelles, La vraie nature
du croquemitaine, Sylvie Huguet voit paraître son huitième
livre à La Clef d'Argent, un éditeur spécialiste de
littérature fantastique, dans une collection qui regroupe Les
Chroniques
merveilleuses et terrifiantes des royaumes de l'imaginaire. C'est bien
d'un de ces royaumes dont il s'agit ici, un royaume peuplé d'elfes
en guerre contre les humains.
Lors de l'attaque de la ville de Saint-Grégoire,
le roi des elfes, Ilgaël recueille un petit humain qui lui est confié
par sa mère au moment de mourir. L'enfant d'environ deux ans s'appelle
Roland mais le roi le baptise aussitôt Lindyll. Ilgaël installe
son nouveau protégé à califourchon sur son bel étalon,
Clair d'étoiles, et l'emporte jusqu'à son campement dans
la forêt. Son acte de clémence était sans précédent,
et ne serait jamais imité: ce serait la première et la dernière
fois que l'on verrait un roi des elfes s'engouer d'un petit d'homme.
Pourtant
ses féaux et ses guerriers ne lui en tinrent pas rigueur. Impulsifs,
fantasques, les elfes pouvaient être aussi généreux
que cruels: ce jour-là, ils adoptèrent Lindyll aussi simplement
qu'ils l'auraient tué.
Chez les elfes, comme chez les cerfs et les biches,
mâles
et femelles vivaient séparées. Le petit Lindyll est donc
confié à la reine Lylial et à sa cour féminine.
Les années passent et à huit ans, pendant une promenade à
cheval dans la forêt, il rencontre Lug, le loup légendaire
qui lui prédit qu'un jour il chevauchera auprès du roi.
Comme tous les jeunes elfes, Lindyll apprend à
lire dans l'esprit des animaux, à déchiffrer l'écriture
runique et à adorer les esprits des arbres et des eaux. Il sait
par coeur les poèmes qui racontent l'histoire des elfes et découvre
l'existence du peuple humain auquel il appartient. Nous t'avons choisi
pour l'un des nôtres, lui disait la reine. Tu es un elfe par élection,
plus elfe qu'un elfe par le sang. Lindyll en conçoit une grande
détestation pour les humains et rêve de les combattre. Il
est confié à un vieux maître d'armes, Brumir, qui l'initie
au maniement de l'arc et de l'épée.
Et un jour, vient le moment tant attendu de partir à
la guerre à son tour. Il s'y montre si téméraire que
le roi Illgaël le choisit comme écuyer. S'ensuit alors une
étonnante amitié entre l'elfe et l'humain. De temps à
autre, le roi souffre de poussées d'angoisse et seul Lindyll sait
le réconforter et lui faire retrouver le sourire et cette légèreté
de caractère typiquement elfique.
Mais le conflit se poursuivant entre les elfes et les
humains, Lindyll sera confronté à des choix de plus en plus
difficiles. Sa loyauté pour les elfes l'emportera-t-elle toujours
sur sa nature humaine? C'est un des enjeux de ce roman très agréable
à lire qui, par la mise en opposition du tempérament des
elfes et de celui des hommes, nous amène à réfléchir
sur nos valeurs essentielles. On retrouve ici l'écriture efficace,
imagée et poétique, de Sylvie Huguet ainsi que son regard
acéré sur la condition humaine et sur la violence dont l'homme
est capable de faire preuve envers lui-même comme envers la nature
et les animaux. Au fil d'ouvrages très différents, l'auteur
poursuit une oeuvre cohérente dont tous les fils, de couleurs variées,
tissent une image d'un monde où se mêlent intimement le réel
et l'imaginaire, comme une variation contemporaine de la Dame à
la licorne...
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Sueurs Froides, 11 avril 2010.
Les fidèles de LA CLEF D'ARGENT connaissent
peut-être
SYLVIE HUGUET pour son recueil de nouvelles fantastiques intitulé
LE PASSAGE. Aujourd'hui l'écrivaine nous revient en inaugurant une
nouvelle collection, vraisemblablement consacrée à la fantasy,
chez l'éditeur dijonnais. LE DERNIER ROI DES ELFES narre l'ultime
guerre entre elfes et humains qui causa la perte de la civilisation des
premiers. SYLVIE HUGUET a une belle plume (une constante chez les
auteurs
de LA CLEF), autant dans l'évocation crue et violente, quasi
howardienne,
des batailles, voire des tortures infligées à l'un des héros,
que dans la peinture souvent poétique d'une nature superbe. Les
personnages principaux, le roi elfique et son ami humain, sont
extrêmements
attachants, si bien que l'on épouse sans mal leur combat.
On espère avec eux, on souffre avec eux.
LE DERNIER ROI DES ELFES est un court roman
crépusculaire,
hanté par le spectre de la fin d'un univers. On pense parfois aux
guerres indiennes des westerns. Aucun manichéisme réel chez
HUGUET, aucun camp n'est tout à fait bon ou mauvais (même
si l'on connaît davantage le point de vue des elfes). Humains et
elfes luttent à mort, sans pitié, en sachant très
bien que l'un des deux camps est appelé à disparaître.
Ce petit bijou est aussi la preuve qu'on peut faire de la fantasy forte
et généreuse sans verser dans le pavé, comme la mode
l'exige aujourd'hui. LE DERNIER ROI DES ELFES, qui est aussi une
histoire
d'amitié virile d'une vraie profondeur, contient tout ce qu'il est
permis d'en attendre, en toute simplicité.
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Critiques Livres, 9 avril 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
L'expérience des limites.
Très belle découverte que ce premier recueil
de nouvelles de Philippe Bastin, paru dans une maison d'édition
alternative «la Clef d'argent». Un recueil de nouvelles qui
s'inscrit dans le genre fantastique sur fond de réalisme. Ces huit
nouvelles sont toutes emplies de mystère, tant par leur fond que
par leur mode de narration. Un narrateur nous prend chaque fois par la
main, nous raconte l'histoire mais ne tente aucune analyse, nous laisse
là avec nos doutes. Déjà très fort.
Les sujets ensuite sont très originaux. Cela commence
très fort avec «Mitochondries». Sans doute l'histoire
la plus surprenante de ce recueil. On est plongé dans l'univers
des grands meetings d'athlétisme avec une réflexion sur le
100 mètres, ce sport qui joue avec toutes les limites: du temps,
mais aussi du physique.
Le sport semble passionner l'auteur. On retrouve le
monde
la gymnastique dans «Qu'est devenue Natalia Lachtchenko?» Une
jeune gymnaste russe va de sacre en sacre sous les yeux d'un jeune
reporter
sportif, qui semble décèle un petit quelque chose qui cloche.
Il ne faut pas en dire plus. C'est une fois de plus surprenant. Sport
toujours
avec les «Nuages grimaçants», nouvelle dans laquelle
une petite région aux confins de la Bulgarie et de la Roumanie est
le berceau de plusieurs champions olympiques.
Influencé par les nouvelles de Maupassant, Poe
et Stephen King, Philippe Bastin plonge aussi dans le fantastique le
plus
pur avec des nouvelles comme «l'Homme-crochet» qui prend place
dans la région des canaux du Hainaut ou «L'histoire de mon
double». Mention spéciale au «Bain des damnés»,
vieille légende arabisante à raconter au coin du feu. Une
très belle histoire.
Si l'on devait retenir un fil rouge à ces huit
textes, ce serait peut-être celui du dépassement des limites,
du danger de trop jouer avec celles-ci. Et l'auteur de s'amuser autour
de ce thème avec ces huit histoires hallucinées et hallucinantes,
qui font passer un bon moment au lecteur. Une belle découverte,
je le répète.
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Phénix-Web, 29 mars 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
Philippe Bastin est un auteur belge né à
Liège en 1958, dont plusieurs nouvelles ont déjà été
publiées, entre autres dans le Codex atlanticus.
Voici son premier recueil, publié dans cette belle
collection KholekTh, jusqu'ici intégralement chroniquée ici-même
(après les ouvrages respectifs de Huguet, Rey, Rullier et Andrevon).
Nous sommes, avec Bastin, dans le domaine du pur fantastique,
«canonique»
comme écrivent les spécialistes. Le sportif tout en muscle
de la couverture (Dan Marsh), illustre la toute première nouvelle,
titulaire, assez gore à la fin. Le monde sportif inspirera d'ailleurs
Bastin par deux fois encore, pour «Qu'est devenue Natalia
Lachtchenko?»,
ou la pitoyable histoire d'une gymnaste qui rapetisse, et pour la
nouvelle
terminale, «Les nuages grimaçants».
Très spectaculaire, «La tragédie
du Musée des Sciences naturelles de Vienne» relate le terrifiant
réveil des hôtes du musée. Wallon, Bastin écrira
un conte traditionnel de terroir avec «L'Homme-crochet», ancré
dans la région des canaux de Mons. Cette tradition, il la défendra
aussi dans «L'Histoire de mon double», parfaite illustration
d'un thème bateau du genre. Les deux nouvelles les plus remarquables
participent aussi de la grande tradition. «La dette» pourrait
être de Maupassant ou de Poe: un fantôme vient délivrer
à une gentille postière, une à une, des lettres destinées
aux membres du jury d'un procès, qui, l'un après l'autre,
meurent après réception. «Le bain des damnés»
fait intervenir le héros dans un mariage maghrébin impie
(incestueux!) célébré en boucle: il n'aurait pas dû
s'y montrer...
Un beau recueil, manifeste du constant et solide
sérieux
du fantastique belge.
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Mythologica.net, 30 mars 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
La Clef d'argent est une association qui s'attache à
publier des textes liés aux univers de l'imaginaire et Le dernier
roi des elfes est le premier de leurs ouvrages que j'ai entre les
mains.
C'est donc avec grand plaisir que j'ai découvert les publications
de cet éditeur et je dois dire que j'ai été très
loin d'être déçu...
Ma première surprise concerne le format. Je m'attendais
à quelque chose de plus grand mais non en fait ce roman est au format
poche, assez fin et doté d'une couverture de toute beauté.
Signée par Ash elle donne tout de suite le ton du voyage que le
lecteur va entreprendre. Véritable invitation cette couverture ne
peut que pousser le lecteur à tourner avidement les pages de ce
court roman. Entrons donc de ce pas dans l'univers de Lindyll...
Vous devez tous commencer à le savoir je suis
un ardent défenseur des plumes françaises en matière
d'imaginaire. Ce que j'aime chez elles ce sont la poésie qui se
dégage des textes, leur romantisme qui, loin d'être éculé,
parvient à merveille à emporter le lecteur loin de la grisaille
quotidienne. Sylvie Huguet, que je découvre avec ce roman fait partie
de ces auteurs que je vais probablement suivre au fil du temps. Son
écriture
fluide et poétique est parvenue à inspirer mon esprit, ce
qui est assez rare.
Revenons un peu au roman en lui-même: le scénario
reste assez classique. La guerre fait rage entre les elfes, créatures
sylvestres et enclines à la paix, et les humains conquérants
et rustres. Un enfin est humain est adopté par Ilgaël, le roi
des elfes, et ce sont les aventures de ce elfe d'adoption que nous
allons
suivre. Lindyll va vivre une vie de danger où sa nature humaine
risque de lui coûter cher...
Bien que ce synopsis improvisé ne fasse pas réellement
envie car je ne suis pas doué pour cela il faut rendre à
l'auteure la grâce de son écriture. Elle parvient à
faire d'une histoire au final assez classique un pur moment de
jouissance
littéraire. Sa manière de décrire les forêts
luxuriantes, les combats sauvages et l'ensemble des éléments
de son roman vient juste séduire le lecteur plus qu'il ne pourrait
s'y attendre.
Toutefois ce roman n'est pas exempts de petits défauts.
D'un point de vue éditorial le fait de placer une carte à
la fin de l'ouvrage oblige le lecteur à ne la découvrir qu'arrivé
à la fin de sa lecture. Cela créé une légère
gêne mais sans réellement handicaper l'ensemble. Le plus gros
défaut est dû au format même de ce roman. En fait il
est conçu pour être fin et donc certains éléments
demanderaient à être développé. Finalement au-delà
de la satisfaction ressentie à la lecture du dernier roi des elfes
je me suis demandé pourquoi il était si court alors qu'un
magnifique récit épique et poétique pouvait être
écrit à partir de cette base. Mais finalement la brièveté
n'est-elle pas une manière de laisser le lecteur se créer
son propre roman, de le pousser à entre toujours plus loin dans
l'univers pour en découvrir toutes les facettes?
Le dernier roi des elfes est parvenu à me conquérir
tout entier. Je suis relativement exigeant en matière de fantasy
et encore plus quand celle-ci prends des connotations celtiques. La
Clef
d'Argent propose donc un excellent texte, une plume rare et cette
découverte
fut pour moi une véritable révélation. Je vais suivre
la carrière littéraire de Sylvie Huguet de près car
en un seul roman de 100 pages elle est parvenue à entrer dans mon
classement personnel des plumes françaises les plus douées...
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Atemporel.com, 26 mars 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
C'est le Printemps, c'est officiel. Un petit tour en
forêt
s'impose pour aller se rouler dans l'herbe avec quelques gentils elfes
! Que nenni, méfiez-vous d'eux, ils pourraient vous faire boire
une décoction de digitale! Pire, s'en prendre à vous en se
souvenant des guerres qui nous ont opposés il y a des milliers d'années.
C'est l'idée originale de Sylvie Huguet et de
son Dernier roi des elfes publié ces jours-ci aux Editions de la
Clef d'Argent ;-)
Le dernier roi des elfes est une version longue, et
longuement
remaniée, d'une nouvelle de l'auteur: l'anneau d'Ilthiar (publié
il y a presque 9 ans dans la revue Chimère).
La Clef d'Argent a la bonne idée de le publier,
avec une couverture signée Ash qui donne le ton. Batailles et luttes
entre hommes et elfes sont au coeur du récit!
Bye bye les elfes sylvins et leurs pétales de
fleur, oubliés les gentils elfes avec leurs arcs et leur magie blanche
!
Structuré à la manière du Silmarillion
de Tolkien, le Dernier roi des Elfes aborde cette espèce mythique
sous un angle différent et intéressant.
D'une part, donc, les elfes que l'on attend ne sont pas
ceux-là, et Sylvie Huguet en finit avec les clichés.
L'ambiance celtique est toujours là mais elle
nous présente une lutte entre hommes et elfes à travers un
texte ancien, retrouvé dans le futur. C'est donc narré au
présent alors que c'est du passé. L'exercice est intéressant
et produit son effet (sans boucler cependant sur les questions...
archéologiques
posées en introduction).
Le texte est bien écrit, se lit bien, n'est ni
trop long ni trop court (lire "ni roman ni vraiment nouvelle") et ouvre
donc dignement cette nouvelel collection que nous propose la Clef
d'Argent
: KhRhOnyk, une collection de textes Fantasy; une fois de plus
l'éditeur
franc-comtois traite les choses de manière originale.
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Psychovision.net, 24 mars 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
Il y a des auteurs qui auront besoin de trois tomes,
voire
plus, pour écrire une histoire de fantasy, nous dépeindre
un monde cohérent, installer leurs actions, leurs personnages, etc.
A Sylvie Hughet, auteure que je ne connaissais pas jusqu'alors, il
suffit
d'à peine cent pages pour nous raconter une aventure fabuleuse dans
un univers où la poésie la plus belle côtoie les actions
guerrières et les hauts faits épiques. Une bien belle découverte
pour un court roman qui ravira tous les fans de féérie, d'univers
elfiques et de légendes celtes!
Le monde des hommes et des elfes est en guerre, un
conflit
terrible. Plus les hommes avancent et plus la forêt recule. Mais
les elfes ne restent pas sans réagir et avec à leur tête
le roi Ilgaël, ils se défendent tant bien que mal. Au cours
d'un raid particulièrement violent contre un village humain, le
roi elfe se prend d'amour pour enfant humain, Lindyll et se sont les
aventures
de ce dernier que nous conte Silvie Huguet. Lindyll, recueillit donc
par
le peuple elfique, va apprendre alors leurs étranges coutumes (le
lecteur avec lui, ce qui est passionnant) et devenir un guerrier
terrible,
l'un des plus forts et des plus sanguinaires. Mais Lindyll a-t-il tout
oublié de son passé d'humain? Alors que les Elfes assaillent
et tuent les hommes, Lindyll va-t-il rester sagement dans l'ombre du
roi?
Et quand ce dernier le nomme à sa succession comment vont réagir
les autres elfes? Vous comprenez les tenants et les aboutissants de ce
fabuleux roman? Oui, Lindyll partout est devenu un étranger, étranger
aux yeux des Elfes, étranger aux yeux des humains...
En quelques pages, et c'est là tout le talent
de l'auteure, "Le dernier roi des Elfes" nous plonge dans un univers
profondément
humaniste, au propos fort qui nous conduit vers une superbe réflexion
sur la tolérance, le respect d'autrui mais aussi sur la nature.
En effet il y a là, au coeur de ce petit livre, certainement les
plus belles pages qu'il m'est été donné de lire sur
la nature, la forêt, la magie des arbres et les apparitions du dieu
Lugg, dieu parmi les dieux, sont absolument fantastiques! "Le dernier
roi
des Elfes" est loin, très loin des standards calibrés de
la Fantasy et ça fait du bien! Se croisent ici des passages donc
poétiques mais aussi clairement guerriers qui ont bien sûr
comblé le fan de fantasy plus barbare que je suis. L'univers des
Elfes est absolument bien décrit et là encore, loin, très
loin des standards et des clichés (on évite de tomber dans
le sous tolkien) et ainsi Sylvie Huguet nous offre une oeuvre de
fantasy
hors norme et surtout rudement intelligente, servant un propos quasi
philosophique
qui pourrait se résumer à cette simple question: quelle est
ma place dans l'univers? Clairement, ça nous remet à notre
place et ça fait du bien!
En lisant ce court roman je ne pensais pas vivre un tel
voyage, moi qui ne suis pas particulièrement fan des gentils Elfes.
Non, je ne m'attendais pas être aussi ému, car de l'émotion
il y en à ras bord, à vous faire chavirer le coeur, à
vous faire venir les larmes aux yeux sans jamais tomber dans le fleur
bleu
ou le sentiment facile. Comment deux êtres différents, que
tout oppose, peuvent-ils s'aimer? Oui, dit comme ça, c'est du déjà
vu mais sous la plume de Sylvie Huguet c'est tout simplement beau! Beau
et émouvant sont les deux mots qui résumeraient parfaitement
ce roman au très joli et très travaillé style et qui
arrive en quelques pages à nous transporter ailleurs dans l'étrange
et le poétique!
"Le dernier roi des Elfes "est un court roman de
fantasy
original et passionnant, autant une étude sur la vie des Elfes,
qu'un petit livre de philosophie humaniste qui se lit facilement,
rapidement,
tant on est pris par l'histoire, palpitante et belle, émouvante
et poétique. Le lecteur de fantasy en recherche d'autre chose sera
comblé, comme celui qui n'a jamais lu de fantasy et qui pourra ainsi
découvrir un univers riche et beau. "Le dernier roi des Elfes" touchera
aussi le lecteur amateur de féérie, de magie, de nature,
d'Elfes bien évidement et touchera tout lecteur voulant s'envoler
ailleurs, tout simplement. Beau et envoûtant, je vous le recommande
plus que chaudement!
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Yozone, 18 mars 2010.
Le dernier roi des elfes, roman de Sylvie Huguet.
Ce récit se situe dans les temps anciens, lorsque
les hommes attaquaient sans répit les derniers royaumes des elfes.
Voici l'histoire d'Ilgaël, roi d'Elmoor, qui sauva
et adopta un enfant humain. Voici l'histoire de l'homme elfe Lindyll,
le
plus fidèle compagnon du dernier roi des elfes, mais aussi le plus
grand traître à sa race.
Reprenant le canevas d'une nouvelle intitulée
"L'Anneau d'Ilthiar", publiée dans la revue «Chimère»
(n°50) en mai 2001, Sylvie Huguet nous propose un texte original et
sortant des sentiers battus.
N'étant pas, et il s'en faut de beaucoup, un
spécialiste
du genre fantasy, «Le Dernier Roi des Elfes» m'a très
heureusement surpris. Loin, très loin des conventions que nous offrent
de trop nombreuses séries à rallonges, Sylvie Huguet m'a
rappelée, stylistiquement, le Tolkien du «Silmarillion»
dans sa volonté d'offrir un texte très structuré.
Par rapport au premier texte paru en 2001, que l'on
peut
d'ailleurs toujours lire grâce au Net, la plume s'est densifiée
avec le temps. Et les quelques pages d'origine sont devenues un conte
beaucoup
plus développé et construit, franchissant allègrement
la centaine de feuillets.
Proposé sous un angle historique et légendaire
intéressant, «Le Dernier Roi des Elfes» serait un document
archéologique retrouvé dans le futur de l'humanité,
vers les années 2050. La présente édition est celle
que les historiens du 3e (ou 4e?) millénaire n'ont de cesse d'analyser.
L'avant-propos de cette édition, venu du futur,
nous explique ainsi qu'il s'agit de la version la plus pure, seulement
accompagnée des commentaires de l'archéologue Sandwell, le
premier découvreur du manuscrit.
Trouvaille centrale de Sylvie Huguet, casser la
mythique
image des elfes sympathiques, êtres éthérés
ne connaissant pas le mal, et en faire les redoutables ennemis d'une
espèce
humaine en pleine période d'expansion hégémonique.
Ainsi, le roi des elfes du royaume d'Elmoor sauve du
massacre perpétré par ses troupes un enfant humain. À
partir de cette séquence, le récit se définit par
une narration qui nous renvoie à des épopées historiques
classiques (telle celle de «Beowulf») plutôt qu'à
un récit habituel de fantasy. C'est entre-deux, soutenu par une
belle écriture, sensible, poétique et mélancolique,
mérite l'éloge, mais possède néanmoins un petit
défaut. L'histoire n'a pas de narrateur attitré (ou évoqué)
et sa logique de récit historique retrouvé sur le tard ne
colle pas totalement avec cette absence. On peut penser qu'il aurait
été
utile à la crédibilité du projet littéraire
que l'on évoque aussi d'hypothétiques auteurs (comme il est
d'usage pour tous les "vrais" récits analysés des siècles
plus tard).
Par conséquent, le questionnement initial subsiste
jusqu'à la conclusion du récit et on ne sait plus trop si
on lit un texte purement imaginaire ou une histoire véritablement
venue des temps anciens. Ce petit défaut de la cuirasse, qui ne
saute cependant aux yeux qu'après la lecture de l'ouvrage, au moment
de l'analyse à tête reposée, mériterait sans
doute que l'auteur s'interroge à nouveau sur le sens réel
qu'elle veut donner à son «Dernier Roi des Elfes». Une
ou deux phrases auraient sans doute suffi pour résoudre ce problème
qui structure la logique de l'ouvrage.
Mais ne coupons point les fins cheveux des elfes en
quatre,
on se laisse prendre par l'ambiance fin de règne, quasi apocalyptique,
qui décrit intelligemment une société elfique en plein
décalage avec l'ascension de l'espèce humaine. On apprécie
aussi le questionnement, tout à la fois très ancien et foncièrement
moderne, qui joue de la dualité des sentiments entre le roi des
elfes, suzerain et père de son plus proche compagnon. Car c'est
bien dans cette intimité du couple "père-fils" que le doute
s'inscrit. Tous les suspenses y trouvent donc leurs origines, mais
aussi
leurs conclusions.
Sylvie Huguet, dont nous avions déjà salué
le précédent recueil de nouvelles publié par La Clef
d'Argent (Le Passage), confirme de fort belle manière tous les espoirs
placés dans sa plume.
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Fantastinet, mars 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
La Clef d'Argent va nous permettre à nouveau de
découvrir un nouvel auteur, sous la forme de nouvelles pour cette
parution, qui va nous plonger dans les univers de Philippe Bastin, à
travers des nouvelles qui vont allier fantastique, sciences mais aussi
un peu de thriller. Parmi les nouvelles qui sont présentées
ici, on notera que 3 prennent racine dans le domaine sportif et plus
précisément
sur les jeux olympiques (Mitochondrie, Qu'est devenue Natalia
Lachtchenko
et Les nuages grimaçants). Le format court des nouvelles convient
parfaitement à Philippe qui arrive à faire culminer rapidement
l'intrigue et à retenir le lecteur. La première mérite
une attention toute particulière, relatant les évènements
à travers des interviews de témoins, et des flashbacks sur
les évènements eux-mêmes, nous laissant suspecter petit
à petit le dénouement.
J'ai trouvé «L'Histoire de mon Double»
amusante, avec pour centre de l'intrigue un homme un peu trop «timoré»
qui laisse d'une certaine façon la main à son double (de
façon totalement involontaire).
A noter que «L'Homme-Crochet» a déjà
été publié aux mêmes éditions dans un
des recueils annuels.
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Sueurs Froides, 6 mars 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
Disons le tout de suite, MITOCHONDRIES est le recueil le plus enthousiasmant de la collection KHOLEKTH, qui a pourtant jusque-là réussi un parcours sans faute. On se souvient encore des excellents recueils de TIMOTHEE REY ou MICHEL RULLIER déjà évoqués ici. MITOCHONDRIES a quelque chose en plus dans sa façon même de traiter le fantastique ou la S.F: l'originalité. On entend souvent ici ou là que tout a été fait, que l'originalité est impossible ou n'a pas d'intérêt (jalousie?). C'est pourtant les idées hallucinantes et jamais vues ailleurs qui rendent si attachant SERGE BRUSSOLO (même s'il les recycle aujourd'hui dans ses nouveaux romans: tout à des limites!). C'est l'originalité, l'idée inédite, qui apporte à l'amateur cette incroyable sensation d'étonnement, hélas moins fréquente qu'on ne le pense en littérature... de l'imaginaire. L'étonnement, qui crée parfois l'émerveillement, c'est un moment précieux, magique, peut-être justement parce que d'une grande rareté. C'est comment un auteur, au détour d'une page, d'une nouvelle ou d'un roman, parvient à surprendre un lecteur compulsif blasé qui croit (quelle erreur) avoir tout lu. MITOCHONDRIES procure ce sentiment, notamment à travers l'exploitation du thème sportif, par une science-fiction qui aboutit à l'angoisse, voir à l'horreur. Les dérapages tragiques d'une science sans éthique y sont magistralement montrés du doigt. Le final de l'incroyable nouvelle-titre est même d'un gore inédit. L'auteur va bien au-delà des scandales du dopage ! On parlait de BRUSSOLO plus tôt. PHILIPPE BASTIN, et c'est un compliment, fait parfois penser à cet auteur génial. Par exemple, dans LA TRAGEDIE DU MUSEE DES SCIENCES NATURELLES DE VIENNE, délirant récit d'agressions animales - s'il faut le classer. Toujours dans le domaine de la S.F en milieu sportif, citons deux très bons textes : QU'EST DEVENUE NATALIA LACHTCHENKO et LES NUAGES GRIMACANTS, qui file même un peu les jetons. L'HOMME-CROCHET, déjà repéré par nos soins dans un CODEX ATLANTICUS, traite brillamment une célèbre légende urbaine. Comme lui, plus classiques peut-être, LE BAIN DES DAMNES, une histoire de malédiction orientale, et LA DETTE, avec sa vengeance infernale, n'en sont pas moins réussis. PHILIPPE BASTIN est belge. Oui, comme JEAN RAY, comme THOMAS OWEN, comme EDDY BERTIN ou GHELDERODE. Une preuve de plus, avec la parution tant attendue du second AMBRE DUBOIS, que la Belgique est profondément terre de fantastique.
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Yozone, 5 mars 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
Écrivain belge né à Liège
en 1958, Philippe Bastin voit son premier recueil de nouvelles (huit)
publié
par les éditions de La Clef d'Argent (collection KholekTh).
Bonne idée et sensation agréable, l'auteur
ne se limite pas seulement à l'exploration de thématiques
fantastiques assez classiques, même s'il le fait très efficacement
quand c'est le cas, mais propose aussi trois textes centrés sur
le sport, un sujet rarement exploré intelligemment dans les
littératures
de l'imaginaire.
Une bien belle surprise chez un éditeur qui nous
en offre très souvent.
Le premier élément qui frappe vraiment
le lecteur de ce «Mitochondries» est l'unité stylistique
de la plume rencontrée. La langue est belle, travaillée,
fluide, souvent originale. Bref il y a du talent dans les écrits
de Philippe Bastin qui dès son premier recueil nous oblige à
noter très sérieusement son nom dans un coin de notre esprit.
Le genre fantastique, bien qu'assez récent (XVIIIe
siècle), est exigeant en cela qu'il n'a jamais été
accaparé, contrairement à la grande majorité de la
production de science-fiction, par des auteurs se limitant à n'écrire
que cela. On serait bien en peine de tous les citer, mais aborder
volontairement
des rives qui ont accueilli aussi bien Honoré de Balzac que Guy
de Maupassant, Dino Buzzati ou Jorge Luis Borges, le poète Marcel
Béalu ou Jean-Louis Bouquet pour n'en citer que quelques-uns totalement
au hasard de nos lectures, vous impose des critères de qualité
évidents. Au pays des grands stylistes, les faux-pas ne sont pas
autorisés. Du point de vue des thématiques, c'est évidemment
un peu le même phénomène. On ne sait jamais si l'imaginaire
de l'auteur est l'élément central validant l'originalité
du récit ou si, tout simplement, la grandeur d'un style justifiera
tout.
Philippe Bastin s'inscrit, sans contestation possible,
dans la grande tradition des écrivains fantastiques qui prennent
plus de plaisir à évoquer le mystère plutôt
que de l'expliquer. Son charme réside aussi dans cette attitude
de retrait volontaire qu'il impose à ces narrateurs, observateurs
impuissants de faits troublants qu'ils n'éclaireront jamais d'un
quelconque raisonnement logique.
"Le bain des damnés" qui narre l'apparition d'une
noce maudite, une fois l'an dans un petit village du Maghreb, véhicule
l'éternelle inquiétude née dans ces histoires que
l'on se raconte volontiers depuis des lustres une fois les douze coups
de minuits sonnés. Tout comme "La dette" d'ailleurs, qui me semble
vouloir renouer avec le beau classicisme, certes un peu désuet,
des récits croisés dans les grandes anthologies du genre.
Le thème de la vente d'une âme au Diable (ou à la mort)
pour des motifs de vengeance à accomplir n'a nul besoin d'autre
chose que d'une belle plume pour distraire. "L'homme-crochet" pourrait
amener quelques jeunes lecteurs à se souvenir de séries B
(ou Z) du cinéma d'horreur contemporain, mais le lieu du malaise
(un canal désaffecté) et la conclusion sanglante de l'histoire
sont sans âge particulier. Ces trois textes, toujours très
bien sentis et écrits, sont donc par essence intemporels, mais aussi
les moins originaux du volume (tout en étant très réussis).
Seconde nouvelle du roman, "La tragédie du Muséum
des Sciences naturelles de Vienne" a ce petit plus qui force
l'adhésion.
Il y a dans la description minutieuse de la résurrection explosive
de milliers d'animaux morts et naturalisés une énergie et
un humour assez réjouissants. Malgré l'horreur, on sourit
et la sensation est très rafraîchissante.
"L'histoire de mon double" est un texte plus difficile
à aborder, mais qui récompensera le lecteur obstiné.
D'une grande noirceur, sans événements marquants, il se borne
à raconter une histoire étrange qui se finit mal. Mais du
pourquoi ou du comment, on ne saura rien. À l'image du narrateur,
héros perplexe par excellence, on sort de l'aventure en se posant
des questions dont les réponses n'existent pas.
On ne sait si Philippe Bastin est un fidèle des
journaux et magazines sportifs, mais on soupçonne que le sujet le
passionne. En effet, "Qu'est devenue Natalia Lachtchenko?" nous permet
de découvrir une jeune gymnaste russe qui, de conquêtes sportives
en sacres et titres variés, mincit et rapetisse, inexplicablement,
de plus en plus. L'histoire, racontée par un journaliste sportif,
a l'immense qualité de ne pas renvoyer aux oubliettes de la littérature
le statut du personnage central et fait qu'immanquablement on se
demande
aussitôt ce qu'il est advenu d'anciennes gloires de notre propre
passé, visions de poupées désarticulées aperçues
virevoltantes lors de précédentes compétitions et
dont nous n'avons plus jamais entendu parler depuis...
Sous un titre poétique, la nouvelle "Les nuages
grimaçants" donne surtout l'impression d'être le prélude
d'un roman fantastique moderne. Une conspiration internationale
inavouable
y serait la clef d'une intrigue à la Stephen King qui passionnerait
la ménagère de 20 à 70 ans. Des athlètes venus
de l'ancien bloc de l'Est trustent les podiums mondiaux, mais une fois
de plus, un journaliste sportif plus curieux que les autres remarque
que
ces sportifs sont tous porteurs du même tic, fait hautement improbable
et curieux. De là à penser qu'un quelconque tripatouillage
scientifique est à l'origine de leur réussite sportive, il
n'y a qu'un pas. Sauf que... Sauf que, Philippe Bastin s'arrête
volontairement
là ou d'autres débuteraient vraiment leur roman. Et c'est
heureux car l'effet fantastique joue alors à plein régime.
Ne rien expliquer, juste se borner à lancer l'enquête et conclure
sur un grand point d'interrogation est décidément le privilège
des écrivains qui savent contenir le plaisir de leurs lecteurs.
Last but not least, "Mitochondries" est la première
nouvelle du recueil ainsi que celle qui lui donne son titre. On
comprend,
c'est aussi la plus frappante et sans doute la plus surprenante. Si le
propos semble fantastique, le traitement de l'histoire, ses
justifications
scientifiques, la rattache entièrement au registre SF. Le final
apocalyptique, peu à peu découvert dans toute son horreur
via les nombreux témoignages des spectateurs d'une finale olympique
du 100 mètres, densifie la portée symbolique de la tragédie.
Des huit textes qui composent ce «Mitochondries»
on retient une forme de morale. Le dépassement de certaines frontières
est tout aussi dangereux pour ceux qui s'y risquent que pour les
observateurs
innocents, mais trop curieux! Une ambition fantastique sans concession,
un rien sadique, qui ne fait qu'augmenter notre plaisir de simple
lecteur.
La seule chose que l'on regrette vraiment dans cette
presque intégrale des nouvelles fantastiques de Philippe Bastin,
c'est l'absence dans ce recueil du beau texte "Murat", publié dans
le numéro du Codex Atlanticus (N°18) et dont nous avions déjà
signalé les grandes qualités.
Ceci dit, rien ne vous empêche d'investir doublement
à La Clef d'Argent!
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Psychovision.net, 27 février 2010.
Mitochondries, recueil de Philippe Bastin.
Vous aimez le sport? Pas trop? Beaucoup? Dans
n'importe
quel des cas vous allez de toute façon adorer ce recueil de 8 nouvelles
dont les plus poignantes, les plus troublantes et les plus
intéressantes
prennent tour à tour place dans le milieu de la course à
pied, de la gymnastique ou encore de la natation. Bien sûr dit comme
ça rien de passionnant (quoique rappelez-vous la nouvelle "une course
d'enfer" de Clive Barker) et pourtant, La clef d'argent nous offre ici
encore un livre atypique et donc très original. Un court recueil
que j'ai dévoré et adoré!
La nouvelle qui ouvre le bal est aussi celle qui donne
son nom au recueil et c'est un texte pour le coup très déstabilisant
à plus d'un titre. Tout d'abord bien évidement par l'histoire
qui nous est racontée ici soit celle d'un coureur de sprint qui
va peu à peu exploser dans le milieu et remporter des courses jusqu'au
dénouement plutôt macabre... C'est le souci avec ce genre
de nouvelles, très courtes, très concises et impeccablement
bien menée: on ne peut pas trop en dire. L'histoire donc est
déstabilisante
mais pour le lecteur d'imaginaire que je suis le cadre l'est tout
autant.
Le milieu du sport donc mais aussi le fait de ne pas vraiment savoir si
l'on est dans du fantastique ou dans de la SF. Bien sûr si je reste
fidèle aux définitions en rigueur je dirais non, il ne s'agit
pas de fantastique. Mais peut-on dire pour autant qu'il s'agit de la
SF?
Pas sûr non plus... Vous comprenez alors combien la lecture est
déstabilisante!
Car derrière le fait de ne pas savoir ce qu'est Mitochondries (un
titre qui sonne d'ailleurs plus SF, une mitochondrie étant un organite
à l'intérieur d'une cellule), derrière cette simple
idée de classement se cache tout simplement le fait que l'on est
devant un texte atypique et donc déroutant, surtout si à
cela vous ajoutez une qualité d'écriture époustouflante
et un style un brin décalé! Mitochondrie nous place alors
d'emblé dans un territoire peu connu et qui fera bien vite perdre
ses repaires au lecteur. C'est ce que j'aime. Mitochondrie, la
nouvelle,
est aussi une superbe métaphore sur le sport et ses excès,
entre autres le dopage.
Ce thème semble d'ailleurs cher au coeur de Philippe
Bastin qui le reprend, d'une façon toujours aussi déroutante,
dérangeante et glauque dans deux autres nouvelles: "Qu'est devenue
Natalia Lachtchenko?" et "Les nuages grimaçants". De cette dernière
je ne vous dirais rien, ou pas grand-chose, si ce n'est qu'elle se
passe
dans le milieu du journalisme sportif et que je n'ai pas tout compris.
Un brin trop barré pour moi, malgré comme toujours une ambiance
passionnante et une plume superbe! Par contre "Qu'est devenue Natalia
Lachtechenko?"
est absolument époustouflante, hommage vibrant à ces jeunes
gymnastes que l'on torture pour une médaille, pour un mouvement
parfait ou pour un podium. Cette nouvelle est emplie de sensibilité
et encore une fois d'une réflexion sur le sport, le corps humain
et ses mystères. Oui, car réfléchir sur le sport peut
être une chose passionnante, et c'est là où nous mène
une partie de la littérature de Philippe Bastin, qui ne consiste
pas uniquement à lire le journal L'équipe mais aussi à
se poser la question du pourquoi et du comment. Et si tout cela n'avait
pas forcement de différence avec les anciens jeux du cirque? Rien
que pour ces nouvelles, rien que pour cet humanisme et pour cette belle
réflexion, le recueil vaut le détour! La nouvelle "Mitochondrie"
rejoint "Une course d'enfer" de Clive Barker, c'est vous dire!
Mais Philippe Bastin, c'est aussi un fantastique plus
classique, avec des ambiances sombres qui sont autant à rapprocher
de Maupassant que d'auteurs plus contemporains! Difficile en effet de
ne
pas penser à Maupassant ou bien même Jean Ray avec " L'homme-Crochet".
Dans le brouillard belge, au bord d'un étrange canal ou sur une
de ses rives, subsiste une vieille taverne, des choses étranges
se racontent, des légendes d'un homme vivant dans le fond des eaux
et surgissant parfois pour entrainer avec lui les petits enfants pas
sages...
Et si ce n'était pas qu'une légende? Somptueux, tout simplement
fabuleux! Un grand moment de fantastique. Autre grand moment de
fantastique
aussi: "La dette". Imaginez une postière qui un jour doit envoyer
le recommandé d'un homme étrange, défiguré
et qui apprend par la suite que l'homme qui a reçut l'étrange
missive est mort. Un mort c'est une coïncidence, deux s'en est plus,
trois il se passe quelque chose... Non, je ne vous en dirai pas plus,
c'est
flippant, dérangeant, étrange, intelligent et beau!
Mais il ne peut pas y avoir un bon recueil de
fantastique
sans monstres, ni même sans double. Et si vous arriviez un jour chez
vous et que vous trouveriez un autre vous, quelle serait votre
réaction?
Et bien lisez Mitochondries et vous le saurez. Entre Kafka et
Maupassant,
entre Clive Barker et Brussolo, tout simplement fabuleux!
C'est le troisième ouvrage que je lis de cette
maison d'édition, La clef d'argent, et le second dans cette collection
Kholekth - le premier étant C'est un peu la paix, c'est un peu la
guerre d'Andrevon - et bien une chose est sûre, c'est qu'elle tient
toutes ses promesses en nous proposant de l'atypique et de l'étrange,
quelque chose qui sort des sentiers battus! Philippe Bastin a été
pour moi une vraie claque, une vraie révélation même
si, et c'est le seul reproche que je ferai au recueil, c'est court,
trop
court, beaucoup trop! Quand c'est bon, on aime que ça dure! Croyez-moi
je vais guetter avec la plus grande attention les autres textes de
Philippe
Bastin que j'ai découvert ici et les autres sorties de La Clef
D'argent.
Quant à vous, cher ami lecteur, foncez, c'est du bon!
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Bifrost n°57, 21
janvier
2010.
C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre, recueil de Jean-Pierre Andrevon:
On ne présente plus Jean-Pierre Andrevon. Ecrivain
prolifique oeuvrant depuis plus de quarante ans dans l'Imaginaire
hexagonal,
à la fois anthologiste et illustrateur, l'artiste français
appartient à cette catégorie d'auteurs qui n'ont plus rien
à prouver et dont on guette pourtant -- avec impatience et angoisse
-- chaque nouvel opus.
Ici. rien de vraiment neuf ou juste un peu. En effet,
La Clef d'Argent, micro-éditeur dont il convient de louer la qualité
du catalogue, explore la carrière de l'auteur français en
nous proposant une sélection de textes dont l'écriture s'etale
des années 1960 à la première décennie du XXIe
siècle. Quarante-cinq nouvelles (dont certaines confinent â
la short-short), postface de Jean-Pierre Andrevon comprise, offrent
ainsi
l'opportunité de se pencher, ou éventuellement de découvrir,
la part non science-fictive de la bibliographie d'un auteur qui n'a
jamais
vraiment cessé d'écrire. Il serait vain de résumer
chaque histoire de C'est un peu la paix, c'est un peu la guerre.
Non par crainte de déflorer leur sujet, mais tout simplement parce
que cela contribuerait à «tuer» la petite musique intime
se dégageant de l'ensemble. Contes cruels lorgnant vers la poésie
surréaliste, histoires absurdes dont l'atmosphère rappelle
celle des histoires courtes de Dino Buzzati ou de Jacques Sternberg, le
recueil est un goûteux florilège de textes où prévalent
les thématiques habituelles de l'auteur. D'abord, ce regard désabusé
sur l'humanité, sur sa propension à l'autodestruction quasi-génetique
et sur sa capacité à s'enfermer délibérément
dans des conventions sociales rigides. Puis, cette sensibilité à
fleur de peau, cette aptitude à saisir l'indicible et à l'exprimer
sans fioritures, avec une économie de mots assez impressionnante.
Cette capacité, encore, à user d'un humour grinçant,
à manifester une misanthropie réjouissante, à se moquer
de ces masses serviles et abruties que l'on nomme humanité. Tout
cela, en témoignant d'un chaleureux respect pour l'humain, dans
la plus élémentaire acception du terme.
Auteur atrabilaire -- dans le même genre, on pense
un peu à Pierre Magnan --, sincère dans ses colères,
dans sa détestation de l'armée, de la hiénarchie.
du mariage, du travail, toutes les institutions bourgeoises en règle
générale, Jean-Pierre Andrevon se montre fidèle dans
ses amitiés littéraires et dans son goût immodéré
pour la nature vierge, les oiseaux, la solitude et les femmes. On lui
par
donnera son attachement aux poitrines féminines (une image récurrente
de ce recueil) pour ne retenir de sa prose que le charme suranné,
comme on ne retiendra de ces histoires étranges que leur concision
exemplaire.
Au final, C'est un peu la paix, c'est un peu la
guerre
s'impose comme un ouvrage digne de figurer dans la bibliothèque
de tout amateur de l'oeuvre de Jean-Pierre Andrevon. Un recueil rythmé
par le bruit des explosions de bombes, mais dans lequel les moments de
paix incitent encore plus à la contemplation.
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Phénix-Web, 3 janvier 2010.
Chroniques de la Terre figée, roman SF jeunesse de Pierre Gemme.
Les Editions de La Clef d'argent, bien connues de
nos
lecteurs pour ses découvertes en, littérature de l'Imaginaire,
lancent une collection Jeunesse inaugurée par ce roman de Pierre
Gemme.
Avec un nom pareil, l'auteur ne peut offrir que des
joyaux.
Et ce roman en est un, vraiment, même si la pierre n'est pas peut-être
pas totalement polie, et manque d'achèvement. Les amateurs de
post-cataclysme
aimeront.
Un météore énorme percute la Terre
qui se trouve... figée, à savoir immobile. Comme Mercure,
la voici coupée en deux, une face torride, l'autre glaciale. Dans
la partie torride survivent quelques humains désespérés.
Deux enfants jumeaux, Axel et Nova, décident de s'enfuir en
montgolfière.
Axel est un brillant ingénieur et Nova une mystérieuse télépathe.
Accompagnés de Black, chauve-souris dotée de pouvoirs étranges,
ils vivront des moments terribles avant d'arriver à la frange médiane
entre les deux températures extrêmes. Tout avance très
vite, et l'action prime. Quittant leur père dans les grottes du
Sud, ils retrouvent leur mère en Amazonie, après une traversée
épouvantable. Tout cela est un peu téléphoné,
mais se lit avec agrément. Dans la seconde partie, nos jeunes héros
passent dans la zone froide: leur but ultime est, tout simplement, de
détruire
le météore et de rétablir la rotation de la planète!
Tout cela fleure bon la bonne vieille anticipation française, pour
le plus grand plaisir d'aucuns. Avec l'aide de populations polaires
terrorisées,
ils parviennent, aux prix d'efforts terribles, à arracher l'aérolithe
inopportun de l'orbite terrestre. Dans la troisième partie, nouvelle
par rapport à la première édition parue aux Editions
Nestiveqnen en 2003-2005, Axel et Nova se débattent dans une Terre
qui tourne à nouveau. Aidés par de mystérieux coraux
extra-terrestres, ils parviendront à sauver leur père de
la tyrannie naissante des hommes d'après la catastrophe. Happy end.
Ces Chroniques de la Terre figée commencent très
bien et les deux premières parties se lisent avec plaisir, renouant
avec le roman d'aventures classique. Malheureusement, le troisième
épisode tire en longueur, le lecteur sachant très bien que
le papa sera sauvé in extremis du méchant usurpateur. Un
peu dommage, là. Espérons que Pierre Gemme, qui promet une
suite aux exploits d'Axel et Nova, se ressaisisse, et nous livre un
nouvel
opus digne du début de celles-ci.
Le saviez-vous? Vous pouvez commander tous nos titres disponibles sur notre page Catalogue. |